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Actualités - REPORTAGE

La police américaine à l'école du Judo verbal

WASHINGTON — Irène Mosalli — «Monsieur, pouvez-vous me montrer, s’il vous plaît, votre permis de conduire?» — «Mieux que cela». — «Bonjour Monsieur, voulez-vous avoir l’amabilité de me montrer votre permis de conduire?» Ce dialogue, tout en courtoisie, se passe dans une classe de perfectionnement pour officiers de police. Ici, par perfectionnement, il faut comprendre un changement d’attitude envers le public. L’autorité-force n’ayant pu venir à bout de la violence qui sévit aux Etats-Unis, on a pensé que la manière douce pouvait être plus convaincante et plus concluante. Et elle l’a été, selon le «Washington Post», qui explique que le nombre de plaintes déposées contre le mauvais comportement (justifié ou non) des forces de l’ordre a diminué depuis l’application de cette méthode. Il s’agit, plus précisément, d’un «judo verbal», comme l’appelle celui qui l’a mis au point et qui a pour nom George Thompson. Si ce dernier connaît bien l’impact et la bonne utilisation des mots c’est sans doute parce qu’il avait été professeur de littérature dans un collège du Kansas, avant de s’engager dans la police. Il est diplômé de la prestigieuse université de Princeton. Selon lui, il s’agit de contourner l’agressivité de l’interlocuteur, de la même manière qu’un judoka redirige l’énergie de son adversaire. En d’autres termes, si quelqu’un vous provoque par la parole, au lieu de lui rendre la pareille, placez votre réponse sur un autre registre. Les divers départements de police de la ville de Washington et ses environs n’ont pas hésité à soumettre leurs effectifs à cet entraînement d’un genre nouveau. Mais ces gars bien bâtis, et qui sont toujours prêts à en découdre, ont d’abord eu un sourire en coin lorsqu’on leur a exposé le procédé puis ils se sont rendus à l’évidence qu’un langage pacifique pouvait désamorcer crises et conflits. On rappelle aussi à ces initiés, qu’en principe personne n’aime les flics et que, de prime abord, ils suscitent la méfiance. A noter que l’on n’est pas près d’oublier la hargne et la férocité des agents (des Blancs) de Los Angeles qui, en 1991, s’en étaient pris violemment à un jeune Noir, Rodney King, qu’ils avaient battu presque à mort. Un souvenir d’autant plus brûlant que la scène avait été filmée sur cassette-vidéo. Les partisans du «judo verbal» pensent qu’un tel acte de brutalité aurait pu être évité s’il y avait eu une meilleure communication entre les deux parties. Selon George Thompson, il existe trois catégories de personnes: les gentils, les difficiles et les poules mouillées. En fait, ces derniers sont des gens difficiles qui en votre présence se comportent comme s’ils étaient accommodants et une fois que vous avez le dos tourné vous chercheront noise. Son conseil général aux agents de police: rester imperméable aux insultes, pour ne pas donner prise psychologiquement à l’adversaire. La meilleure arme contre l’abus verbal serait d’afficher, pour commencer, une attitude de compréhension, en donnant à l’argumentation une tournure plus paisible. Autre stratégie, essayer d’obtenir la coopération de votre vis-à-vis pour empêcher que les choses se gâtent, car souvent il y a malentendu parce que l’on craint d’être gratuitement lésé ou atteint dans sa dignité d’homme. Le «judo verbal» est en train de faire école. Des variantes de cette technique sont en train de voir le jour sous différentes appellations: «conflict management», ou encore «désescalade». Et si toutes les polices du monde, y compris la libanaise, pouvaient relâcher un peu... la détente et entonner en chœur «la douceur est le luxe des forts».
WASHINGTON — Irène Mosalli — «Monsieur, pouvez-vous me montrer, s’il vous plaît, votre permis de conduire?» — «Mieux que cela». — «Bonjour Monsieur, voulez-vous avoir l’amabilité de me montrer votre permis de conduire?» Ce dialogue, tout en courtoisie, se passe dans une classe de perfectionnement pour officiers de police. Ici, par perfectionnement, il faut...