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Actualités - ANALYSE

L'opposition parle de poudre aux yeux

Les députés qui glissent vers l’opposition semblent de plus en plus nombreux. C’est que la manifeste inclination des autorités à des méthodes drastiques d’épuration suscite chez les politiciens professionnels sinon une inquiétude personnelle du moins la crainte de voir le pays secoué, déstabilisé à l’intérieur à un moment où il n’en a pas du tout besoin. Ces parlementaires, dont la plupart tiennent cependant à préciser qu’ils sont pour le régime mais contre le gouvernement, affirment en substance que «l’équipe Hoss ne sait pas quoi inventer pour masquer son impuissance face à la crise économique et son incapacité à produire un bon budget 99. Toutes ces histoires de scandales, de dossiers qu’on exhume, ne sont dès lors qu’une fuite en avant devant des responsabilités que les 16 ne parviennent pas à assumer. Les ministres n’ont pu le cacher : ils n’arrivent pas à s’entendre sur le budget. Certains veulent faire flamber l’essence ou appliquer la TVA, d’autres préfèrent qu’au risque d’accroître la dette publique on ne pressure plus le contribuable. Le premier trimestre est fini et le gouvernement n’a toujours pas mis la dernière main au projet de loi de finances. À ce rythme, et compte tenu du temps qu’il faudra aux commissions parlementaires pour l’étudier puis à l’Assemblée pour en débattre, on n’en aura pas fini en mai. Cela signifie en pratique que pendant deux mois encore, on va laisser le pays continuer à s’asphyxier économiquement. Car tout est bloqué, gelé, paralysé, empoisonné par l’ignorance dans laquelle on reste au sujet du budget de l’État, élément qui conditionne à 80 % l’activité économique, financière et monétaire du Liban». Ces députés rappellent que «le Cabinet, formé début décembre, avait promis de nous adresser le projet de budget en février. Il disposait déjà du travail préparatoire effectué par les services des Finances pour les chapitres de routine, qui représentent du reste le gros du budget : les salaires des fonctionnaires et le service de la dette. Ce sont des chapitres auxquels il n’y a rien à changer. Cela signifie que le retard pris a été entièrement provoqué par le débat entre les membres du pouvoir sur la fameuse annexe de l’arrêté numéro neuf, qui établit les barèmes des taxes, douanières et autres. Quand le gouvernement rejette la responsabilité sur le pouvoir précédent, il ne fait que perdre encore du temps. Ou plutôt qu’en gagner en détournant l’attention de l’opinion de ses alarmantes tergiversations. Car le fiasco de la réforme administrative comme les hésitations budgétaires actuelles démontrent clairement que l’on a eu tort de faire appel pour gouverner à des cadres habités par une mentalité de fonctionnaires ou à des gens totalement inexpérimentés en matière d’affaires publiques. Gouverner, c’est savoir décider et se décider. Or il semble que pour toute démonstration de leur détermination, les responsables s’en remettent avec soulagement aux autorités judiciaires, à travers l’ouverture de dossiers qui sont autant de moyens de manifester la présence de l’État sur un plan, quand on ne sait pas l’affirmer sur un autre plan. Bien plus crucial». Paralysie Et de conclure en soutenant que «le gouvernement veut présenter à l’opinion une vision manichéenne des choses, comme dans les films de cow-boys. Il serait lui-même constitué de gens absolument honnêtes et les prédécesseurs seraient tous ou presque d’affreux brigands. Les réalités ne sont jamais aussi simples. Surtout que l’intérêt d’un pays ne se confond pas toujours avec la morale ou même avec les lois en vigueur. Toutes proportions gardées, et sans vouloir blesser personne, le gouvernement actuel en fait lui-même la démonstration. Car en refusant d’intégrer les 1 143 milliards de LL d’impayés au budget, rien que pour ne pas avoir à déclarer un déficit supérieur à 40%, il enfreint clairement ces règles de comptabilité publique et de transparence dont il dénonce la violation». Un autre député, dont les préoccupations sont plus régionales, s’insurge «contre la volonté du gouvernement de réduire nos allocations travaux publics de 150 à 71 millions de LL par député. Cela surgèle la dynamique de travaux, surtout dans les régions qui ne connaissent pratiquement pas d’autres investissements que ceux de l’État». Dans le même sens, ce député remarque que «la compression budgétaire, en amputant les crédits de certains ministères de quelque 20 % , va aussi tuer le travail dans le pays, pour le peu qu’il en reste. On ne peut pas vouloir relancer la croissance en minimisant les dépenses publiques extérieures dans un pays où à peu près tout dépend de l’État. Il est certes légitime de tenter d’assainir les finances publiques. Mais si l’on veut faire des économies, il faut se tourner vers la lutte contre la gabegie, le gaspillage et l’excédent de personnel, non pas fermer le robinet des travaux publics». Un troisième député espère «que le chef de l’État qui suit avec attention des développements saura prévenir les dérapages d’un radicalisme gouvernemental très inquiétant sur le plan de la stabilité politique. Le président de la République a pour but de consacrer un État de droit et des institutions. On ne peut pas y parvenir sans un plan d’évolution progressive bien huilé. Le pouvoir montre du savoir-faire quand il traite avec les entrepreneurs. Il va leur payer les 600 milliards qu’il leur doit par des bons du Trésor, à des intérêts de quelque 5 %. Des règlements pareillement échelonnés sont prévus pour les hôpitaux conventionnés et les expropriés. Il faut souhaiter qu’avec les dossiers aussi, on sache faire montre de diplomatie». Et de mettre en garde «contre un climat alourdi, empoisonné par les poursuites, qui pourrait provoquer une véritable explosion politique lors du débat budgétaire à la Chambre où l’ancien pouvoir, tous pôles réunis, dispose encore d’une large assiette».
Les députés qui glissent vers l’opposition semblent de plus en plus nombreux. C’est que la manifeste inclination des autorités à des méthodes drastiques d’épuration suscite chez les politiciens professionnels sinon une inquiétude personnelle du moins la crainte de voir le pays secoué, déstabilisé à l’intérieur à un moment où il n’en a pas du tout besoin. Ces...