Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

La prorogation garde quand même ses défenseurs...

A chaque cause ses effets. Beaucoup s’étonnent que Raymond Eddé, pur démocrate qui a fermement combattu avant guerre (libanaise s’entend) toute velléité d’éternisation d’un président, se prononce avec opiniâtreté pour le maintien de Hraoui. Ainsi en avait-il été pour Béchara el-Khoury, Camille Chamoun ou Fouad Chéhab contre lequel du reste le «Amid» s’était présenté quand les puissances l’avaient parachuté en 58, à seule fin, comme il l’avait déclaré alors à la Chambre, qu’on ne dise pas qu’une «élection» s’ était faite d’office à l’ombre de la VIe Flotte US, ce qui est effectivement contradictoire et antidémocratique. Toujours est-il qu’aujourd’hui le leader du Bloc national est la figure de proue des reconductionnistes. Qui justifient leur soutien à la prorogation par les arguments suivants: — Le président Hraoui est parfaitement au courant des détails du dossier libano-israélien, notamment en ce qui a trait aux résolutions 425 et 426. Ce point ne paraît pas, à vrai dire, très convaincant. Car les éventuels candidats aussi spécialisés dans la question, sinon plus, ne manquent pas, bien au contraire. Et c’est tout à fait normal, car comment prétendre s’occuper des affaires du pays si l’on n’est pas versé dans cette priorité des priorités qu’est la libération… — Le président Hraoui entretient d’excellentes relations avec la Syrie comme avec la France. Là aussi, on peut remarquer qu’il n’en a pas l’exclusivité, tant s’en faut. — Il offre le double avantage d’avoir de l’expérience et d’avoir une ligne de conduite bien connue, alors qu’avec un éventuel successeur, qui devrait passer du temps à s’initier, ce serait peut-être le saut dans l’inconnu. Mais cet argument présente un air de déjà-vu: en effet, dans les années quarante, les destouriens répétaient qu’il fallait garder Béchara el-Khoury parce qu’il était le seul à pouvoir poursuivre les réalisations entamées. Plus tard, les chamouniens ont dit à leur tour que seul Camille Chamoun était en mesure de maintenir la croissance économique enclenchée sous sons règne. De leur côté, les nahjistes qui plaidaient dans les années soixante pour le renouvellement à Fouad Chéhab ont de même affirmé qu’il restait indispensable pour édifier un véritable Etat. Ce thème récurrent et commode de «l’homme exceptionnel» a toujours été réfuté comme on sait par l’Histoire. Et naturellement, ce n’est pas à un démocrate comme Raymond Eddé qu’on peut reprocher de s’accrocher à de si fragiles raisons, même s’il ne les renie pas. Non, pour lui, comme il le souligne constamment, l’essentiel est de faire comprendre au monde qu’un peuple, le peuple libanais, refuse l’élection d’un nouveau président de la République tant qu’un spoliateur, Israël, continue à occuper une partie de son territoire; et tant qu’un pays étranger, la Syrie, continue à faire cantonner 35.000 soldats sans compter les SR, sur le territoire national. Le «Amid» se montre sur ce point conséquent avec lui-même puisqu’il s’astreint personnellement à un exil volontaire tant que le Liban n’est pas dégagé. Sur le plan pratique cependant, les gestes destinés à attirer l’attention de l’opinion mondiale semblent produire peu d’effets. Ainsi, le boycott des élections législatives de 1992 puis de 1996 n’a guère poussé les puissances à une quelconque initiative pour sortir le Liban de sa situation d’otage et pour le doter d’un système vraiment démocratique et libre. Au contraire même: entre les deux échéances situées à quatre ans de distance, on a vu des capitales comme Washington et Paris non seulement refuser leur appui au camp de l’Est mais insister lourdement pour qu’il change de cap et se rallie au système. Et même le Vatican avait été dans le même sens, ce qui du reste avait contribué à inciter la plupart des mouvements de l’opposition de l’intérieur à changer leur fusil d’épaule et à participer au scrutin… Et puis vouloir reconduire un «bach kateb» — ce que Taëf a fait du chef de l’Etat, selon le « Amid» —, ce n’est peut-être pas la meilleure manière de redonner à la présidence son lustre d’antan. A cette nuance près: le président Hraoui, conscient de ces limitations, réclame lui-même une révision constitutionnelle de rééquilibrage des pouvoirs. Ce qu’un éventuel successeur pourrait ne pas être tenté de faire…
A chaque cause ses effets. Beaucoup s’étonnent que Raymond Eddé, pur démocrate qui a fermement combattu avant guerre (libanaise s’entend) toute velléité d’éternisation d’un président, se prononce avec opiniâtreté pour le maintien de Hraoui. Ainsi en avait-il été pour Béchara el-Khoury, Camille Chamoun ou Fouad Chéhab contre lequel du reste le «Amid» s’était...