Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

Dans une longue interview accordée à TF1 à la veille de son arrivée à Paris Assad : nous retirer ? posez donc la question aux dirigeants libanais Je ne prépare pas Bachar à me succéder Si le processus de paix n'aboutit pas, des guerres éclateront(photo)

«Accepteriez-vous de vous retirer du Liban si les Israéliens en font autant?» Réponse: «Posez donc cette question aux dirigeants libanais, plus précisément au président de la République, au chef du Législatif, au premier ministre. Je suis d’accord avec toute réponse qu’ils vous feront». Sur une succession qui serait assurée par Bachar el-Assad: «Non, je ne le prépare pas à me succéder, pas plus que je n’aie entendu de sa bouche quoi que ce soit en ce sens». Dans quelles conditions les pourparlers pourraient-ils reprendre avec Israël? «Le problème c’est que Netanyahu ne veut pas reconnaître ce qui avait été réalisé sous le gouvernement travailliste (israélien) et qui était basé sur le principe de la terre en échange de la paix». Sur ces trois thèmes, mais aussi sur ceux des relations entre la Syrie et la France, sur le rôle que pourrait jouer ce dernier pays, et avec lui l’ensemble de l’Union européenne, sur la question des détenus politiques, le président Hafez el-Assad a répondu aux questions de Patrick Poivre d’Arvor, dans une longue interview diffusée hier à 21h, heure de Beyrouth, par la chaîne de télévision française TF1, et cela à la veille de la visite officielle qu’il doit effectuer à Paris. A propos d’un retrait syrien qui suivrait un départ des troupes israéliennes qui occupent une partie du Liban-Sud, le chef de l’Etat syrien, après avoir renvoyé son interlocuteur aux responsables libanais, déclare: «En ce qui a trait à la question du Liban et de la Syrie, il est des éléments que nombre de personnes ignorent avec précision. Historiquement, nous formons un seul peuple. La langue est une, les circonstances que nous avons connues sont identiques et notre libération est intervenue en même temps. Je vous dis que le Liban existe; c’est un Etat. J’ai été le premier à le dire et je reconnais cet Etat. Lorsque nous évoquons le Liban, nous ne parlons pas de butin, de quelque chose que nous voulons nous approprier. Nous voulons que le Liban soit riche, que la Syrie soit riche elle aussi». «Quels que soient les accords qui lient nos deux pays, poursuit le président Assad, et afin que vous compreniez la nature de nos relations, je vous rappelle que le Liban a été victime d’une guerre barbare. Nul hormis la Syrie n’a proposé de verser son sang pour y mettre un terme. Dès les premiers instants, nous avons entrepris des contacts avec les diverses parties libanaises — et nous avons toujours entretenu de bons rapports avec toutes les parties. J’avais décidé tout d’abord de tenter de régler la crise par les voies politiques, sans intervention de nos forces armées. Mais il existait des fractions libanaises qui s’obstinaient à poursuivre les combats et le recours à la voie diplomatique demeurait sans effet. C’est alors que plusieurs (parties) demandèrent à la Syrie d’intervenir militairement. Je citerais en particulier l’actuel président Elias Hraoui, le président de la République à l’époque Sleiman Frangié, sans compter des délégations populaires venues à Damas et des milliers de télégrammes provenant de villes et de villages et réclamant l’intervention de la Syrie». «Nous savions, ajoute le président Assad, que nos pertes seraient grandes. Mais devant la persistance des combats et de l’effusion de sang, nous avons décidé d’intervenir pour y mettre un terme. Je tiens à ce que vous sachiez que les pertes dans les rangs syriens ont été plus élevées que celles subies par nos frères libanais. Dès notre déploiement dans les régions libanaises, les combats entre fractions cessèrent mais non les combats entre individus, car tout le monde au Liban est armé. Il restait deux groupes, dans la zone Est à caractère chrétien, qui se sont entretués. Le chef de l’un de ces groupes était un officier qui se trouve actuellement chez vous en France. La responsable de l’autre groupe était Samir Geagea. En un laps de temps guère long, ces deux groupes ont saccagé cette région et causé des destructions plus importantes que celles occasionnées par la guerre. Le soldat syrien a été plus clément que les combattants de Aoun et de Geagea. En définitive, nous sommes parvenus progressivement à un accord global, nous avons désarmé les milices et une solution sage a été trouvée aux problèmes. Aujourd’hui, l’Etat libanais dispose d’une armée, d’une police, de tout ce dont un Etat a besoin». Serait-il disposé à accepter le maintien de la présence israélienne sur le Golan, alors que l’Etat hébreu offre de se retirer du Liban-Sud? Réponse: «Le Liban est présent et nous l’aidons, mais nous ne pouvons nous substituer à lui. Le Liban affirme qu’il n’a pas demandé aux Israéliens de pénétrer sur son sol. Il conviendrait donc qu’ils s’en retirent. De plus, à plusieurs reprises, les Libanais ont souligné que la résolution 425 ne stipulait aucune condition (de retrait). L’important est que cette résolution soit appliquée à la lettre. Quoi qu’il en soit, ce thème doit être évoqué avec la partie libanaise». La succession Sur la question de sa succession, le chef de l’Etat syrien est catégorique, déclarant: «Non, je ne prépare pas mon fils Bachar à me succéder. Et d’ailleurs, je n’ai pas entendu de lui quoi que ce soit sur le sujet. Il semble que les rumeurs aient pour origine le fait qu’il est actif, qu’il est apprécié par ses camarades et que dans le pays, il est aimé. Dans notre Constitution, dans nos lois, il n’existe pas de textes liant parenté et succession. Il me souvient qu’à des questions en ce sens, il a répondu par la négative plus d’une fois. Quoi qu’il en soit, il est libre. En résumé, ma réponse est qu’il n’existe pas de préparation» (à me succéder). Le président syrien fait par ailleurs le point sur le processus de paix. «Le problème, dit-il à ce propos, réside dans le fait que (le premier ministre israélien Benjamin) Netanyahu ne veut pas reconnaître ce qui a été accompli avec le Parti travailliste, les bases qui ont été définies. Il rejette le principe de l’échange de la terre contre la paix, ainsi que les résolutions des Nations Unies. Il veut les territoires et il en veut sans cesse davantage. Seul et à des fins personnelles, il a modifié toutes les bases établies pour le processus de paix. Il dit qu’il veut la paix en échange de la paix, ce qui signifie qu’il réclame et la terre et la paix. Après cela, il a affirmé vouloir la paix en échange de la sécurité, puis il a proposé des retraits à la mesure de la sécurité». «Au début, dit-il encore, nous avions face à nous les représentants du Cabinet Likoud. Les pourparlers ont duré près d’un an sans qu’aucun progrès ne soit réalisé. Visiblement, il (Netanyahu) soulevait des points sans importance aucune et sans rapport avec la paix, pour gagner du temps. A titre d’exemple: la délégation israélienne exhibait à un moment de la discussion un article paru cinquante ans auparavant dans un journal syrien, affirmant: «Voilà ce que vous écrivez, en Syrie...». Après avoir longuement fait l’historique des négociations de paix, depuis leur déclenchement, le chef de l’Etat syrien conclut ce passage de l’interview par ces mots: «Nous ne renoncerons pas au processus de paix. Mais la paix doit être juste et globale, sinon ce ne serait pas une paix véritable». L’affaire Brunner Si un accord venait à être conclu et si les Israéliens se retiraient du Golan, accepterait-il de rencontrer Netanyahu? A cela, le président Assad répond: «Il serait naturel alors que les gens se parlent. L’inimitié est due à de multiples divergences. Que celles-ci viennent à disparaître et les choses redeviendront normales. Dans une situation comme celle qui prévaut au Proche-Orient, ce ne sont pas les chefs d’Etat qui se rencontrent. Je ne me suis pas rendu aux Etats-Unis (...). Il n’y a pas eu de désaccord sur la représentation syrienne. Les rencontres se sont déroulées entre délégués syriens et israéliens, qui ont discuté entre eux. Une question comme celle que vous venez de m’adresser ne se posait donc pas». Le chef de l’Etat syrien revient en outre à la charge, invitant l’Union européenne, et singulièrement la France, à jouer un rôle dans le processus de paix. «Avant, les conditions n’y étaient pas favorables à cause de certains obstacles et de certaines personnes que je ne voudrais pas citer pour le moment. Mais, maintenant, la France et l’Union européenne ont le droit et même le devoir de jouer un rôle, c’est dans leur intérêt», précise-t-il. «De toutes façons, les Européens ne veulent pas remplacer les Américains, ils veulent participer au processus de paix aux côtés des Etats-Unis pour le faire avancer», souligne-t-il. Selon lui, «si nous n’aboutissons à rien, des guerres éclateront et s’étendront à plusieurs pays de façon directe ou indirecte». Abordant la question des rapports de son pays avec la France, le président Assad trouve «naturel que les peuples se rapprochent, de même que les personnes». Il évoque «l’amitié» qui le lie depuis quelque temps au président Jacques Chirac, auquel il rend hommage pour ses prises de position «importantes», ajoutant: «Il (le chef de l’Etat français) est positif dans son approche du problème de la paix, lequel intéresse non seulement la France et la Syrie mais également le mode entier. Le président Chirac est en faveur du droit; de plus, il est franc et courageux et ses qualités sont importantes. J’ajouterais qu’il est fidèle dans ses amitiés; en échange, ses amis ne peuvent que lui être fidèles eux aussi». Après un hommage appuyé au général De Gaulle et à son action, le président Assad répond à une question sur le criminel de guerre nazi Aloïs Brunner, soupçonné de se cacher sous un faux nom en Syrie, ce qu’il dément formellement. «On ne me cache rien dans ce pays. Cet homme est un étranger. Il aurait été ici, je le saurais. Si vous savez où il se trouve, j’envoie quelqu’un vous accompagner chez lui. Vous avez des informations précises?», interroge M. Assad. «J’entends parler de cet homme depuis longtemps. Il n’a dit à personne où il se trouve. Et puis, pourquoi voulez-vous que la Syrie s’occupe d’un homme comme lui?», ajoute-t-il.
«Accepteriez-vous de vous retirer du Liban si les Israéliens en font autant?» Réponse: «Posez donc cette question aux dirigeants libanais, plus précisément au président de la République, au chef du Législatif, au premier ministre. Je suis d’accord avec toute réponse qu’ils vous feront». Sur une succession qui serait assurée par Bachar el-Assad: «Non, je ne le prépare...