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Actualités - ANALYSE

Quelques candides questions d'un ancien diplomate ...

Quand on a trop longtemps été en poste au dehors, on apprend à se méfier de l’étranger; mais en même temps on devient un peu naïf en ce qui concerne ses propres concitoyens. Ainsi ce vieux loup de mer de la diplomatie, qui a roulé sa bosse partout dans le monde avant de retourner au pays natal couler une retraite agacée, se demande «jusqu’à quand les Libanais vont-ils continuer à être plus royalistes que le roi, à s’enflammer pour autrui, à placer la défense de ses intérêts avant les leurs? Jusqu’à quand vont-ils accepter d’être les captifs de l’étranger et du complexe d’infériorité qu’ils éprouvent à son égard?» «Dans aucun des pays arabes, africains, sud-américains ou occidentaux où il m’est arrivé de servir, poursuit l’ancien ambassadeur, je n’ai vu un tel acharnement à se soumettre soi-même à un avilissant asservissement. Il est rare, mais cela arrive, que des nationaux se divisent à cause d’équipes étrangères de football au point que les forces de l’ordre doivent déployer un effort spécial pour éviter les heurts ou intervenir pour les faire cesser. Par contre, je n’ai jamais vu ailleurs qu’ici ce phénomène contre nature: des nationaux préférer à une équipe locale un club étranger, comme on l’avait vu dans la banlieue-sud à l’occasion d’un match irano-libanais. Cette même banlieue-sud qui a fêté par de vrais tirs, par une fantasia de fusils-mitrailleurs, et pas par de simples feux d’artifice, la victoire de l’Iran en coupe du monde sur les Etats-Unis, pratique à laquelle on n’a pas assisté en Iran même!» Cet ancien diplomate trouve ces manifestations d’empathie «aussi exagérées qu’au fond très étonnantes. Car si vous demandez à n’importe quel Libanais s’il se sent plus iranien, syrien, français, américain, brésilien ou tanzanien que libanais, il vous répondra qu’il n’en est rien, qu’il aime sa patrie par dessus tout… et que ce sont les autres fractions qui ont des attaches douteuses! Le fait semble être qu’une sorte de pathologie, de faiblesse congénitale, empêche nombre de Libanais de faire vraiment honneur à leurs sentiments patriotiques et leur donne l’air de se plier avec plaisir à la domination d’autrui, politique ou culturelle. Peu de nos concitoyens échappent en réalité à l’attraction de l’étranger. Grosso modo, si l’Est peut accuser l’Ouest d’être à la traîne de la Syrie ou de l’Iran, il peut à son tour se voir reprocher de copier trop fidèlement l’Occident. Et d’une façon générale, on peut dire que le phénomène est malsain parce que l’admiration va «au plus fort». Ainsi pour le Mondial, dans un Liban qui est après tout un pays arabe, on n’a pratiquement vu flotter sur les balcons aucun drapeau des trois pays arabes engagés au départ dans cette compétition, mais plein de drapeaux brésiliens, allemands, italiens ou français». Et de souligner ensuite que «l’on dénombre chez nous 22 statues d’Abdel Nasser, de Bassel el-Assad ou de Khomeyni, toutes évidemment intouchables ce qui est d’ailleurs normal; alors que les statues de Béchara el-Khoury, Riad Solh et Pierre Gemayel ont été tout simplement déboulonnées et jamais remplacées. A Baalbeck, il y a une «Cité sportive Gamal Abdel Nasser»; à Saïda une «Cité sportive Hafez el-Assad»… et on attend toujours que la Cité sportive de Beyrouth reprenne le nom de Camille Chamoun, après la tempête politique que ce label, pourtant bien de chez nous c’est le moins qu’on puisse dire, avait provoquée!» Et de conclure qu’en France «on reproche au Front national de plaider pour «la préférence nationale», alors que chez nous ce n’est pas de xénophobie mais d’autophobie qu’on peut se plaindre!» Ce qui explique en grande partie la guerre domestique qui a failli détruire ce pays. Le mal ne s’arrête donc pas à des drapeaux ou des statues et pour le traiter, un seul remède: l’éducation civique…
Quand on a trop longtemps été en poste au dehors, on apprend à se méfier de l’étranger; mais en même temps on devient un peu naïf en ce qui concerne ses propres concitoyens. Ainsi ce vieux loup de mer de la diplomatie, qui a roulé sa bosse partout dans le monde avant de retourner au pays natal couler une retraite agacée, se demande «jusqu’à quand les Libanais vont-ils...