Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Compte joint

De la dernière agression israélienne, certains n’auront retenu que les carences d’une diplomatie libanaise enferrée dans un moule trop étroit fabriqué à Damas. Ou encore, le donquichottisme du Hezbollah, qui pense être en mesure d’établir une parité stratégique en utilisant les désuètes Katioucha contre un ennemi capable de détruire en un clin d’œil la cible de son choix dans n’importe quel coin du pays. Qu’il soit dit en passant que ces mêmes Katioucha ont brisé l’armée du maréchal Friedrich Paulus à Stalingrad, en 1943, et que, de toute façon, la supériorité militaire et technologique ne suffit pas à elle seule à faire plier ceux qui sont déterminés à lutter jusqu’au bout pour leur droit. Relever les déclarations malheureuses des responsables, leurs décisions irréfléchies et parfois mal pesées est certes une entreprise louable dans un État qui se prétend démocratique. Ce n’est pas avec des encensoirs que l’on aide à rectifier le tir au besoin, mais en développant un esprit critique, loin de toute complaisance. S’ingénier à ne relever que les incartades et à oublier tout le reste serait cependant tomber dans l’excès contraire. Certains, en effet, se tiennent constamment en embuscade, dans l’attente d’un faux pas pour laisser éclater leur vindicte. Ceux-là voient des erreurs partout, alors qu’il y a souvent des riches enseignements à tirer, même des situations les plus éprouvantes. Les contributions de nombreux Libanais au compte bancaire ouvert pour effacer les séquelles des bombardements israéliens méritent par exemple d’être mentionnées, autant que les déficiences d’une diplomatie poussive alignée sur celle de la Syrie, par conviction ou par contrainte. Même modestes, les dons versés par des particuliers sont aussi importants que les grands slogans d’«entente nationale, de souveraineté et de liberté de décision». Qu’un citoyen originaire du Akkar se sente concerné par la reconstruction du pont de l’Awali qui mène au Liban-Sud dénote une volonté de sortir des frontières du village ; un désir d’exprimer son appartenance à tout un pays et non seulement à son terroir ; une tentative de s’émanciper et d’élargir ses horizons, tout en restant attaché à sa région natale. Des sentiments longtemps refoulés par la logique de la guerre et par les discours réducteurs aussi dangereux que les dialogues à coups de canons qui les ont précédés. Il est vrai que les contributions individuelles ne constituent pas un phénomène de masse. Les généreux donateurs ne se bousculent pas au guichet de la Banque du Liban. Mais est-ce vraiment le nombre qui compte ? Qu’ils soient mille ou dix mille à vouloir participer à la reconstruction des sites détruits, la réalité demeure inchangée. Ils sont tous mus par le même sentiment patriotique, sans lequel les institutions les mieux huilées, l’armée la plus disciplinée et les fonctionnaires les moins corrompus ne peuvent pas édifier un pays. Déjà en avril 1996, lorsque des familles chiites du Sud avaient trouvé les portes des couvents et des églises grandes ouvertes, on avait pu constater l’existence de cet élan de solidarité nationale. La dernière attaque israélienne a prouvé que ce germe est toujours là et attend d’être cultivé. Il s’agit d’une petite lueur d’optimisme face à l’immensité de la tâche qu’il reste à accomplir pour reconstruire un véritable pays. Mais ce sont les détails, aussi minimes soient-ils, qui font les grandes choses.
De la dernière agression israélienne, certains n’auront retenu que les carences d’une diplomatie libanaise enferrée dans un moule trop étroit fabriqué à Damas. Ou encore, le donquichottisme du Hezbollah, qui pense être en mesure d’établir une parité stratégique en utilisant les désuètes Katioucha contre un ennemi capable de détruire en un clin d’œil la cible de...