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Actualités - REPORTAGES

Parlement - Vaines tentatives pour modifier le découpage Vote sans surprise de la loi électorale

Vote sans surprise, hier, place de l’Étoile, de la nouvelle loi électorale. Le sujet est d’une brûlante actualité, mais les deux séances parlementaires consacrées à l’examen du texte étaient particulièrement froides. Comme si un vent de résignation soufflait sur une Chambre, qui savait d’avance que la loi allait être votée, quelles que soient les critiques et aussi fondées fussent-elles. La loi est votée par 81 voix contre 17 «non» et 4 abstentions, non sans avoir été qualifiée d’«injuste», de «déséquilibrée» et considérée par une vingtaine de parlementaires comme étant «truffée de failles» et «taillée à la mesure de certains responsables». «Cette loi barre la route à toute possibilité de changement et sape l’espoir de développement et de réforme nourri par la population», s’est écrié M. Nassib Lahoud. Deux voix lui ont fait écho : celle, pragmatique de M. Hussein Hussein, qui évoque «des données précises» ayant commandé, selon lui, l’élaboration de cette loi, et celle résignée, du chef du gouvernement, M. Sélim Hoss, qui reconnaît que la loi n’est pas idéale, mais qu’elle a été élaborée à l’ombre d’une «réalité et de circonstances qui dominent et qui s’imposent». La Chambre a eu besoin de trois heures pour voter le texte, auquel elle a introduit six amendements mineurs qui n’altèrent en rien le fond. La première partie de la séance matinale est consacrée aux allocutions des députés dont 18 commentent la reprise des négociations de paix entre Israël et la Syrie. Il s’agit notamment de Mme Nayla Moawad et de MM. Boutros Harb, Robert Ghanem, Ali el-Khalil, Zaher Khatib, Ibrahim Bayan, Talal Merhebi, Nazih Mansour, Khaled Daher, Misbah Ahdab, Najah Wakim, Jamil Chammas, Abdellatif Zein, Abdallah Cassir, Ammar Moussaoui, Mahmoud Awad, Farès Boueiz et Rafic Hariri. La plupart des orateurs se félicitent de la reprise du dialogue syro-israélien au point où il avait été interrompu et mettent en garde contre l’implantation des Palestiniens au Liban. L’éventualité d’un redémarrage du dialogue entre le Liban et Israël est considérée comme un fait accompli... M. Ammar Moussaoui, député du Hezbollah, se démarque de ses collègues et annonce qu’il prend ses distances vis-à-vis du Liban et de la Syrie et qu’il mise sur la Résistance et non pas sur une paix avec l’État hébreu. M. Farès Boueiz, ancien ministre des Affaires étrangères, relève «une contradiction» dans l’attitude du gouvernement, «dans la mesure où ce dernier exprime son attachement à la résolution 425 et appelle simultanément à une paix juste et globale qui implique des négociations avec Israël sur des questions autres que celles d’un retrait du Liban-Sud», à savoir le dossier de l’eau ou celui des réfugiés palestiniens. M. Boueiz rappelle à cet égard les principes sur base desquels Beyrouth avait engagé des pourparlers de paix avec Israël. Pendant que les orateurs se succèdent à la tribune, les députés du Hezbollah s’activent pour rassembler le maximum de signatures sur la proposition d’amendement de la Constitution en vue d’abaisser la majorité électorale à 18 ans. Ils rassembleront 89 signatures. Quelques parlementaires demanderont au gouvernement de tenir compte des doléances des employés de la municipalité de Tripoli, qui observaient un sit-in devant le siège de l’Assemblée, pour protester contre le fait qu’ils ne bénéficient pas des mêmes avantages que leurs collègues à la municipalité de Beyrouth, avant que M. Najah Wakim n’aborde un problème dont une grande partie de la population se plaint : la contribution des agents de l’ordre à l’aggravation des embouteillages. «Avant de placer des agents de la circulation au niveau des carrefours, formez-les, pour l’amour de Dieu!», lance-t-il. «Je suis souvent sur les routes et je peux vous assurer que ce sont essentiellement les véhicules des FSI et de l’armée qui circulent en violation du code de la route et provoquent des embouteillages. Leur comportement constitue une insulte aux citoyens», ajoute-t-il, avant de s’insurger contre les barrages de sécurité «établis pour humilier les gens et qui n’ont jamais servi, à ma connaissance, à arrêter un cambrioleur ou un trafiquant de drogue». Sarcastique, il souhaite la bienvenue au ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr. «Vous êtes rentrés quand de Washington ?», poursuit-il sur le même ton. «Si la question se pose, c’est parce que je pensais que la commission de l’Administration et de la Justice allait se réunir lundi, mardi et mercredi (derniers) pour achever l’examen du projet de loi électorale. Or, jeudi, j’ai appris qu’il fallait en finir le jour même avec le texte parce que le ministre se rendait lundi à Washington pour les négociations de paix». M. Rafic Hariri interroge le gouvernement sur les raisons pour lesquelles les magistrats doivent désormais effectuer le service du drapeau alors qu’ils en avaient été exemptés. Il est 12h28 lorsque la Chambre entame l’examen de la loi électorale, après avoir approuvé une proposition de loi revêtue du caractère de double urgence et autorisant le gouvernement à fixer par décret pris sur autorisation des ministres des Finances, des P et T et de l’Information, les taxes de location de fréquences pour les programmes satellitaires. Jusqu’à 15h, l’examen des articles du projet de loi n’avait toujours pas commencé. Les députés commentent le texte de manière générale. Ils sont 24 à l’analyser et la moitié trouve qu’il est «déséquilibré, injuste, antidémocratique, bourré de failles et taillé à la mesure de quelques hommes politiques». Au nombre de ceux-ci notamment, MM. Najah Wakim, Nassib Lahoud, Nadim Salem, Camille Ziadé, Boutros Harb , Ismaïl Succarieh, Mahmoud Awad, Misbah el-Ahdab, Khaled Daher, Robert Ghanem, Émile Naufal, Zaher el-Khatib et Mme Nayla Moawad. Les députés du Hezbollah et plusieurs de leurs collègues se contentent de plaider en faveur de l’abaissement de la majorité électorale à 18 ans. « Des explications floues » À plusieurs reprises, le chef de l’Assemblée intervient pour expliquer à ce sujet que la balle est dans le camp du gouvernement dans la mesure où une proposition de loi en ce sens lui avait été soumise par la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice et qu’il s’était engagé à la prendre en considération. M. Berry explique qu’il s’était entretenu avant la réunion avec le chef du gouvernement, M. Sélim Hoss, et que ce dernier s’était dit disposé à donner suite à la requête parlementaire. Selon lui, la question ne doit pas tarder à être tranchée, mais la procédure relative à un amendement de la Constitution doit être respectée. Comme on peut le constater, l’explication fournie par le président de la Chambre n’est pas très précise. Certes, elle traduit une volonté de réviser la majorité électorale mais de là à dire qu’elle permet d’assurer que l’âge de vote sera abaissé à 18 ans, du moins en prévision des législatives de l’an 2000, il y a loin Toujours est-il que les commentaires relatifs à la loi électorale laissent transparaître une grande part de déception et beaucoup d’amertume. La même amertume est évidente, curieusement, dans les propos de M. Hoss, qui répondra en fin de séance aux critiques parlementaires. Ceux qui ont cru à une loi qui tiendrait vraiment compte des exigences de la réforme politique ont vite déchanté. «Le texte ressemble lamentablement à celui sur base duquel les élections de 1992 puis de 1996 avaient eu lieu». La même phrase est répétée, comme un leitmotiv, aussi bien par ceux qui croyaient vraiment que la loi permettrait d’insuffler une vie nouvelle à la politique locale que par ceux qui voyaient s’anéantir leur espoir de renouveler leur mandat parlementaire à la faveur de ce même texte. M. Wakim reproche vivement au gouvernement et à la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice de n’avoir pas pris en considération les formules proposées par de nombreux députés et leaders politiques pour la nouvelle loi électorale. Il reviendra à la charge un peu plus tard pour dénoncer l’esprit confessionnel qui commande, selon lui, la vie politique au Liban et pour juger que la loi sous étude est anticonstitutionnelle. D’une voix de stentor et frappant du poing sur la table, M. Wakim met en garde contre «le projet de discorde» dont la nouvelle loi «porte les prémices». «Qui a dicté ce texte, spécialement élaboré pour que les gens ne votent pas et qu’on a sournoisement passé comme on l’avait fait avec les lois de 1992 et de 1996 ? Des élections régulières, dites-vous ? Pensez-vous que celui qui triche avec une loi ne pourra pas falsifier un extrait d’état civil ?». Tous les yeux sont rivés sur lui. Personne ne réagira à sa diatribe. Lahoud : « Consacrer les acquis du passé » M. Nassib Lahoud est certes moins véhément que le député de Beyrouth, mais tout aussi sévère et critique. Il s’interroge sur les critères pris en compte lors de l’élaboration du projet de loi et estime que si le gouvernement ne parvient pas à démontrer que le texte est «objectif, neutre, impartial et global, ces quatre critères étant la base de toute bonne législation, il sera le premier à remettre en cause la loi». «Nous nous sommes efforcés de retrouver ces critères dans le texte proposé. En vain. Nous avons tenté de trouver quelque égalité dans la repartition des sièges et nous avons trouvé une circonscription représentée par six sièges (à Beyrouth et dans la Békaa-Ouest) et 17 sièges dans une autre (au Liban-Nord). La justice? Nous avons découvert un mohafazat représenté par 19 députés (Beyrouth) et divisé en trois circonscriptions et un autre représenté par 28 députés (le Liban-Nord) et divisé en deux circonscriptions» . M. Lahoud poursuit sur sa lancée et énumère les failles qu’il a constatées au niveau du découpage électoral, avant de déplorer les trois «principales caractéristiques du projet de loi : – Il garantit d’avance la victoire de parties déterminées, ce qui mine les bases du processus électoral ; – Il supprime la concurrence entre les candidats à travers un découpage qui empêche la confrontation entre d’éventuels candidats rivaux ; – Il barre la route devant le développement et le changement de notre système politique et empêche de larges franges de la population de se frayer un chemin vers le Parlement». Pour lui, la loi sous étude «consacre les acquis du passé, anéantit les promesses de réforme et sape tout espoir de modernisation et de développement nourri par la population». À l’instar de M. Wakim, le député du Metn annonce qu’il refuse de voter la loi. M. Misbah el-Ahdab (Liban-Nord) adoptera la même position, après avoir exprimé des doutes quant à la possibilité pour la loi de favoriser la réforme politique. M. Camille Ziadé (Kesrouan) est un peu plus nuancé. Il refusera de voter si l’on ne tient pas compte de ses réserves. Tout en estimant que le texte comporte des points positifs – à titre d’exemple, la fusion des cazas de Jbeil et du Kesrouan en une seule circonscription –, il déplore que le découpage électoral n’ait pas été effectué sur base d’un même critère, développant à ce propos une argumentation similaire à celle de M. Lahoud. «Nous constatons que la répartition discrétionnaire des circonscriptions électorales et du nombre de sièges parlementaires par circonscription est justifiée par la nécessité de tailler un grand nombre de divisions électorales à la mesure de certaines personnes», note M. Ziadé. M. Khaled Daher (Liban-Nord) développe la même idée en déplorant le découpage électoral au Liban-Nord. Selon M. Ziadé, «même si le texte comporte quelques éléments positifs, il reste dans l’absolu décevant et truffé de lacunes et de failles, d’autant qu’il n’assure pas l’égalité et la justice». Il exprime toutefois l’espoir que par son comportement durant la période préparatoire aux élections et au cours du scrutin, le gouvernement réussira à compenser le déséquilibre au niveau du découpage électoral. MM. Samir Azar et Yassine Jaber répondent indirectement aux critiques de leur collègue Nadim Salem qui avait violemment déploré le fait que Jezzine ait été rattaché à Nabatiyé et dissocié de Saïda. Le découpage électoral est aussi contesté par Mme Moawad et MM. Awad, Harb, Naufal et Zaher el-Khatib. Mme Moawad et M. Awad annoncent qu’ils s’abstiendront de voter. M. Hariri, qui rappelle que son bloc ne votera pas la loi, se contente de soulever un simple point de forme et s’étonne de ce que le projet de loi amendé en commission porte le même numéro que le décret transmettant le texte au Parlement. MM. Robert Ghanem, Jamil Chammas, Tammam Salam et Hassan Alawiyé adotent un ton plutôt conciliant. Le pragmatisme de Husseini Détonant presque avec la véhémence des critiques de ses collègues, M. Hussein Husseini fait preuve d’un grand pragmatisme. Il reconnaît que la formule sous étude n’est pas la meilleure pour une loi électorale et n’est pas compatible avec les dispositions de l’accord de Taëf, mais note qu’elle «est en harmonie avec les développements en cours». «La loi, constate-t-il, se fonde sur des données que j’ignore, mais je sais que nous vivons toujours dans des conditions extraordinaires sur le plan régional». Ce qu’il tente d’expliquer à ses collègues, c’est qu’un cas de force majeure (?) commande la formule contestée du projet de loi. Il met en garde contre une analyse de la loi électorale sous l’angle des rapports de force politique, estimant que cette formule ne tient pas au Liban. Selon lui, c’est la seule formule de l’entente qui doit prévaloir dans le pays et c’est elle qui commande l’ensemble de la vie politique. M. Husseini est le dernier à commenter la loi électorale. La parole est ensuite donnée à M. Hoss qui reconnaît que la formule retenue pour le texte est loin d’être idéale. «Nous sommes confrontés à une réalité et à des circonstances détermineés qui dominent et qui s’imposent d’elles-mêmes», fait-il remarquer sur un ton résigné, presque défaitiste. Selon lui, les propositions de loi électorale adressées à la commission ministérielle ad hoc avaient été toutes examinées avant que l’option des circonscriptions moyennes ne soit retenue. Il fait valoir que, parmi les projets de textes adressés à la commission, trois proposaient le recours aux circonscriptions moyennes. M. Hoss répond à M. Hariri en indiquant que c’est la commission de l’Administration et de la Justice qui a donné au projet de loi amendé le même numéro que le décret de transmission du texte au Parlement. Le vote de la loi La séance nocturne reprend à 19h10. Lorsque le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, arrive, les députés avaient voté 12 articles du texte, dont celui, très contesté, du découpage électoral. Trois propositions d’amendement de l’article 2 définissant la composition des 14 circonscriptions électorales sont avancées respectivement par MM. Wakim, Harb et Salem. Mais les trois ne passent pas. La première concerne l’organisation des législatives sur base d’une circonscription unique, la deuxième sur base du mohafazat et la troisième concerne le rattachement de Jezzine à Saïda plutôt qu’à Nabatiyé. Un débat animé caractérise l’examen du reste des articles de la loi, en vertu de laquelle les candidatures seront posées au niveau du caza mais le scrutin aura lieu au niveau de la circonscription. Les députés du Hezbollah tentent en vain de pousser le gouvernement à s’engager à hâter la procédure d’amendement de l’article 21 de la Constitution relatif à la majorité électorale. MM. Berry et Hoss restent flous sur la question. Apparemment, le projet ne verra pas le jour, du moins pas pour les prochaines législatives. Le bloc du Hezbollah et le Front de lutte nationale (Joumblatt) expriment leurs réserves. Le bloc de M. Hariri plaide pour la suppression d’une clause imposant l’inscription du lieu de naissance sur les listes électorales et obtient gain de cause. Le maintien de cette clause aurait posé des problèmes aux personnes récemment naturalisées dans la mesure où leur lieu de naissance n’est pas inscrit sur leurs cartes d’identité. Les six amendements introduits au texte sont mineurs. Parmi eux, notamment : l’autorisation accordée aux militaires qui ont un permis de voter. L’article en question a été abrogé. Une amende située dans une échelle allant de 3 millions à 5 millions de livres, au lieu de 5 00 000 et un million de livres, sera imposée en cas de violation des termes de la loi. Les députés s’étendent longuement sur la propagande électorale avant que M. Berry ne procède à un vote nominal de la loi qui recueille 81 voix. Quatre députés s’abstiennent de voter et 17 autres se prononcent contre le texte.
Vote sans surprise, hier, place de l’Étoile, de la nouvelle loi électorale. Le sujet est d’une brûlante actualité, mais les deux séances parlementaires consacrées à l’examen du texte étaient particulièrement froides. Comme si un vent de résignation soufflait sur une Chambre, qui savait d’avance que la loi allait être votée, quelles que soient les critiques et aussi fondées...