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Actualités - CHRONOLOGIE

Cinéma - L'oeuvre de Guney autorisée en Turquie Yol, dix-sept ans après

Dix-sept ans après avoir décroché la Palme d’or au festival de Cannes, «Yol» (le chemin,) chef-d’œuvre du réalisateur turc d’origine kurde Yilmaz Guney, sort vendredi en Turquie alors même qu’il garde son sulfureux pouvoir de contestation. Sa projection dans les cinémas est l’œuvre d’une fondation privée qui veut réconcilier les Turcs avec l’écrivain, acteur et cinéaste gauchiste, déchu de sa nationalité en 1983 et mort en exil en France un an plus tard. «Il aurait adoré voir le film sortir en Turquie», déclare sa veuve Fatos Guney, qui a investi une bonne partie des 300 000 dollars nécessaires pour rénover la copie qui sort vendredi. Cette première prend un aspect politique, car la description que donne le film des diverses formes d’oppression dans la société turque et son traitement du nationalisme kurde touchent un nerf toujours sensible. «Ce n’est peut-être pas la meilleure période», admet Fatos Guney, en allusion aux efforts de la Turquie pour capturer le chef séparatiste kurde Abdullah Öcalan et à la récente procédure d’interdiction du parti pro-kurde Hadep. Il s’agit d’une coïncidence, assure-t-elle, après des années d’efforts de persuasion et de collecte de fonds pour porter le film à l’écran en Turquie, sept ans après la levée de l’interdiction des œuvres de Guney. La véritable oppression Pour se prémunir contre une nouvelle censure pour «propagande séparatiste», la fondation a coupé un passage dans lequel le lieu de l’action — un petit village du sud-est anatolien — était localisé, par une insertion en grande lettres rouges, comme le «Kurdistan». «Nous avons dû le sacrifier, sinon le film n’aurait pas été montré pendant encore dix-sept années», souligne Fatos Guney. Les œuvres de Guney — livres, articles et films — ont été interdites en Turquie en 1982, alors que le pays se trouvait depuis le coup d’État de 1980 sous régime militaire. Les négatifs de plus de 100 films qu’il a dirigés ou dans lesquels il a joué ont alors été détruits. Restent onze films dont les copies se trouvaient à l’étranger à l’époque. Fatos Guney y a laissé les négatifs même après son retour en Turquie en 1992, lorsque l’interdiction a été levée. Sa Fondation Yilmaz Guney pour la culture et les arts veut sauver de l’oubli l’œuvre d’un artiste très populaire en Turquie dans les années 60 et 70. Guney, qui fit plusieurs séjours en prison dans ces décennies troublées, a rédigé plusieurs scénarios derrière les barreaux et dirigé ses films par l’intermédiaire de collègues. «Yol» a été tourné par Serif Goren, alors que Guney purgeait une peine de 19 ans de prison pour meurtre. Le réalisateur a fui la Turquie lors d’une permission en 1981, alors qu’une peine de prison à vie avait été rajoutée à la peine précédente, et a achevé le film en Suisse. «Yol» dépeint justement le sort de cinq prisonniers en permission d’une semaine, et les pressions politique, culturelle et économique qu’ils subissent. «Je n’ai jamais eu l’intention de faire du gouvernement l’unique responsable de ces pressions», répliquait Yilmaz Guney à ses détracteurs turcs lorsque le film sortit en Europe en 1982. «L’oppression est aussi due à la dureté des gens entre eux». «Yol» traite de la question kurde, mais aussi du meurtre pour venger l’honneur, de la condition des femmes et des duretés de la migration urbaine. Bien que Kurde d’origine, Guney se sentait Turc, souligne sa veuve. «Il a été profondément blessé quand il a été déchu de sa nationalité et catalogué ennemi des Turcs», dit-elle. «Nous voulons montrer le film pour que les jeunes comprennent qui il était, et qu’il reste dans le cœur des gens».
Dix-sept ans après avoir décroché la Palme d’or au festival de Cannes, «Yol» (le chemin,) chef-d’œuvre du réalisateur turc d’origine kurde Yilmaz Guney, sort vendredi en Turquie alors même qu’il garde son sulfureux pouvoir de contestation. Sa projection dans les cinémas est l’œuvre d’une fondation privée qui veut réconcilier les Turcs avec l’écrivain, acteur et...