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Actualités - INTERVIEWS

Directeur des relations publiques puis premier vice-président de la compagnie pendant de nombreuses années Sami Rababi : la politisation a beaucoup nui à la MEA(photo)

Quand il évoque sa longue carrière à la MEA, M. Sami Rababi a surtout de l’amertume dans la voix, malgré les grandes joies que lui a également procurées son service au sein de cette compagnie «qui a fait la fierté du Liban». Ces déceptions, il les attribue aux événements, mais aussi au «traitement que m’ont réservé certains de mes collègues». Dans une interview accordée à «L’Orient-Le Jour», il a passé en revue son parcours personnel au sein de la MEA, ainsi que les problèmes de la compagnie et son avenir. Directeur de la publicité et des relations publiques pendant de nombreuses années, M. Rababi a terminé sa carrière en 1991 comme premier vice-président de la compagnie. «J’ai eu beaucoup de chance d’avoir comme maître à penser le PDG Nagib Alameddine, mais la guerre nous a tous meurtris, nous laissant d’énormes déceptions», dit-il. M. Rababi a également été président du secteur privé de l’Organisation mondiale du tourisme pendant quatorze ans, président de l’Académie internationale du Tourisme, et président du PRAC (Public Relations Advisory Committee de l’IATA). Il a représenté le Liban dans toutes ces organisations mondiales. Commentant l’évolution de la MEA au fil des années, M. Rababi déclare être du même avis que M. Youssef Lahoud, ancien directeur de la MEA, qui s’était exprimé dans une interview parue dans «L’Orient-Le Jour» le samedi 18 juillet: «La politisation a beaucoup nui à la bonne marche de la MEA, et celle-ci ne pourra survivre que le jour où aucun politicien n’aura le droit de s’immiscer dans ses affaires, et où les actionnaires et les dirigeants auront le droit de gérer librement la compagnie. Je constate également avec amertume que M. Lahoud n’a pas été nommé à la tête de la compagnie comme il l’aurait mérité». Et d’ajouter, parlant de la privatisation également longuement mentionnée par M. Lahoud: «La privatisation est nécessaire, mais elle devra être axée sur l’énorme diaspora libanaise dans le monde, dont aucun gouvernement n’a encore su tirer parti. A titre d’exemple, je ne comprends pas pourquoi la MEA a annulé ses vols vers Madrid, arguant que cette escale était non productive. Elle aurait mieux fait de promouvoir cette ligne dans les pays hispaniques où résident des millions de Libanais. Ceux-ci passent spontanément par la «Madre Patria», l’Espagne, quand ils décident de se rendre au Liban». M. Rababi, ayant été lui-même pendant de très longues années chargé des relations publiques de la compagnie, s’intéresse évidemment à l’image de marque de la compagnie, mais il critique le dernier changement de logo: «La MEA avait une image de marque que les dirigeants ont diluée en changeant la livrée et les couleurs de la compagnie. Pourquoi l’a-t-on fait? Qui a décidé de cette mesure? Combien cela a-t-il coûté? J’ai moi-même changé le logo de la compagnie il y a trente ans, parce que la MEA portait les mêmes caractères que la Pan American, notre premier partenaire. Je sais donc que cela coûte une fortune. A mon avis, faire de même actuellement est une erreur et, en tout cas, pas une priorité. Ce n’est pas en changeant le logo qu’on s’améliore, mais en modifiant les hommes et les mentalités». Ensuite, s’adressant à Youssef Lahoud, qui avait relevé la nécessité d’améliorer l’image de marque de la compagnie, il lui a reproché de ne pas avoir entrepris de tels projets alors qu’il était à un poste de responsabilité. Quel est son regret quand il repense à sa carrière? «Je crois que notre tort à tous, dit-il, est que nous n’avons pas formé des jeunes capables de nous succéder, et auxquels nous aurions tout transmis». Abordant un autre problème majeur de la MEA, le surplus d’employés, M. Rababi pense que la solution est toute trouvée si tant est qu’il y ait une volonté de régler le problème: «On pourrait facilement remplacer la main-d’œuvre étrangère qui saigne le pays par une certaine catégorie du personnel libanais. Mais il faudrait avoir le courage de le faire». Sur le scandale qui a secoué la MEA il y a quelques mois, à propos de trois avions loués à la Singapore Airlines à un prix jugé exorbitant par la Banque du Liban, principal actionnaire de la compagnie, M. Rababi déclare que «la seule chose que je souhaite, ainsi que tous les Libanais, c’est que l’affaire aille jusqu’au bout devant la Justice, parce que je n’aimerais pas que des innocents en soient les victimes». «En tous cas, le dossier n’est pas clos», a-t-il ajouté. Que pense-t-il du PDG et de l’équipe actuels? «Je ne connais pas Mohammed el-Hout, mais je lui souhaite beaucoup de succès parce que sa tâche n’est pas facile». Et sur la grève des pilotes? «J’ai bien peur que le public ne réserve un mauvais accueil à cette grève, car la MEA a le devoir d’être au service du Liban, de ses passagers, des touristes, de l’économie nationale». Mais M. Rababi n’est pas particulièrement pessimiste quant à l’avenir de la compagnie: «Quand je pense que la PanAm et la Pan Air Do Brazil n’ont pas survécu bien qu’elles n’aient pas connu 17 ans de guerre, j’ai foi en la possibilité de la MEA à se redresser». Enlèvements et tentatives d’assassinat Evoquant, par la suite, son parcours personnel au service de la MEA, M. Rababi se remémore le dynamisme qui était l’élément moteur de sa carrière, et se rappelle également les multiples enlèvements et les tentatives d’assassinat qui ont jalonné l’histoire de la MEA à l’AIB: «La première fois que j’ai été confronté à une telle situation, c’était en 1958, lors des événements. J’étais alors chargé de tous les budgets de la presse et des médias. Mes détracteurs ne manquaient pas, surtout avec le nom que je porte (Elias Rababi, mon oncle, étant l’un des fondateurs du parti Kataëb). Je tiens cependant à préciser que je n’ai jamais adhéré à aucun parti. Une campagne avait été menée contre moi par Abdallah Machnouk, directeur du «Beyrouth Al Massa». Il me fit alors enlever par ses hommes (il était à la tête d’une milice). Retenu chez lui, je lui expliquai ma façon de travailler et, un quart d’heure plus tard, il avait changé d’avis, me renvoyant illico chez moi». La série des souvenirs noirs ne s’arrête pas là, et M. Rababi évoque tristement les tentatives d’assassinat dirigées contre sa personne aux bureaux de la MEA, au cours de différentes phases de la dernière guerre: «J’avais juste le temps de fuir par «la porte de service», c’est-à-dire en prenant le premier avion en partance vers n’importe où. Mais le comble de ces mésaventures a été mon enlèvement en 1985 qui a duré cinq mois. Après cela, je n’ai pu rester à Beyrouth et me suis installé à Paris où je réside encore». M. Rababi ne précise pas l’identité des parties responsables de ces méfaits. Il raconte, par contre, l’événement qui a marqué son passage à la retraite: «Le 24 juillet 1991, M. Salim Salam, PDG de la MEA à l’époque, a cru bon m’envoyer des huissiers de justice pour me sortir du bureau de la rue Scribe à Paris, craignant que je n’y reste une minute de plus après avoir passé l’âge de la retraite. Ce n’était pas là mon intention, et je regrette de dire que ce geste a été la risée de tout le personnel». M. Rababi évoque à ce moment, sans rentrer dans les détails, un procès qu’il a alors intenté à la MEA, et qui s’est terminé à l’amiable avec l’arrivée de Abdel Hamid Fakhoury au poste de PDG de la compagnie. Pour conclure, M. Rababi suggère que les anciens de la compagnie jouent un rôle de consultants, afin que leur expérience puisse servir à la nouvelle équipe, comme c’est le cas à la Swissair par exemple. «Il faut remotiver la MEA, qu’elles que soient les intentions connues et inconnues, il faut que l’Etat donne à cette entreprise, qui continue à faire la gloire du Liban, tous les moyens de survie sans aucune arrière-pensée», a-t-il dit. Enfin, il a dédié des vers de Victor Hugo à ses anciens collègues: «Soyez comme l’oiseau, posé pour un instant Sur des rameaux trop frêles Qui sent ployer la branche mais qui chante pourtant Sachant qu’il a des ailes».
Quand il évoque sa longue carrière à la MEA, M. Sami Rababi a surtout de l’amertume dans la voix, malgré les grandes joies que lui a également procurées son service au sein de cette compagnie «qui a fait la fierté du Liban». Ces déceptions, il les attribue aux événements, mais aussi au «traitement que m’ont réservé certains de mes collègues». Dans une interview...