Feuilles de rose

Les Israéliens s’en vont aux urnes pour décider à quelle sauce nous serons mangés, en Europe les frappes de l’Otan plongent la Serbie dans le noir autour d’un Slobodan Milosevic plus illuminé que jamais, la Russie patauge dans la mouise sous les borborygmes d’un Boris Eltsine imbibé… Et devine, chez nous, par quoi sont intéressés une poignée de lavedus ? Tu peux donner ta langue au chat, c’est le cas de le dire, puisqu’il s’agit tout bonnement d’un recueil relatant, entre autres, les coucheries d’un ancien ministre. Quel récit, ma mère ! Un style de caniveau, une syntaxe passée à la moulinette à purin, le tout imprimé sur papier torchon A4, sorti en catimini d’une photocopieuse à manivelle et distribué sous le caleçon. Le nec plus ultra en matière d’édition, quoi ! L’ouvrage raconte toute une série d’histoires qui auraient pu, à la rigueur, être crédibles si elles avaient été signées Barbara Walters ou Jonathan Randall. Seulement voilà, c’est estampillé «Cobra» et on a beau chercher dans ses fréquentations, il faut vraiment être frappé du bulbe pour envisager de dîner un soir avec un locdu qui se fait appeler pareil. Mais bon, on a les auteurs qu’on peut et c’est sans doute un nouveau genre littéraire… Cela dit, de toute cette brassée de feuilles roses noircies en deux coups de cuillers à pot, les salonnards de Beyrouth et banlieue n’auront retenu qu’un seul chapitre, celui où justement figure la liste de ces dames qui auraient partagé l’alcôve du présumé. Ils vont se gêner, tiens ! Pour une fois qu’ils peuvent fantasmer sur un ancien ministre à poil, dans une république où les édiles ne brillent pas particulièrement par leur plastique. Tant qu’à faire, le serpent à sornettes qui a écrit cette œuvre mémorable aurait pu affubler sa victime d’un plumeau, coller des porte-jarretelles à ses gambettes poilues, le tout agrémenté de quelques seringues douteuses. Il y aurait, je parie, encore quelques ahuris pour le croire et d’autres pour enquêter…