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Actualités - ANALYSE

Réforme judiciaire - Le gouvernement donne libre champ à la magistrature pour s'auto-épurer Que va-t-il advenir des scandales?

C’est fait : le Conseil des ministres donne libre champ à la magistrature pour qu’elle s’épure elle-même. Les juges en cause vont avoir devant eux un certain délai pour partir volontairement. Faute de quoi ils seraient ignominieusement chassés. Pour être remplacés par des avocats. De ces jeunes qui pullulent et qui sont pratiquement sans travail : l’État a toujours été un grand défenseur des causes sociales. Malgré l’énorme importance de l’épisode Jezzine, cette affaire de la réforme judiciaire a fait l’effet d’une bombe dans les cercles politiques. La mesure fait la joie de tout le monde : des vertueux parce qu’il est bon de purifier l’épurateur ; et des pourris parce que, dans la kermesse qui s’ouvre, ils vont sans doute réussir à se glisser entre les mailles du filet. La justice, pensent-ils, sera trop occupée à se rendre justice pour continuer à les harceler. Le fait est que, dans les prétoires, on se demande ce qu’il va advenir des dossiers déjà ouverts et de ceux qui allaient l’être tôt ou tard. Aller parler à un magistrat des contrats du pétrole, des spoliations légalisées de plages entières, de carrières ouvertes plutôt que d’être fermées, du port de Beyrouth ou d’autres joyeusetés du même genre sonnerait bien mal à l’heure où il se tord les mains en se demandant si sa tête à lui ne va pas bientôt tomber. Aussi des politiciens qui, privilège moins rare qu’on ne pense, se sentent eux-mêmes à l’abri du couperet, se demandent si «le pouvoir fait bien de semer la pagaille dans la magistrature au moment où les enquêtes sur les délicates hémorragies financières du passé battent leur plein. Déjà les tribunaux, débordés, battent de l’aile. Si en plus on vient leur empoisonner le climat, si on les déstabilise, si on en dévalue le niveau en faisant appel à de jeunes amateurs, l’effondrement peut être total». Ces parlementaires relèvent que «le manque d’expérience du nouveau pouvoir fait des ravages. Sachant que le nettoyage général devrait passer forcément sous les fourches caudines de la justice, il aurait dû commencer par réhabiliter celle-ci. On aurait évité les bévues flagrantes commises dès le départ et qu’à différentes reprises le chef du gouvernement a dû avouer. On ne s’en serait pas remis, pour la réforme administrative, à un vieux cheval sur le retour doté d’opaques œillères, ce que M. Hoss a ensuite regretté amèrement. Et on n’aurait pas multiplié les impairs comme les dérapages dans les poursuites judiciaires. On aurait fait au pays l’économie de ce constat pénible : certains cadres dits qualifiés ne connaissent même pas la loi ! ce qui les porte à s’en inventer une à leur usage particulier et à tenter de la faire appliquer envers et contre tous. Pour en arriver ensuite à accuser leurs supérieurs de leur avoir volé des papiers ! Du jamais vu, nulle part et que seule donc la candeur inouïe des nouveaux gouvernants pouvait produire». Les mêmes sources se disent en outre «très, très étonnées : on annonce brusquement que la réforme judiciaire est confiée au Conseil supérieur de la magistrature lui-même. Or, il y a peu de temps, le gouvernement avait solennellement chargé de cette mission le ministre de la Justice, M. Joseph Chaoul. Avec le sérieux qu’on lui connaît, il s’est lancé à corps perdu dans la tâche. Il a procédé à des études approfondies, pour moderniser la magistrature, redéfinir les statuts de nombre d’instances, réviser les procédures, dépoussiérer et clarifier les règlements en vigueur. Et juste avant qu’il ne dépose ses conclusions on le court-circuite, en rabaissant d’ailleurs le plafond qu’il s’était fixé». Pour ces personnalités «il est à peu près clair qu’au travail de fond, on a préféré l’effet de choc. La décision prise entraîne en effet une sorte de séisme. Dans ces conditions de tremblement de terre, tout le monde comprendrait qu’on gèle les scandales. Et c’est peut-être ce qu’on a voulu : avoir un bon prétexte pour enterrer en douce les dossiers. Peut-être en base d’un accord de dédommagement du Trésor, ce qui expliquerait la récente création d’une caisse spéciale pour les donations. Lequel accord s’inscrirait également dans le cadre de la trêve politique ordonnée voici quelques semaines par les décideurs».
C’est fait : le Conseil des ministres donne libre champ à la magistrature pour qu’elle s’épure elle-même. Les juges en cause vont avoir devant eux un certain délai pour partir volontairement. Faute de quoi ils seraient ignominieusement chassés. Pour être remplacés par des avocats. De ces jeunes qui pullulent et qui sont pratiquement sans travail : l’État a toujours été un grand...