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Actualités - REPORTAGES

Histoire - 200.000 documents retracent les péripéties des siècles passées La saga des archives sauvées par Maurice Chéhab(photo)

En mai dernier, Walid Joumblatt, ex-ministre des Déplacés, remettait à l’État les archives historiques du Musée national que l’émir Maurice Chéhab, ancien directeur de la DGA (Direction générale des antiquités), avait pris soin de mettre à l’abri des bombes, au palais de Beiteddine, en 1976-1977, dans les pires moments de la guerre du Liban. Mme Olga Chéhab, épouse de l’émir Maurice, décédé en 1994, relate comment ce dernier a rassemblé, au fil des années et durant 50 ans environ, les archives des grandes familles libanaises, depuis la fin du XVIe siècle jusqu’en 1914, début de la Première Guerre mondiale. 200 000 documents ont ainsi pu être amassés et constituent les archives libanaises remises par M. Joumblatt à l’État. Le récit d’Olga Chéhab s’appuie sur le texte d’une conférence donnée par son époux, à Paris en 1974, dans le cadre d’un colloque international sur le thème “Les Arabes par leurs archives”. En 1930, l’archéologue et passionné d’histoire qu’était l’émir Maurice a formé une commission bénévole constituée du Dr Assad Rustum, alors professeur d’histoire à l’Université américaine de Beyrouth, et du Dr Fouad Boustany, professeur de lettres arabes à l’Université Saint-Joseph puis recteur de l’Université libanaise, de 1959 à 1970. Il avait entrepris d’entamer ce travail colossal consistant à doter le Liban d’archives non seulement officielles, mais privées, recherche qu’il jugeait indispensable à l’étude de l’histoire du pays. Le système politique depuis le XVIe siècle étant féodal, et vu l’inexistence d’archives centrales, chaque famille gardait elle-même ses documents et les conservait à sa façon. Des archives utilisées comme combustible Les trois historiens chargèrent alors certaines personnes d’aller dans les grandes familles libanaises pour réunir leurs archives et prirent l’habitude de se réunir toutes les semaines afin d’activer leurs recherches. Mais, durant ses investigations, l’émir Maurice Chéhab s’est heurté à des difficultés de taille, nombre d’archives ayant disparu de diverses manières, dont il a donné quelques exemples lors de sa conférence. Les archives de la branche aînée des Chéhab étaient conservées par l’émir Qa’dan qui abdiqua à la fin du XVIIIe siècle et se retira dans son palais de Abey. Ses héritiers vendirent le palais, partiellement incendié, sans se douter de l’existence d’archives emmagasinées au grenier, rangées soigneusement dans des caisses portant le nom des régions d’origine des documents. Durant la Première Guerre mondiale, les nouveaux propriétaires de ce palais utilisèrent une partie de ces archives comme combustible pour se chauffer, récupérant ainsi un espace perdu. Quant aux archives de la famille descendant de l’émir Béchir II, attaquées par les vers, elles furent toutes détruites. Mgr Boustany, archevêque du Chouf, rapporta à l’émir Maurice Chéhab que, pendant l’occupation militaire consécutive à la Première Guerre mondiale, un officier des forces alliées, installé dans le palais épiscopal, vida une pièce de tous les vieux papiers qui l’encombraient et permit à son planton d’emporter le tout. Ce dernier vendit les archives au poids au boucher et aux boutiquiers de Deir el-Kamar, qui s’en servirent pour emballer les marchandises. Seule une petite partie de ces archives, revêtant une importance capitale pour l’histoire du palais, fut sauvée par l’archevêque. L’émir Maurice a pu photographier une partie de ces documents, conservée à l’archevêché. Certaines familles libanaises entreprirent elles-mêmes de vendre leurs archives à la DGA, comme ce cheikh de la famille el-Khazen qui apporta, durant une dizaine d’années, des sacs entiers de documents qu’il récupérait auprès des diverses branches de sa famille. Au début, les plus intéressantes furent choisies par l’émir Chéhab, faute de crédits suffisants. Mais plus tard, ayant davantage de crédits, la DGA acheta tous les documents qu’il présenta. De plus, trois membres de la famille el-Khazen furent consuls de France à Beyrouth, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Leurs archives, conservées par le Dr Philippe el-Khazen, furent photographiées par la DGA. Classés, enregistrés par série et déposés au musée de Beyrouth, ces documents, au nombre de 200 000, dont la plupart sont manuscrits, constituaient une richesse inestimable car ils permettaient d’éclaircir et de retracer de nombreux événements de l’histoire du Liban, ainsi que les us et coutumes des périodes y relatives. Mais la guerre de 1976 sévissait et menaçait le Musée national à Beyrouth, ainsi que les archives qui y étaient entreposées. L’émir Maurice prit alors la décision, assisté de son épouse, de mettre ces archives à l’abri dans une des soupentes du palais de Beiteddine. «L’opération de sauvetage des documents a nécessité deux voitures et trois voyages», se souvient Olga Chéhab, son époux ayant informé la présidence de la République de sa décision. «Ces archives auraient certainement brûlé si elles étaient restées au musée, car l’aile où elles étaient placées a été ravagée par un incendie lors de l’invasion israélienne en 1982», ajoute-t-elle. Ces documents, qui revêtent une importance majeure pour la connaissance de l’histoire du Liban, viennent d’être confiés à l’État libanais par Walid Joumblatt qui les a fait transporter de Beiteddine à Moukhtara et les a conservés durant toute la guerre.
En mai dernier, Walid Joumblatt, ex-ministre des Déplacés, remettait à l’État les archives historiques du Musée national que l’émir Maurice Chéhab, ancien directeur de la DGA (Direction générale des antiquités), avait pris soin de mettre à l’abri des bombes, au palais de Beiteddine, en 1976-1977, dans les pires moments de la guerre du Liban. Mme Olga Chéhab, épouse...