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Actualités - REPORTAGE

Jacques Rigaud : la culture ne peut pas ignorer l'économie (photo)

Droit, Institut d’études politiques de Paris, puis ENA: après un parcours académique parfait, Jacques Rigaud a passé vingt ans au Conseil d’Etat avant de devenir directeur du cabinet de Jacques Duhamel, ministre de l’Agriculture puis des Affaires culturelles dans les années soixante-dix. Ancien président de l’établissement public du musée d’Orsay (1981-1987), il est aujourd’hui PDG de RTL (Radio Télé Luxembourg), président d’ADMICAL (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial), et du centre culturel «La Chartreuse» de Villeneuve-Lès-Avignon. Jacques Rigaud est aussi auteur de plusieurs livres dont «La Culture pour vivre», «Miroir des mots», «Le bénéfice de l’âge». Il participe au colloque sur le mécénat et accepte de se raconter un peu. PDG dans le privé, ancien haut fonctionnaire, il a aussi enseigné. Où s’est-il donc senti le plus à l’aise? «J’ai eu la chance», répond-il, «de faire dans ma vie des choses que j’aimais. Je n’ai pas eu une carrière classique. Sur les différentes activités qui ont été les miennes, tout m’est venu sans que je le sollicite. En 1969, Jacques Duhamel qui a été pour moi plus qu’un ami, un frère, est devenu ministre de l’Agriculture. Il m’a demandé de diriger son cabinet. Je l’ai fait mais je n’étais pas familier de l’agriculture. Lorsqu’en 1969, il est nommé ministre des Affaires culturelles, il m’a été donné de mettre mes capacités d’administrateur au service de ce à quoi je croyais le plus, la culture. Plus tard, j’ai eu la chance de pouvoir atteindre cet objectif à travers ma mission à l’UNESCO, mes livres, mes fonctions dans l’audiovisuel, mais aussi au musée d’Orsay que François Mitterrand m’a demandé de construire; à la Chartreuse de Villeneuve -Lès- Avignon, un centre culturel de rencontre que je préside depuis 1976 et à ADMICAL, depuis 79...» L’un de ses ouvrages les plus connus porte un titre qui peut paraître un peu ambigu «La culture pour vivre»… D’autant que, pour beaucoup, la culture est aujourd’hui, à l’image de l’art, un marché avant tout… «Non», s’indigne-t-il, «quand je dis pour vivre ce n’est pas au sens matériel du mot mais c’est pour donner à la vie sa plénitude. La culture c’est ce qu’il faut pour qu’une journée de travail offre un sens à la vie». Affichage v/s signature «Mécène» ou «sponsor», c’est employer un nom pour un autre? «Les mots ne sont pas innocents. C’est en toute connaissance de cause que nous avons choisi de prendre ce vieux mot de «mécénat», dit M. Rigaud. «J’ai voulu éviter le terme «sponsor -ship» qui recouvre à la fois des activités de parrainage commercial et de mécénat les plus classiques. Le mécénat ne s’identifie pas au soutien commercial que Coca Cola ou Adidas, par exemple, peuvent accorder à des manifestations sportives ou autres. Ceux-là s’engagent dans des campagnes publicitaires, avec la certitude qu’ils vont augmenter leurs chiffres d’affaires. Alors que le mécénat ne peut pas avoir des retombées immédiates chiffrables. Bien sûr, l’entreprise est tenue à une obligation de résultats; elle doit prouver qu’elle agit en fonction de ses intérêts. Mais elle ne s’expose pas d’une manière voyante sur les affiches, les maillots, les voiles des bateaux etc. L’action de mécénat sera nécessairement plus discrète. Elle doit être connue certainement; elle jouera sur votre réputation, sur votre image mais par des procédés qui demandent beaucoup de temps et, par conséquent, beaucoup de patience. En bref, le sponsoring ou parrainage est un affichage. Le mécénat est une signature. Je crois que cela indique bien la différence entre les deux mots ...» M. Rigaud affirme que le mécénat a acquis droit de cité dans de nombreux pays. «Je suis très fier d’avoir introduit ce mot au Japon où ils ont créé une association du même type qu’ADMICAL: Kygio Mecenat Kiogika». Abordant la synergie culture-économie, le président de l’ADMICAL signale qu’«il ne faut pas se voiler la face. Quand j’achète un livre, quand je vais au cinéma, au théâtre, je suis sur un marché. Les galeries d’art sont là pour vendre des œuvres; elles ne sont pas là pour faire de l’angélisme. Même les églises ont besoin d’argent. Quand je veux servir une messe à la mémoire de mon père ou de ma mère, je dois payer. On ne dit pas pour autant que la religion est une marchandise. Les responsables culturels doivent même avoir un esprit d’entreprise, doivent savoir équilibrer un budget, engendrer des recettes. Ils ne vivent pas comme les oiseaux des champs en attendant les subventions. Mais la culture n’est pas uniquement un marché. Elle a une autre dimension. D’abord elle n’engendre pas des recettes égales aux dépenses. Pour prendre un exemple, il n’y a pas un opéra au monde qui soit rentable. Donc si vous n’avez pas des fonds publics ou des mécénats il n’y aura pas d’opéra. Par conséquent, la culture ne peut pas ignorer l’économie. Par ailleurs, la culture est génératrice d’emplois. Dans les pays qui ont un patrimoine, c’est la culture à travers le tourisme qui fournit la balance des comptes. Aux USA, les produits audiovisuels et le cinéma sont un des premiers postes de la balance des comptes américains. Devant cette réalité, l’Etat ne peut être indifférent à la culture. Je suis en train de parrainer à l’Union européenne à Bruxelles une étude sur les perspectives de la culture dans le secteur économique». De quoi donner aux valeurs de l’esprit plus de considération...
Droit, Institut d’études politiques de Paris, puis ENA: après un parcours académique parfait, Jacques Rigaud a passé vingt ans au Conseil d’Etat avant de devenir directeur du cabinet de Jacques Duhamel, ministre de l’Agriculture puis des Affaires culturelles dans les années soixante-dix. Ancien président de l’établissement public du musée d’Orsay (1981-1987), il est...