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Actualités - ANALYSE

Loi électorale - Le projet du droit de vote à 18 ans définitivement oublié Les enjeux politiciens et confessionnels restent les plus forts

À l’heure où la future loi électorale est au cœur de toutes les déclarations officielles, véritable enjeu d’une bataille annoncée, 162 000 Libanais cachent mal leur amertume. Ils ont entre 18 et 20 ans et ils avaient eu la faiblesse de croire les promesses de leur accorder le droit de vote aux prochaines législatives. Mais c’était compter sans la puissance des forces qui refusent tout changement au Liban. On en parlait depuis longtemps déjà et l’ancien ministre de la Justice, Bahige Tabbarah avait même promis de préparer un projet de loi en ce sens. Mais c’est dans la foulée de l’euphorie d’Arnoun en avril dernier que le projet avait véritablement pris corps. Reçus par le chef de l’État, les jeunes qui avaient ôté les barbelés israéliens encerclant le village d’Arnoun s’étaient vus promettre l’octroi du droit de vote dès l’âge de 18 ans. «Lorsqu’on est suffisamment adulte pour défier l’occupant israélien, on a forcément la maturité nécessaire pour participer au processus électoral» Tel était alors l’argument utilisé par les partisans d’une telle initiative. Un argument qui semblait porter et au ministère de la Justice aussi bien qu’ailleurs, on a commencé à plancher sur un projet de loi rabaissant le droit de vote de 21 ans à 18 ans. En coulisses, les milieux politiques ont entamé à leur tour leurs calculs de boutiquiers. Selon les premières estimations, si le droit de vote est fixé à 18 ans, il y aurait ainsi près de 162 000 électeurs de plus sur l’ensemble du territoire dont 52 700 chrétiens et près de 110 000 musulmans. Quand on pense que le nombre global des électeurs libanais, selon les listes électorales de 1998, est de 2 696 738, on comprend aisément l’importance du nouvel apport électoral. Selon une étude publiée il y a quelques mois, l’augmentation serait ainsi de l’ordre de 32,6 % pour les chrétiens et de 67 % pour les musulmans. De quoi inquiéter les candidats les plus assurés de la victoire et surtout perturber un équilibre confessionnel déjà bien fragile. Les jeunes sunnites sont les plus nombreux Mais curieusement, la principale opposition n’est pas venue des chrétiens comme on pouvait s’y attendre. Craignant que la masse des nouveaux électeurs ne soit essentiellement de confession chiite, les instances religieuses sunnites se sont opposées au projet préférant éviter ainsi une trop grande aliénation envers les candidats chiites dans les régions mixtes, notamment à Beyrouth et dans le mohafazat du Liban-Sud. Pourtant, en pourcentage, les jeunes sunnites se sont avérés plus nombreux que les jeunes chiites. Mais globalement, ces nouveaux électeurs potentiels ont été considérés comme un facteur de déstabilisation dans un scrutin où tout doit être apparemment programmé d’avance. Force d’inertie L’opposition au projet est aussi venue des chiites eux-mêmes, notamment du mouvement Amal qui n’est pas sûr de contrôler les nouveaux électeurs de la communauté, notamment dans la circonscription de Nabatiyé et, bien sûr au Sud. D’autant que le Hezbollah, éternel rival du mouvement est mieux structuré et donc plus en mesure d’enrôler les jeunes âgés entre 18 et 20 ans. Ce sont surtout donc les institutions religieuses qui ont été les premières à émettre des réserves. Mais les politiciens n’ont pas non plus fait preuve d’un grand enthousiasme. Soupçonnés d’être des partisans du changement, les jeunes ne pouvaient que déranger les traditionnalistes et leur vote ne pouvait que constituer une menace pour la plupart des pronostics. Résultat : discrètement, les instances concernées, autrement dit l’establishment religieux et politique, ont multiplié les signaux exprimant leur désapprobation d’un élargissement du droit de vote aux jeunes de 18 à 20 ans… et le projet a été abandonné sans autre forme de procès. Les 162 000 Libanais qui espéraient participer ainsi à la vie politique et donc à la construction de leur avenir ont dû déchanter. La reconnaissance de la jeunesse en tant qu’entité et force ayant un mot à dire n’est donc pas pour l’an 2000. «Je n’ai jamais vu cela : un État qui a peur de ses jeunes, c’est pire que la faillite», déclare péremptoirement Rachid qui exprime ainsi son désenchantement et celui de ses camarades. Ils avaient pourtant été nombreux à croire aux promesses des responsables. Mais une fois de plus, les forces d’inertie ont gagné la bataille. Les jeunes avaient pourtant songé à lancer une grande campagne de mobilisation, à coups de pétitions et de manifestations diverses, comme ce fut le cas pour la bataille pour les municipalités ou même pour la revendication de la légalisation du mariage civil. Profitant des festivals de l’été, certains avaient même commencé à faire signer des pétitions réclamant l’octroi du droit de vote aux jeunes de 18 ans. Mais, déçus par le manque d’enthousiasme des personnes sollicitées et surtout de l’absence de soutien médiatique, ils ont rapidement renoncé à cette idée. Et, comme pour le mariage civil, les enjeux confessionnels et politiciens ont été les plus forts. Nouveau siècle et début de millénaire, qu’importe, le Liban, lui, préfère se cantonner dans son confortable Moyen Âge.
À l’heure où la future loi électorale est au cœur de toutes les déclarations officielles, véritable enjeu d’une bataille annoncée, 162 000 Libanais cachent mal leur amertume. Ils ont entre 18 et 20 ans et ils avaient eu la faiblesse de croire les promesses de leur accorder le droit de vote aux prochaines législatives. Mais c’était compter sans la puissance des forces qui refusent...