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Actualités - REPORTAGES

Un marché complexe, mais en plein développement(photos)

La question de la propriété intellectuelle a été au cœur de l’actualité médiatique libanaise pendant longtemps. Elle conditionne le règlement de l’un des fléaux qui empoisonnent le marché de la musique : le piratage. Outre ce premier problème, les professionnels sont confrontés à d’autres obstacles, tels que le coût du CD, la censure et l’absence de fabrication locale. Fort heureusement, tous les disquaires agissent chacun à leur niveau afin d’assainir et améliorer ce marché en plein développement. Dans le domaine de la production audio, la technologie se développe à un rythme effréné; disques vinyl, cassettes, CD et aujourd’hui mini-Disc… Les supports se diversifient à une vitesse que le public ne parvient pas toujours à suivre. Pourquoi le CD coûte-t-il si cher ? Si la musique devient actuellement l’empire du CD, toutes les catégories de population n’ont pas forcément les moyens financiers de s’offrir ce plaisir au coût encore élevé. «Plus de 90% du marché audio portent sur la vente de cassettes, avance Abdallah Chahine, d’A. Chahine et Fils. Il faut un revenu élevé pour pouvoir s’acheter régulièrement des CD. Cela représente un pourcentage très faible de la population». Voici donc l’une des contraintes que les disquaires doivent prendre en compte selon leur stratégie et dans le choix de leur cible de clientèle. Sélim Semaan, de House of Music, constate : «Les CD représentent 70 à 80% de nos ventes. Nous avons une large sélection de cassettes, mais notre clientèle s’adresse surtout à nous pour les CD. Lorsque le public vient chez nous, c’est pour acheter quelque chose de précis». A. Chahine et Fils opte pour une politique différente, s’intéressant à une plus grande masse de consommateurs. «Nous proposons des CD bon marché, vendus autour de 6 ou 7 dollars. Nous avons aussi innové en proposant des stands dans les mini-markets, dans les librairies, dans les stations-service, dans les supermarchés. Nous en tirons des revenus réguliers, car nous touchons la masse. Nous allons vers le client, il n’a pas à venir chez nous». Cette distribution de la demande n’est pas supposée évoluer. «Nous vendons 50% de CD et 50% de cassettes, remarque Jean Khoury, de La Maison du disque. Et cela ne changera pas tant que la différence entre le prix des CD et celui des cassettes restera aussi élevée. C’est pourquoi nous continuons de proposer autant de cassettes que de CD». Vendu entre 18 et 25$, le CD demeure donc un produit de luxe réservé à une élite. Une des raisons pour lesquelles le CD coûte si cher réside une fois de plus dans le taux de douane. Ce taux est de 50% sur le dollar douanier (qui vaut moins de 1000 LL). Le CD n’est pas un produit de nécessité. Pour contrebalancer ce coût supplémentaire, de petites économies sont effectuées à d’autres niveaux. Ainsi, nombreux sont les CD vendus sans couverture plastifiée. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne signifie pas que ces CD soient usagés, c’est une économie faite pour le distributeur. Certains disquaires investissent même dans une machine pour les emballer. La fabrication de CD au Liban, qui constituerait la solution idéale à ce problème de prix, semble encore difficile. Les producteurs libanais eux-mêmes sont contraints de fabriquer leurs produits à l’étranger. «L’investissement nécessaire à la fabrication de CD au Liban se chiffre en millions de dollars, explique Abdallah Chahine. Malheureusement, le marché libanais est trop réduit pour le supporter. Il existe une usine dans le pays, mais je ne sais pas comment elle arrive à s’en tirer. Dans tous les cas, j’ai l’impression de plus pouvoir faire confiance à une société européenne». En revanche, un certain nombre de cassettes est fabriqué au Liban, en toute légalité, ce qui permet d’économiser le coût des taxes douanières. «Les cassettes de BMG sont fabriquées ici, explique Jean Khoury. De la sorte, elles coûtent moins cher. Une cassette importée coûte 8 000 LL, celle fabriquée ici 5 000 LL. Cette année, nous aurons recours à la technologie digitale, comme les autres pays, ce qui nous permettra de réaliser des cassettes d’aussi bonne qualité qu’à l’étranger». Ces cassettes sont de toute façon envoyées aux maisons-mères qui vérifient leur niveau de qualité et donnent leur accord. Le même procédé n’est pas encore envisageable au Liban pour les CD, à cause du niveau de production, mais aussi en raison de la demande elle-même. «De toute façon, même si les Libanais recherchent des prix plus bas, ce n’est pas leur priorité lorsqu’ils achètent un CD, précise Jean Khoury. Le design est aussi très important, il faut que le livret avec les paroles soit intégré. Un degré moindre de professionnalisme dans la fabrication de cassettes n’est pas envisageable dans la fabrication de CD». Le piratage, une plaie en voie de guérison Le problème du piratage des CD et surtout des cassettes qui a longtemps eu lieu au Liban est en passe d’être réglé. Les grossistes et les producteurs locaux ont évidemment été les premiers touchés. «Beaucoup de petits magasins ne vivaient que grâce au piratage, explique Jean Khoury. En tant que grossistes, nous avons dû lancer de nombreuses actions en justice pour contrer cette pratique. Heureusement, l’intervention de Microsoft a permis de changer tout cela». «Depuis le 13 juin dernier, suite aux conditions imposées par Microsoft pour s’implanter au Liban, la loi l’interdit officiellement, précise Sélim Semaan. Le piratage affectait terriblement nos ventes». «Le piratage touchait au moins 80% de la production locale, ajoute Abdallah Chahine. Nous avons longtemps lutté pour faire appliquer une loi qui existait depuis des années. Certaines conventions protégeaient la propriété intellectuelle, mais le Liban n’a pas adhéré aux nouvelles conventions éditées pendant la guerre. Nous avons dû intervenir pour protéger notre propre production ainsi que nos agents. Des saisies ont été opérées dans certains points de vente qui proposaient des cassettes piratées, et des arrestations ont eu lieu. Je crois que cela a un peu freiné l’exploitation illégale. D’anciens pirates repentis nous ont même contactés pour s’associer avec nous et légaliser leur activité! Une loi a enfin été votée en 1999, il faudra voir comment elle sera appliquée». Effectivement, cette loi a permis de réduire considérablement le piratage dans le pays, sans toutefois pouvoir le faire totalement disparaître. «Les grossistes travaillent ensemble à faire diminuer ces ventes illégales, conclut Jean Khoury. Cette année, elles ne représentent que 30% du marché et nous espérons les faire descendre à 20% l’année prochaine. Nous ne pourrons jamais les faire disparaître totalement». Une censure très présente La censure, avec sa fameuse liste noire, est très active dans le domaine musical. La censure s’effectue surtout au niveau des douanes. En tant que producteur, Abdallah Chahine y est confronté en permanence. «Nous venons de produire un groupe libanais qui s’appelle Contrast, qui chante en arabe et en anglais, et dont les textes sont très satiriques. Je dois m’autocensurer pour que le CD passe le cap de la Sûreté générale. Comme les CD sont fabriqués à l’étranger, ils sont vérifiés aux douanes comme les autres». Tous les titres touchant aux mœurs, à la religion et évoquant de quelque manière que ce soit Israël sont interdits. «Chaque mois, de nouveaux albums ou artistes sont ajoutés à la liste noire», indique Jean Khoury. Ainsi, Enrico Macias ou même Frank Sinatra n’ont pas droit de cité au Liban depuis longtemps, mais aussi des artistes plus récents comme Marilyn Manson ou Lauryn Hill, qui parle de Zion dans un de ses textes. Cela n’empêche pas les clients intéressés de s’en procurer, certains directement de l’étranger, sans passer par les distributeurs. Par ailleurs, certains contrôles sont effectués directement dans les magasins, et des saisies peuvent être opérées. «Il est évident que ceux qui ont élaboré cette liste noire n’y connaissent rien en musique, regrette Bassel Dakak, de House of Music. Certains artistes sont interdits alors que d’autres, beaucoup plus virulents, sont autorisés».
La question de la propriété intellectuelle a été au cœur de l’actualité médiatique libanaise pendant longtemps. Elle conditionne le règlement de l’un des fléaux qui empoisonnent le marché de la musique : le piratage. Outre ce premier problème, les professionnels sont confrontés à d’autres obstacles, tels que le coût du CD, la censure et l’absence de fabrication locale. Fort...