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Actualités - REPORTAGES

Agriculture - De l'amateurisme au professionnalisme Pourquoi ne pas se mettre à l'heure Bio ?(photos)

«Je vous présente Mouallem Élias Qui se préoccupe de votre santé Sa vraie mère est la nature Il a assaini son agriculture Une agriculture naturelle et pure Retournez-y mes compatriotes» etc. Les paroles de ce refrain sillonnent les cours des écoles depuis quelque temps, histoire d’inviter la nouvelle génération à refaire la paix avec la nature. La chanson, écrite par un écolo invétéré, Paul Abi Rached, vise en outre à faire connaître aux jeunes écoliers Mouallem Élias, cultivateur et fermier converti aux lois de la nature. Embarqué depuis plus de trois ans dans un projet d’agriculture véritablement biologique – AB – ou “Bio” comme on dit aujourd’hui, Élias Atallah a réussi à transformer son petit lopin de terre en un immense domaine verdoyant et fertile à l’image de la plaine de la Békaa où il se trouve. La particularité de son entreprise : il a su faire triompher, en l’espace de trois ans, le cycle naturel de la terre. Ni engrais chimiques, ni pesticides, mais compost et alimentation fourragère, produits de cette même terre. Une ferme et une immense surface où l’élevage et la culture viennent compléter un modèle d’intégration à petite échelle, mais néanmoins fructueux, sain et bel et bien biologique comme on ne peut l’espérer de nos jours. Sur une surface de 20 hectares, le regard se perd dans les couleurs verte et dorée des maraîchages de plein champ, des céréales, vignes et arbres fruitiers. Il n’y a pas un seul type de culture dont Élias Atallah s’est privé. Un rêve vient de se réaliser. Ce n’est pas uniquement celui d’un agriculteur de la Békaa, mais aussi celui d’une nouvelle génération de citoyens du monde, lassés de voir leur enfants grandir à coups d’hormones et… de dioxine. Au Liban, les écolos et militants de la nature, en nombre relativement important, se serrent aujourd’hui les coudes pour se faire entendre. Paul Abi Rached le fait par une chanson, Élias Atallah par le biais de ses produits qu’il vient vendre sur le marché de Beyrouth deux fois par semaine. C’est son seul contact avec la ville. Sa clientèle, fidèle à une marchandise impeccable, saine et à un prix raisonnable, profite, en outre, d’un “troc” intéressant, celui qui consiste à échanger quelques mots avec ce prophète de la nature. Mouallem Élias porte bien son nom, puisqu’en plus de sa fonction principale d’agriculteur il est philosophe à temps partiel. Sa doctrine est simple, fluide à l’image de cette nature qu’il vénère car elle est elle-même don de Dieu comme il dit. La mère d’Élias, c’est la terre même, celle qui va lui offrir gracieusement et généreusement ses fruits, d’où l’appellation de ses produits baptisés «Produits de notre mère-la terre» (Mantoujat Oummouna al-Ard), un label bien original. Bref, le fils de cet univers est en paix avec ses champs. Trois ans auparavant, Élias Atallah s’était retrouvé sur un lit d’hôpital pour avoir inhalé des insecticides pulvérisés à forte dose. «J’ai réalisé à ce moment-là le mal que j’étais en train de causer à tous les consommateurs qui se nourrissaient de mes produits», nous confie l’agriculteur repenti. La reconversion a été totale par la suite. Maintenant qu’il a fait la paix avec lui-même et avec son environnement, il s’est trouvé une mission, celle de prêcher le retour à la terre à condition qu’on obéisse à ses lois propres. «Ne bousculez pas l’équilibre de la nature», répète sans se lasser Mouallem Élias à ses visiteurs. Car, dit-il, il existe un cycle naturel qui fonctionne à la manière d’un mécanisme bien huilé. Du moment qu’il est respecté, c’est un équilibre parfait qui en découle et qui finit par se répercuter sur la santé et la stabilité de l’homme. Le discours de Mouallem Élias n’a rien de nouveau. Mais son action courageuse et tenace mérite d’être relevée. Car si notre agriculteur téméraire a aujourd’hui réussi à se faire remarquer par ses récoltes et produits, il n’est pas dit que son opération a été de toute sinécure. Le passage au mode de culture “bio” ne s’est pas fait automatiquement, la terre ayant besoin d’un cycle entier pour effectuer sa propre “cure” si l’on peut dire. «J’ai dû faire beaucoup de sacrifices, dit-il, et endurer, pendant deux ans, des pertes importantes que beaucoup de gens ne sont pas prêts à supporter. Et pourtant, j’ai persévéré, parce que j’étais totalement convaincu de ce que je faisais». Trois ans plus tard, le résultat est là, et Élias Atallah en cueille les fruits avec sa famille qui ne l’a pas lâché une seconde lors de la gestation de son oasis-nature. Ambitions et obstacles Mais qu’est-ce qui empêche d’autres agriculteurs de suivre son exemple? À l’heure où l’Europe tente de se relever des scandales à la dioxine, le Liban ne semble pas tout à fait étranger à ce type de problèmes. Car outre la question – ô combien cruciale – des pesticides que l’on retrouve en excès dans beaucoup de produits fruitiers ou autres de chez nous, celle de l’élevage n’est pas plus rassurante, puisqu’il n’existe aucun contrôle ni surveillance sur l’alimentation du bétail et des volailles. Un troisième aspect du problème est celui de l’irrigation à partir de l’eau des égouts qui entraîne une accumulation des métaux lourds, dont le plomb et le mercure, des matières extrêmement nocives pour la santé. Devant ces multiples dangers qui menacent quotidiennement notre santé, pourquoi alors ne pas se mettre à l’heure “Bio” ? La solution idéale ne semble pas facile à mettre à exécution. Si l’aspect “santé publique” reste assez attrayant derrière l’idée de l’AB, il existe d’autres problèmes d’ordre économique, culturel et même réglementaire qui empêchent l’adoption d’un tel mode d’agriculture. «Tout d’abord, la non-application des normes est flagrante», nous confie Maroun Moujabber, ingénieur agronome et chef du département d’agronomie de l’Université Saint-Esprit de Kaslik. «Qui peut dire aujourd’hui que tel ou tel produit est réellement “bio”? Qui définit la notion de “baladi”, un qualificatif que l’on donne très facilement à mille et un produits de consommation ? Et puis, quels sont les critères qui définissent la culture biologique ?», s’interroge l’agronome qui se dit toutefois séduit par l’idée d’une telle culture. Cette dernière ne peut malheureusement pas être tout de suite encouragée, souligne-t-il. «Que l’on commence d’abord par établir des critères propres aux différents modes de culture et contrôler la conformité de la qualité et des quantités de produits chimiques utilisés par les agriculteurs. Ensuite, on pourra passer progressivement, et pour ceux qui le peuvent, à la culture “bio”» qui, selon M. Moujabber, risque de ne pas être toujours très rentable. Ce qu’il faut savoir toutefois, c’est que l’un des critères qui définissent l’AB est qu’il ne peut y avoir de culture hors saison, alors même que les cultures sous serres se multiplient, ce qui constitue une forte concurrence. Bref, exigence de normes plus strictes qui puissent gérer ce monde agricole longtemps laissé à lui-même, et puis un contrôle rigoureux de la part de l’État, telles sont les conditions préalables qui peuvent assurer une transparence sur le marché, où le “baladi” pourra être reconnu et acheté pour sa valeur et les autres produits pour ce qu’ils sont également. Enfin, une situation où la liberté du marché sera respectée de bout en bout. Entre-temps la mondialisation frappe à nos portes. Tomates, pastèques et autres produits non libanais vont envahir notre marché. Comment affronterons-nous donc cette échéance? Comment se préparer à ce monde compétitif ? «En visant une agriculture de qualité et non de quantité», répond Maroun Moujabber. Cette qualité n’est-elle pas à rechercher précisément à travers les produits “bio”? Car si les potentialités existent, seule la confiance manque encore au tableau.
«Je vous présente Mouallem Élias Qui se préoccupe de votre santé Sa vraie mère est la nature Il a assaini son agriculture Une agriculture naturelle et pure Retournez-y mes compatriotes» etc. Les paroles de ce refrain sillonnent les cours des écoles depuis quelque temps, histoire d’inviter la nouvelle génération à refaire la paix avec la nature. La chanson, écrite par un écolo...