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Actualités - REPORTAGE

Expo texte-images Hadjithomas-Jreige Le récit brûlant et signé d'un photographe pyromane(photos)

Un «Wonderful Beirut» vraiment? C’est visiblement un titre ironique — et onirique — que Jana Hadjithomas et Khalil Jreige ont choisi là pour leur expo photos-installation, galerie Janine Rubeiz. On y voit l’art photographique, le phénix renaître de ses cendres à la galerie Janine Rubeiz. Des photos, des cartes postales «touristiques» du Beyrouth des années soixante, sont étalées en série. Le même cliché se répète une dizaine de fois, mais à chaque étape, un coin du paysage s’embrase. Plaies urbaines, cicatrices humaines puis la renaissance... Jana Hadjithomas et Khalil Jreige, qui sont aussi partenaires dans la vie, sont nés en 1969 et ont suivi une formation en arts du spectacle et en littérature, avant de se spécialiser dans le cinéma et les problèmes de l’image photographique. Se partageant entre Beyrouth et Paris, ils enseignent à l’IESAV et à l’université Paris X Nanterre. Il s’agit là de leur seconde exposition. La première, également en tandem, a eu lieu à l’Institut du Monde Arabe, Paris, en juillet-août 1997 sur le thème «Beyrouth: fictions urbaines». Parallèlement, ils réalisent des courts métrages «333 Sycomore», «Faute d’identités» et préparent actuellement un long métrage (tournage en août-septembre 1998 à Beyrouth). «Wonderful Beirut» est le roman d’un photographe pyromane. Des photographies et des installations photographiques accompagnées d’un texte racontent en quatre épisodes l’histoire imaginaire d’un photographe de studio. Le texte et les images sont indissociables. Les années 60 marquent le début du travail du photographe dans le studio de son père avec qui il produit un calendrier représentant Beyrouth. Puis la période de guerre que notre héros tente de retranscrire et de fuir en même temps, à travers des images de lutte entre deux personnes. «Ces représentations esthétiques, qui tentent de recréer le conflit mais aussi de le sublimer, transforment la violence en une sorte de danse abstraite et répétitive. Les images, au nombre de 12, constituent une nouvelle tentative de calendrier plus approprié à la situation hors du studio», souligne Jreige. Un soir dans son studio, le photographe, entouré des cartes postales et des images du Liban d’autrefois, décide de les brûler pour les rendre plus conformes à son réel. Il inflige aux immeubles des trous d’obus, des fissures et des béances creusées par le feu. Dernier acte: enfin, avec la paix, le photographe se met en quête de nouvelles représentations. Il se rend compte de l’impossibilité de se retrouver dans les images du présent. Cette situation le mène à tenter de capturer le temps puis l’instant. Son obsession devient l’acte photographique, qui lui permet de retenir le présent, de l’enfermer sur pellicule. «Mais si la photographie tente de capturer le réel, du présent immédiat, elle se transforme rapidement en représentation figée. Elle est alors la meilleure métaphore du déroulement passé, du manque et de l’absence. Paradoxalement, malgré et parce qu’elle témoigne de ce qui a été, elle est le meilleur indice de la perte. Si la photographie est perte, elle explique le rapport entre l’existence de ce photographe et sa recherche photographique», dissèque Jreige. «En brûlant ses images, le photographe revient à l’origine même de la photo: l’inscription par la lumière (ici incandescente). Les brûlures deviennent l’empreinte du photographe, une manière de se retrouver lui-même, de se saisir dans son quotidien, dans la succession et l’accumulation des jours», ajoute-t-il. Le tandem précise ensuite: «Les photographies de l’exposition sont toujours présentées dans l’esprit de la carte postale ou du calendrier, que ce soit des photographies personnelles et originales ou des cartes postales détournées, retravaillées et réinterprétées». «La carte postale est une image qui s’exporte, un cliché destiné à représenter la ville et qui véhicule souvent les stéréotypes. Mais les représentations sont nombreuses et cet éclatement de regards portés sur la ville fait penser que si on ne peut définir la ville, celle-ci nous oblige à nous définir nous-mêmes et à définir le regard que nous portons sur elle. Plus que l’objet du regard, c’est le regard lui-même qui devient le propos du travail: le regard sur l’Orient, le regard sur la guerre, sur la mémoire pour mener à un regard sur soi et sur la fonction même du regard». Le calendrier, quant à lui, est un instant mesuré, la recherche d’un temps que l’on retrouve, que l’on passe et que l’on reprend. Un calendrier pour compter et situer le temps, la photographie pour embaumer les jours....
Un «Wonderful Beirut» vraiment? C’est visiblement un titre ironique — et onirique — que Jana Hadjithomas et Khalil Jreige ont choisi là pour leur expo photos-installation, galerie Janine Rubeiz. On y voit l’art photographique, le phénix renaître de ses cendres à la galerie Janine Rubeiz. Des photos, des cartes postales «touristiques» du Beyrouth des années soixante,...