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Actualités - CHRONOLOGIE

Livres - Laurice Schéhadé aux éditions Dar an-Nahar Une écriture inventive et suave (photos)

C’est une année faste pour les Schehadé. Après l’hommage rendu à l’auteur de «La soirée des Proverbes», voilà que les feux de l’actualité à Beyrouth sont braqués sur Laurice Schehadé par le biais des éditions Dar An-Nahar qui publient une œuvre méconnue (pour ne pas dire presque ignorée) d’une bonne partie des lecteurs francophones libanais. Justice est donc faite à l’une des femmes de lettres libanaises d’expression française au verbe éminemment «poétique» et à l’imaginaire dans la pure lignée de son illustre frère, ce cher Georges, qui a mis du rêve, des jardins bleus et de la féerie dans la grisaille de notre quotidien. Deux tomes (250 et 274 pages) pour contenir cette «écriture inventive et suave, d’emblée parfaite», selon les termes du préfacier Farès Sassine. Mais pour mieux cerner cet auteur resté curieusement et un peu inexplicablement à l’ombre, écoutons les propos d’Albert Dichy qui a établi la notice biographique des deux ouvrages : «Comme il doit être difficile, disait Pierre Seghers, d’être la sœur d’un grand poète, quand on est soi-même écrivain !». On l’oublie trop souvent : en littérature, les Schehadé sont deux. À ceux qui n’ont pu feuilleter les éditions rares et précieuses des ouvrages de Laurice Schehadé, amoureusement imprimées par GLM (l’éditeur d’Eluard, Char, Breton… et Georges Schehadé), la publication de ses œuvres majeures chez An-Nahar permettra de découvrir une œuvre de grande tenue, fraîche comme au premier jour, à la fois raffinée et violente, grave et légère, où vibre l’une des voix féminines les plus singulières de son temps. Laurice Schehadé – qui porte en second prénom celui d’Anne – a vu le jour à Alexandrie. Troisième enfant (après Renée et Georges) d’une vieille famille libanaise grecque-orthodoxe qui en comptera six, elle est élevée, comme ses frères et sœurs, dans la langue française. L’Orient n’a pas le culte des dates. «L’âge de la forêt mon amour est un songe», dit un vers de Georges Schehadé. Celui des membres de sa famille l’est également. «Je n’ai jamais su quand je suis née», reconnaît Laurice Schehadé… Un nom peu connu dans le Parnasse libanais d’expression française mais Laurice Schehadé est pourtant l’auteur de plusieurs recueils (Le temps est un voleur d’images, La fille royale et blanche, Fleurs de chardon, Portes disparues, Jardins d’orangers amers, Le Batelier du vent, J’ai donné au silence ta voix, Du ruisseau de l’aube) et de quelques récits (le journal d’Anne, Les grandes horloges, Mauve. Nous venons du Hauran, Le nénuphar, Mansarah) qui auraient dû lui gagner une plus grande notoriété, vu la richesse littéraire de ces textes secrets et ciselés (parfois jusqu’au maniérisme) de main d’orfèvre, à l’originalité incontestable, à la nostalgie impalpable, à la formulation soyeuse, aux sentiments fins et d’une extrême mélancolie, aux images délicates et dans la riche et imprévisible tradition surréaliste. Est-ce la présence du grand Schehadé, son frère, pourtant d’une légèreté de plume et d’une discrétion indescriptible, qui a détourné l’attention de son œuvre qui mérite sans nul doute plus d’audience, de crédit et d’intérêt. Ou est-ce un parti pris délibéré de s’écarter de tout battage publicitaire et de mondanités inutiles et réserver cette prose aux délicatesses (parfois même certaines préciosités) hors du temps et des normes pour un cercle (un peu romantique, il faut en convenir !) de fins connaisseurs, à des littérateurs purs qui ont la passion des mots qui sonnent beaux et justes et qu’on traque avec acharnement et volupté, autrement dit aux happy few qui goûtent avec ivresse ces écrits qui «coulent de source», comme l’affirmait son éditeur Guy Levis Mano. Pourquoi avoir écrit dans un genre si proche (avec quand même de notables différences) au style et à l’inspiration de son frère ? Atmosphère de famille comme les Brontë probablement, avanceront certains. Mais écoutons plutôt une fois de plus Albert Dichy offrir une possible et plausible explication : «Malgré le prestige de sa famille d’accueil, celle qui est devenue la marquise Benzoni traîne en effet avec elle, depuis son départ du Liban, une nostalgie et un sentiment d’exil que seul l’écriture parvient à apaiser. Écrire devient alors ce qui la rattache naturellement à son enfance, à sa famille, à son pays». Toujours est-il que Laurice Schehadé gagne à être redécouverte pour cette écriture foncièrement féminine avec une propension de parler d’amours défuntes ou vécues sur un tempo contrarié ou d’attente, de paradis perdu de l’enfance, du rêve évanoui d’un pays abandonné pour les nécessités de la vie, chagrin de l’indomptable temps qui fuit, tant de tristesses qui deviennent chantantes sous la plume d’une femme inspirée, tout cela grâce à cette très belle édition qui sait donner aux poètes toute l’amplitude et la présence envoûtante de leur voix.
C’est une année faste pour les Schehadé. Après l’hommage rendu à l’auteur de «La soirée des Proverbes», voilà que les feux de l’actualité à Beyrouth sont braqués sur Laurice Schehadé par le biais des éditions Dar An-Nahar qui publient une œuvre méconnue (pour ne pas dire presque ignorée) d’une bonne partie des lecteurs francophones libanais. Justice est donc...