Actualités - CHRONOLOGIE
La " guéguerre" serbo-albanaise à la télévision allemande
le 29 avril 1999 à 00h00
Au 20e étage de l’immeuble de la Deutsche Welle, véritable tour de Babel d’où la radio internationale allemande émet en 34 langues, journalistes serbes et albanophones s’efforcent de travailler ensemble, même s’ils n’ont plus vraiment envie de se parler. «Le malaise est particulièrement sensible depuis le début des bombardements et l’expulsion des Kosovars, et encore plus depuis la destruction de la télévision serbe», explique Adelheid Feilcke-Thiemann, directrice allemande de la rédaction albanophone, forte de quatre journalistes. «Il n’y a pas d’incident ou de dispute. On se dit bonjour dans le couloir, on travaille quand même pour la même radio. D’autant que nous avons les mêmes difficultés pour joindre nos correspondants. Untel, en Serbie, a de temps à autre l’opportunité de nous appeler. Tel autre, au Kosovo, ne peut nous joindre que quand il peut utiliser un téléphone de l’UCK», l’Armée de libération du Kosovo (séparatiste). «Alors nous échangeons des informations. Mais on sent comme une gêne». Le contenu n’est pas en cause: «nous sommes réputés pour notre indépendance», souligne Mme Feilcke-Thiemann. «Nous évitons les expressions telles que “république du Kosovo” ou “président Ibrahim Rugova” qui ne sont pas neutres». «C’est la même chose côté serbe. Nous diffusons, dans deux langues, la même information, à destination de plusieurs millions de personnes, serbophones ou albanophones», ajoute-t-elle. La Deutsche Welle est très écoutée en Europe de l’Est, où elle est perçue comme la plus objective des grandes radios internationales occidentales. «La seule différence, c’est que la rédaction serbe représente une alternative à la propagande de Belgrade. Nous, nous n’avons pas ce problème», explique Pandeli Pani, un journaliste albanais qui assure entretenir des «relations professionnelles normales» avec ses six confrères serbes, tout en reconnaissant que, «dans les faits, il leur parle peu». Beqe Cufaj n’est pas du même avis. Kosovar, âgé de 38 ans, il est collaborateur occasionnel de la Deutsche Welle et correspondant à Bonn du quotidien albanophone du Kosovo Koha Ditore, dont les locaux ont été incendiés le 23 mars à Pristina par les forces paramilitaires serbes. «Je n’ai plus peur de dire mon nom: toute ma famille a été déportée du Kosovo», explique-t-il, amer. «Bien sûr, je parle le serbe couramment. Mais maintenant, je ressens très fort le fait que cette langue m’a été imposée». «En mars, j’ai couvert les négociations de Rambouillet», raconte-t-il en tirant nerveusement sa cigarette. «Comme je ne parle pas français, une collègue serbe de la Deutsche Welle m’a aidé. Depuis, je la vois tous les jours, mais je n’arrive plus à lui adresser la parole». À deux portes de là, la collègue en question confirme. «C’est vrai, mais c’est une attitude que je peux comprendre», déclare-t-elle, en requérant l’anonymat: «toute ma famille est à Belgrade». «Ici, à la rédaction serbe, personne ne porte Milosevic dans son cœur. Quand je vois ce qu’il fait subir aux Kosovars, que le sinistre Arkan (le chef de guerre serbe Zeljko Raznatovic, poursuivi par le TPI pour crimes contre l’humanité en Bosnie) sévit là-bas, j’ai honte pour mon pays», ajoute-t-elle, au bord des larmes. Les bombardements, qu’elle estime «injustifiés», lui font penser à ses parents. Et aussi aux morts de la télévision yougoslave, toute inféodée qu’elle soit au régime : «c’étaient quand même des confrères». Sur ce sujet, Beqe Cufaj n’a plus d’états d’âme: «cette télévision fait partie des armes de Milosevic. Sa destruction est une très bonne chose». Conscient du sentiment de sa consœur serbe, il explique: «Vous voyez, même en pensant la même chose de Milosevic et de son régime, on ne se retrouve pas du même côté».
Au 20e étage de l’immeuble de la Deutsche Welle, véritable tour de Babel d’où la radio internationale allemande émet en 34 langues, journalistes serbes et albanophones s’efforcent de travailler ensemble, même s’ils n’ont plus vraiment envie de se parler. «Le malaise est particulièrement sensible depuis le début des bombardements et l’expulsion des Kosovars, et encore plus...
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