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Actualités - ANALYSE

Présidentielle : bras de fer en attendant le mot d'ordre

En attendant que les candidats potentiels se livrent eux-mêmes au plaisir de la compétition (plaisir du reste fugace car une fois le mot d’ordre donné l’épreuve s’arrête), les pôles locaux, encore appelés «petits électeurs», entament un bras de fer articulé sur la présidentielle. Les tentatives, d’ailleurs assez timides, de certains prosyriens de freiner la campagne pour que le climat politique reste supportable jusqu’en octobre, tournent court. Car, si la cuisine, où se mijotent tant de petits plats qui servent d’entrées, n’a pas encore fait ronfler ses fourneaux, les pôles d’influence, présidents en tête, commencent à se disputer sérieusement les toques de chefs. Autrement dit, par un de ces bizarres phénomènes que produit souvent le non moins étrange Taëf, la présidentielle se court entre tout le monde… à l’exclusion des candidats virtuels, tous scratchés pour le moment. On ne parle pas des chances de tel pur-sang, mais de celles de tel propriétaire d’une écurie, d’un seul cheval ou simple parieur! Les équations, qui sont les mêmes pour tous, se basent sur des objectifs simples: placer à Baabda un homme à soi; ou à défaut, un président potable avec qui on peut faire affaire, ou affaires. Et inversement, court-circuiter les vues des leaderships rivaux. Il y a donc un double travail de préparation, dynamique d’une part, prophylactique d’autre part, comme dans les ouvertures d’échecs. Et à ce stade, on prend soin de ne pas trop dévoiler ses intentions. Ainsi, aucun des présidents, des ministres influents ou des «zaïms» de la scène politique locale n’a proclamé publiquement son appui à telle ou telle candidature. Mais tous s’activent comme des forcenés, surtout auprès des décideurs, pour promouvoir les actions de leurs poulains respectifs. Lesquels sont cependant connus du seul fait que tout maronite en vue est un présidentiable. Toujours est-il que sur le plan théorique, le président Elias Hraoui garde l’exclusivité d’un atout déterminé: dans le cadre de la session extraordinaire, il peut seul mettre en branle une procédure de révision de l’article 49 de la Constitution. Comme on sait, il a cependant précisé qu’il n’en a pas du tout l’intention. Mais il se peut qu’on le lui «demande». Il s’inclinerait alors, bien sûr, mais pourrait quand même obtenir quelques avantages moyennant sa coopération. Le président Nabih Berry, qui est assuré de garder son fauteuil jusqu’en l’an 2000, souhaite naturellement pour sa part que le prochain locataire de Baabda soit un ami à lui, qui se tienne à ses côtés dans sa sempiternelle lutte de domination sur la double scène mahométane (face à M. Rafic Hariri) et chiite (face au Hezbollah). Le président Rafic Hariri, qui reste pratiquement inamovible à cause du créneau économique comme de son entregent international, veut avoir les coudées plus franches et refuse de perpétuer l’expérience des relations houleuses entretenues avec le présent régime. En fait, il réclame une bien plus grande liberté d’action en soulignant qu’après tout c’est lui qui est tenu pour responsable de la situation qui règne dans le pays et que logiquement il lui appartient donc de la contrôler sans entraves et sans fronde ministérielle. Côté enjeux, c’est M. Hariri qui en réalité joue le plus gros dans ces présidentielles. Et côté définition des pouvoirs, son cas apparaît comme beaucoup plus complexe que celui des autres dirigeants. On sait que d’entrée de jeu, lors de la mise en place de son premier Cabinet, il avait tenté d’obtenir les pleins pouvoirs, pour être en mesure disait-il de mener à bien la vaste entreprise de reconstruction et de redressement économique qu’il avait en tête. Mais dès ce coup d’envoi, il avait perdu la partie, la Chambre lui refusant ce qu’il demandait. L’Assemblée a également saboté la tentative de réforme administrative effectuée en 1993, en introduisant des amendements qui ont permis aux fonctionnaires chassés par la porte de revenir par la fenêtre. Et depuis lors le prestige du chef du gouvernement, soumis à mille attaques venant de tous côtés, n’a cessé de s’éroder sur le plan intérieur. D’autant que la conjoncture régionale, en se détériorant, a fait capoter son grand plan de redressement économique dont il n’est généralement resté que les aspects négatifs, entendre les dépenses somptuaires pour des projets de superstructure. Ceci sans compter les scandales, l’anarchie croissante et les dosages ministériels ou les querelles de partage au sein de la troïka. Bref, c’est surtout pour M. Hariri qu’il est important de voir les choses changer à travers la prochaine présidentielle. Mais il n’est pas dit qu’il en ira ainsi. Ni que le changement, s’il doit se produire, aille dans le sens voulu…
En attendant que les candidats potentiels se livrent eux-mêmes au plaisir de la compétition (plaisir du reste fugace car une fois le mot d’ordre donné l’épreuve s’arrête), les pôles locaux, encore appelés «petits électeurs», entament un bras de fer articulé sur la présidentielle. Les tentatives, d’ailleurs assez timides, de certains prosyriens de freiner la campagne...