Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le gouverneur de la BDL répond aux questions de l'Orient Le Jour Riad Salamé : le stock d'or est improductif. Il faudrait pouvoir le gérer

Le gouvernorat, renouvelé pour six ans, de la Banque centrale conservera ses précédents objectifs durant le nouveau mandat. Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, M. Riad Salamé, gouverneur de cette institution-clé, a rappelé ses options et a souhaité répondre à certaines interrogations des opérateurs du marché. Ainsi, l’indépendance de la Banque centrale, vis-à-vis du pouvoir politique sera affirmée, à l’instar des Banques centrales de tous les pays dignes d’une économie moderne. Cette indépendance ne représente pas, selon le gouverneur Riad Salamé, un défi pour le gouvernement, mais est justifiée par la necessaire stabilité, au niveau de l’autorité monétaire. Cette politique, menée jusqu’à maintenant, a permis d’éradiquer l’inflation (maintenue au-dessous de 5 % par an) et sera toujours l’un des principaux axes du nouveau programme. Priorité sera donnée à la préservation de la stabilité de la livre libanaise ; sur ce point, le gouvernement et les responsables de la BDL sont d’accord. Ensuite, l’essentiel de la mission de Riad Salamé tiendra dans la consolidation du secteur bancaire et financier ; ceci grâce à un accroissement de la capitalisation et à la diversification des activités financières de la place. D’autres réformes sont nécessaires, notamment au niveau des systèmes de paiement, afin que les banques libanaises puissent rejoindre le marché mondialisé. Dans ces domaines, l’appui du Parlement libanais sera déterminant, grâce à la mise en place de plusieurs textes législatifs modernes qui devraient être rapidement votés. Sur un autre plan, la politique de la BDL se veut être aussi le moteur de l’activité économique au Liban, dans le respect d’un cadre légal moderne. Question : Les flux de capitaux vers le Liban ont-ils chuté depuis le début de l’année 1999 ? Réponse : La balance des paiements était, à fin juillet, excédentaire de 3 millions de dollars, grâce aux derniers flux financiers entrant. Il y a lieu donc d’être confiant dans la continuité de ces flux de capitaux vers le Liban. Par ailleurs, les dépôts bancaires ont encore augmenté ces derniers mois, affichant une progression annuelle de 8 % ; cela représente un autre signe objectif positif pour le Liban. Q : Ces flux de capitaux représentent-ils pour 70 % des transferts de fonds de l’extérieur vers la consommation interne ? R : Il est certain que la croissance économique fait actuellement défaut au Liban. Pour cette année 99, le taux de croissance serait d’environ 1 %. Toutefois, cette croissance reste au niveau des autres pays de la région. Quant aux flux de capitaux entrant, à l’endroit de la consommation, ce phénomène est traditionnel. Depuis toujours, les Libanais vivant à l’extérieur ont transféré une partie de leurs fonds vers le Liban. Le recul des importations démontre d’ailleurs que ces fonds sont de moins en moins employés pour la consommation. Cela étant dit, en raison du secret bancaire, il est difficile d’évaluer la part exacte de la consommation, au niveau de l’utilisation de ces transferts. Q : Les taux d’intérêts sur les bons du Trésor à deux ans ont baissé ; pourquoi n’en est-il pas de même pour les bons à court terme ? R : La BDL respecte les tendances du marché. Ainsi, si les bons à deux ans ont été adjugés, principalement aux banques de la place, à des taux en baisse, cela signifie sans doute que ces établissements ont anticipé une baisse des taux et une stabilité monétaire dans l’avenir. Quant aux autres taux, ils devraient baisser aussi, prochainement. Le Liban vers une baisse des taux Q : Le taux d’escompte, sur les mêmes bons du Trésor, est de 30 %. N’est-ce pas, là, un blocage possible de la liquidité pour les banques ? R : Nous avons pris la décision de baisser ce taux de 30 à 25 %, depuis la semaine passée, ainsi que les autres taux directeurs de la Banque centrale. C’est un signal très clair de la BDL au marché ; le pays peut, maintenant, s’engager vers une baisse des taux tout en conservant la stabilité de la livre libanaise. Q : Dans ce contexte, les banques commerciales libanaises auront-elles toujours autant d’appétit pour la dette publique ? R : C’est aux banques de se prononcer sur la stratégie qu’elles adopteront dans l’avenir, au niveau de la souscription aux bons du Trésor. Toutefois, ces bons restent un produit très attrayant et les banques libanaises, qui détiennent 64 % de leurs dépôts en devises, peuvent encore se permettre d’investir dans ce sens. En fonction de leur liquidité, elles peuvent encore participer à la dette publique, dans un contexte économique où la demande de crédits est encore faible. La BDL a toutefois imposé une limite dans l’investissement des banques sur les BT en devises ; ainsi, la part de liquidité en devise non investie doit représenter plus de 30 % du volume des devises de chaque banque et pour les deux années à venir. Q : Pour quelle raison le différentiel entre la fourchette basse et la fourchette haute de la livre libanaise n’est pas plus important ? R : Ces derniers jours, nous avons baissé le taux d’intervention de la BDL sur l’achat du dollar. Ainsi, ce niveau est porté à 1 501 contre 1 502 LL pour un dollar, après plus de sept mois de stabilité. Cette fourchette évolue donc vers un écart plus grand. Toutefois, cet assouplissement sera lent ; nous ne voulons pas d’un marché volatil sur la monnaie nationale. Par ailleurs, nous estimons que le marché libanais n’est pas encore assez mature pour assumer une certaine volatilité. Les intervenants doivent êtres mieux encadrés. Ils doivent, aussi, consolider leurs fonds propres, pour que nous puissions envisager une politique plus souple à ce niveau. Recul de l’activité économique Q : La masse monétaire est de plus en plus importante, mais qu’en est-il de la vitesse de circulation qui est un signe de santé économique ? R : Nous avons, en effet, constaté un recul de la vitesse de circulation. Ce mouvement s’est d’ailleurs fait sentir nettement au niveau des volumes de la compensation des chèques. Ce phénomène indique, effectivement, un recul de l’activité économique au niveau national. Toutefois, si l’on suit l’évolution de l’indicateur économique de la BDL, force est de constater que l’activité économique faible au premier trimestre s’est raffermie au second trimestre ; pour le troisième trimestre, les premiers chiffres connus dénotent, d’ailleurs, un retour de croissance. Q : Pensez-vous qu’un resserrement des politiques monétaires se fera sentir durant les prochains mois, tant sur le dollar que sur l’euro ? Si oui, comment peut-on envisager une baisse des taux au Liban ? R : Les Banques centrales agissent toujours de manière préventive. Afin de ne pas risquer un échauffement de l’économie (après la reprise), la Banque centrale des États-Unis a relevé ses taux directeurs. Ce mouvement vient d’être suivi par la Banque d’Angleterre, toutefois, il ne devrait pas y avoir d’autres hausses d’ici à la fin d’année. Dans ce contexte et en fonction des signes de reprise économique dans la zone euro, il n’est pas impossible que la monnaie européenne connaisse un affermissement de la politique monétaire. Les taux d’intérêt au Liban et particulièrement sur la livre libanaise bénéficient d’un différentiel relativement important par rapport aux autres monnaies comme l’euro et surtout le dollar. Toutefois, il est clair que ce différentiel peut évoluer en fonction du facteur de confiance. Ce différentiel a dû être relevé depuis 1997, en raison des mouvements politiques au Liban et dans la région, mais aussi sous l’influence des crises qui ont vu le jour dans différents pays en voie de développement et sur certains marchés émergents. Aujourd’hui, la situation, en général, a été stabilisée et nous devrions retrouver les niveaux de différentiel connus en 1996. En tout cas, le Liban peut, maintenant, conduire une stratégie plus rationnelle, à ce niveau, même si cet écart ne peut disparaître totalement. Pour toutes ces raisons, c’est la baisse au Liban du différentiel de taux qui permettra une baisse des taux d’intérêt, indépendamment du cheminement des taux d’intérêt mondiaux. L’or : un élément capital de confiance Q : Quelle est votre proposition concernant la gestion des réserves en or ? R : Je suis contre la vente, même partielle, des réserves or du Liban. L’or consolide la confiance dans notre économie et reste un facteur de stabilité important pour la monnaie nationale. Par ailleurs, l’or pourrait être encore le moyen le plus sûr de paiement, en cas de crise grave au niveau international. Pour autant, il faudrait pouvoir gérer ce stock d’or qui pour l’instant est improductif. Plusieurs méthodes sont possibles ; le Liban pourrait ainsi louer son or, ou opérer en swap, afin d’obtenir des ressources à des taux d’intérêts très bas ; ces capitaux obtenus pourraient êtres investis dans des bons du Trésor de certains pays parmi les mieux notés, à des taux de rémunération intéressants. Mais il revient au gouvernement et au Parlement de prendre une décision qui soit la meilleure pour le pays. Q : On évoque souvent le volume important des réserves en devises étrangères du Liban ; ces réserves sont-elles constituées, pour partie, de dettes ? R : La Banque centrale ne s’endette jamais et ne donne aucune garantie. Le bilan bimensuel de la BDL est particulièrement transparent et laisse apparaître les avoirs en devises de la Banque centrale qui sont substantiels. D’ailleurs, le Liban est un pays qui est créditeur en devises, avec quelque 14 milliards de dollars de fonds propres (tous secteurs confondus). La BDL, elle-même, a des réserves qui lui permettraient de payer sept à huit mois d’importations. Ceci place le Liban parmi les premiers pays de la région au niveau de la couverture des paiements. Toutes ces données nous portent donc à être confiant dans l’avenir économique de notre pays.
Le gouvernorat, renouvelé pour six ans, de la Banque centrale conservera ses précédents objectifs durant le nouveau mandat. Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, M. Riad Salamé, gouverneur de cette institution-clé, a rappelé ses options et a souhaité répondre à certaines interrogations des opérateurs du marché. Ainsi, l’indépendance de la Banque centrale, vis-à-vis du...