Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Les commissions parlementaires mixtes ont entamé l'examen du projet de loi Siniora reconnaît que l'échelle des salaires n'est pas équitable

Entre le gouvernement et le Parlement, c’est un dialogue de sourds qui s’est engagé au sujet de la nouvelle échelle des salaires pour les fonctionnaires du secteur public. Les divergences de vues persistent même après le retrait du projet de loi du Parlement et l’amendement de ses articles. C’est que, dans le fond, l’Exécutif n’a pas changé grand chose au texte qui, de l’avis de nombreux députés, est loin de rendre justice aux fonctionnaires. Même le ministre d’Etat aux Finances, M. Fouad Siniora, a reconnu que le texte était «inéquitable», mais en expliquant aux députés que le gouvernement ne pouvait pas agir autrement en raison des moyens financiers limités dont il dispose. Loin de convaincre les députés, cette explication a fourni aux opposants une occasion nouvelle pour s’insurger contre la politique du gouvernement, l’accusant de faire montre de légèreté. C’est ainsi que la réunion des commissions parlementaires mixtes, consacrée hier à la nouvelle échelle des salaires, a, encore une fois, mis en relief les tiraillements entre l’Exécutif et le Législatif concernant l’application des nouveaux salaires dans le public. Les commissions parlementaires des Finances et du Budget, de l’Administration et de la Justice, de la Défense, de l’Intérieur et de la Sécurité, de l’Education et de la Culture doivent accélérer le rythme pour terminer au plus tôt l’examen du projet de loi qui avait été transmis au Parlement bien avant les élections municipales. Le président de la Chambre, M. Nabih Berry, souhaite que le texte soit voté avant que la bataille présidentielle ne commence mais les commentaires des parlementaires, hier, permettent de croire qu’il ne sera pas approuvé de sitôt. Les députés souhaitent mener leur bataille sur deux fronts: faire en sorte que la nouvelle loi traite sur un pied d’égalité tous les fonctionnaires et tienne donc compte des remarques formulées par différents groupes d’employés de l’Etat et pousser le gouvernement à opter pour des sources de financement qui n’accablent pas les couches les plus défavorisées de la population. Pour les parlementaires, il est primordial que l’Exécutif ne prenne pas d’une main ce qu’il accorde de l’autre aux fonctionnaires. Qu’ils soient opposants ou loyalistes, les députés ont en majorité adhéré au point de vue de plusieurs groupes de fonctionnaires: les professeurs à plein temps de l’Université libanaise, les diplômés de l’Ecole nationale d’administration et du développement, les inspecteurs généraux de l’Inspection centrale, les Anciens combattants et les juges à la retraite. Leurs représentants à la réunion qui a été présidée par le vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli, ont distribué aux députés des copies de leurs mémorandums. Chaque groupe a contesté le calcul opéré par le gouvernement pour déterminer leurs nouveaux salaires, en expliquant dans le détail et en donnant moult exemples des raisons de leur opposition. Ce qu’ils ont reproché en particulier à l’Exécutif, c’est d’avoir adopté des barèmes différents pour classer les fonctionnaires et pour calculer sur cette base leurs salaires et leurs indemnités de retraite. A titre d’exemple, les Anciens combattants ont relevé qu’en vertu des nouvelles classifications des fonctions et des calculs effectués sur cette base, un commandant de l’armée, un directeur général des FSI ou de manière générale les officiers qui ont pris leur retraite avant le 1er janvier 1996 «sont placés au même rang qu’un fonctionnaire de troisième catégorie mis à la retraite conformément à la nouvelle échelle des salaires». Les cinq groupes ont détaillé leurs propositions susceptibles de rendre le projet de loi plus équitable. Cités par plusieurs députés, M. Siniora a reconnu que le texte est «inéquitable» pour certaines catégories de fonctionnaires avant d’exposer les critères sur base desquels le gouvernement l’avait élaboré. «L’objectif du gouvernement était de tenir compte en même temps des moyens financiers dont dispose l’Etat et de la nécessité d’élaborer une loi juste. Or il s’est trouvé que l’Etat n’a pas ces moyens», a déclaré M. Siniora, cité par un député. Le ministre a encore une fois insisté sur le coût de la nouvelle échelle des salaires: 415 milliards de livres par an sans compter les 90 milliards que l’Etat débourse aussi chaque année pour payer les enseignants. Cité toujours par ce même député, M. Siniora a affirmé qu’il a «pu arranger le financement de la moitié de cette somme, mais n’a pas encore rassemblé l’argent». La surtaxe douanière de 2% sur tous les produits, imposée il y a quelques mois par le gouvernement, permettra de financer la moitié des 415 milliards. M. Siniora a exprimé l’espoir de pouvoir trouver avant la fin de l’année de nouvelles recettes pour financer la somme restante, selon les mêmes sources. L’échelle des salaires sera en vigueur à partir du 1er janvier 1999, rappelle-t-on. Elle était supposée l’être depuis le 1er janvier 1996. Le gouvernement s’est engagé à faire bénéficier les fonctionnaires de l’effet rétroactif mais n’a toujours pas une idée des moyens qui pourront lui assurer les 1.250 milliards de livres nécessaires pour cela. Plusieurs députés, opposants et loyalistes, ont exprimé leur scepticisme quant à la capacité de l’Etat à financer les nouveaux salaires. Les détracteurs du gouvernement ont pour leur part accusé l’Exécutif d’avoir fait exprès de «présenter un projet de loi contestable pour ne pas avoir à majorer les salaires et les indemnités des fonctionnaires». Durant la réunion, une controverse a opposé le ministre au député Mohamed Abdel-Hamid Beydoun, qui considère les chiffres avancés par M. Siniora comme étant exagérés. M. Beydoun, a-t-on appris de sources parlementaires, a exigé du ministre qu’il présente un rapport détaillé sur le coût de la nouvelle échelle des salaires. Avant même que la réunion ne prenne fin, M. Beydoun a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a vivement critiqué l’Exécutif, l’accusant de «vouloir spolier les droits acquis des fonctionnaires». Il a donné dans ce cadre l’exemple «des ingénieurs et des techniciens des administrations dont les indemnités sont différentes de celles des fonctionnaires, étant donné leur spécialisation, et qui ont aujourd’hui perdu cet acquis». Selon lui, les exemples de ce genre abondent. Le député s’en est pris ensuite à M. Siniora lui reprochant de «gonfler» le coût de la nouvelle échelle des salaires «sans le justifier». «Il semble qu’il soit incapable d’effectuer une étude détaillée des données qui le poussent à avancer le chiffre de 415 milliards alors que de nombreux députés pensent que les nouveaux salaires ne coûteront pas autant». Se basant sur les chiffres du Budget concernant les salaires, M. Beydoun a considéré que les majorations prévues ne doivent pas coûter à l’Etat plus de 220 milliards de livres. Il a accusé M. Siniora d’avancer le chiffre de 415 milliards pour «décourager les députés et les empêcher de voter le texte rapidement». Il a reproché au gouvernement de rester dans le vague dès qu’il s’agit de déterminer les sources de financement, l’accusant de «vouloir léguer cette bombe à retardement au Pouvoir qui succèdera à l’équipe actuelle». M. Beydoun s’est élevé en outre contre l’existence de trois régimes de retraite au sein d’une même administration conformément à la nouvelle loi proposée. «Les salaires de certains professeurs ou officiels à la retraite ne dépassent pas les 600.000 livres alors que d’autres perçoivent plus de 225 millions de livres», a-t-il indiqué avant d’inviter le gouvernement à se réunir pour unifier le régime de retraite et «supprimer ces écarts énormes, injustes et injustifiés». Tout aussi virulent, M. Zaher el-Khatib a aussi accusé l’Exécutif d’«atermoiements», lui reprochant vivement de «vouloir porter un coup au principe de la justice sociale et jeter la balle dans le camp du Parlement». Lui aussi s’est insurgé contre l’existence de plusieurs régimes de retraite au sein d’une même administration et s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles le gouvernement a privé les employés de l’Institut national de l’emploi des effets de la nouvelle loi. Il a contesté les propos du ministre Siniora qui a, a-t-il dit, laissé entendre, encore une fois, que le Parlement devrait partager la responsabilité des charges qui découleront de l’application de la nouvelle échelle des salaires, s’élevant contre «le procédé chaotique» par lequel le gouvernement s’occupe du dossier de l’administration. M. Khatib s’est dit sceptique quant à la capacité de l’Etat à financer la nouvelle échelle des salaires en soulignant l’anarchie qui caractérise, selon lui, la politique financière et fiscale du gouvernement. M. Siniora a réagi à ces attaques en assurant que le gouvernement tient à ce que le projet de loi soit voté. Il n’a pas voulu commenter les propos des députés Beydoun et Khatib, se contentant d’indiquer que le peuple libanais a «payé cher le prix des tiraillements» et affirmant que le chiffre qu’il a avancé concernant le coût des nouveaux salaires est «exact». Selon lui, le gouvernement s’est efforcé de réduire les écarts entre une indemnité de fin de service et une autre. «Mais il n’est pas possible de les uniformiser d’un seul coup surtout que ces indemnités nous coûteront des sommes énormes, étant donné le nombre des fonctionnaires à la retraite, 43 mille en tout», a-t-il déclaré. Le débat est amené à se poursuivre aujourd’hui puisque les commissions s’attaqueront à l’examen du texte article par article, après avoir pris connaissance des points de vue des parties concernées.
Entre le gouvernement et le Parlement, c’est un dialogue de sourds qui s’est engagé au sujet de la nouvelle échelle des salaires pour les fonctionnaires du secteur public. Les divergences de vues persistent même après le retrait du projet de loi du Parlement et l’amendement de ses articles. C’est que, dans le fond, l’Exécutif n’a pas changé grand chose au texte qui,...