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Actualités - INTERVIEWS

Dans un réquisitoire sans complaisance contre la pratique du pouvoir Boutros : ce sont les mentalités qu'il faut changer L'échéance présidentielle ne sera importante que si les décideurs changent d'attitude à l'égard du Liban, déclare l'ancien ministre des AE

«C’est bien simple, le Liban est en train de perdre sa valeur morale, nationale et politique». C’est un réquisitoire sans complaisance que l’ancien ministre des Affaires étrangères Fouad Boutros a dressé contre la pratique du pouvoir au Liban, à l’expiration du second mandat du président Elias Hraoui. «Mettons la loi municipale de côté, a expliqué M. Boutros, qui s’exprimait dans le cadre d’un entretien radiodiffusé. Nous, Libanais, avons tendance à rejeter la responsabilité de toutes les défaillances sur la loi. Mais la véritable défaillance est dans la mentalité des Libanais, dans la manière d’élire les gouvernants, dans la baisse de la moralité en politique, dans l’habitude que les dirigeants ont prise de se faire assister d’ici ou de là, pour rester en place, dans le désir d’une certaine caste politique de s’enrichir à tout prix. Le problème est aussi dans l’absence de véritable entente entre les Libanais, et dans le dégoût dont fait preuve désormais le Libanais, à l’égard d’institutions qui ne méritent plus leur nom», a expliqué M. Boutros. «Je sais que les séquelles de la guerre et des considérations régionales limitent la liberté de mouvement du Liban et sa capacité de redressement (...) mais je reproche au régime actuel, et à la classe politique en général, de ne pas se rendre compte que, faute d’avancer, fut-ce à petits pas, nous piétinons sur place et même reculons dans certains domaines. Malgré tout, les dirigeants cherchent à persuader leurs partisans que le Liban progresse. Mais le Liban ne progresse pas du tout en ce qui concerne l’évolution de son système politique, la transparence et la lutte contre la corruption. Dans la Justice, la règle de la punition et de la récompense est perdue (...) En matière de corruption, nous avons commencé à tolérer tous les abus. Certes, le Liban n’a pas toujours été droiture et moralité, mais la corruption était l’exception. Aujourd’hui, c’est le contraire». Absence d’entente nationale «Ceux qui doutent de l’existence de l’entente nationale ne peuvent être blâmés, a poursuivi M. Boutros (...) Le Liban est un pays confessionnel qui, de plus, évolue vers les particularismes religieux. Tout progrès dans ce domaine doit partir de cette donnée de base. L’opinion publique est désorientée, elle constate que l’autorité politique, que la classe dirigeante, est prisonnière de lignes rouges infranchissables, et qu’il existe de nombreuses vérités que l’on n’ose même pas aborder. Mais il est des choses essentielles qui ne peuvent rester dans l’ombre. Le régime que nous pratiquons s’éloigne à grands pas de la démocratie, et nous voyons arriver le temps où il n’aura plus rien à voir avec les textes constitutionnels (...) tandis que le centre de décision, les Libanais en sont persuadés, est confisqué». Et d’ajouter: «Pour bâtir quelque chose au Liban, l’entente entre les communautés est indispensable. C’est pourquoi, quand une communauté se décide à établir des perspectives d’avenir pour le Liban, si ces perspectives ne s’insèrent pas dans des perspectives plus larges, c’est le résultat opposé que l’on obtient». Aide et domination «Un pays ne peut être gouverné sainement que par ses propres fils, a déclaré d’autre part l’ancien ministre des Affaires étrangères. Mais le drame du Liban a fait qu’il a eu besoin d’une aide extérieure, et de celle de ses frères en premier. Mais l’aide doit être apportée à la partie intéressée dans le cadre d’une entente, et non en la dominant. Je ne souhaite pas discuter des relations privilégiées qui assurent un minimum de coopération entre le Liban et la Syrie, mais une solution rapide à ce problème n’existe pas, car la classe dirigeante a pris l’habitude depuis Taëf, et c’est grave, de se démettre chaque jour davantage de son droit à décider». «Je suis sincèrement persuadé que le président Hariri souhaite la réalisation de l’entente nationale, a enchaîné M. Boutros, mais tout le monde sait que la chose dépasse les prérogatives d’un homme, et exige un dialogue sincère et franc avec les frères syriens. Je considère que la manière dont les relations privilégiées sont pratiquées a rendu le dialogue quasi inexistant, car celui qui mendie ne peut discuter d’égal à égal. Ce dossier doit être traité avec tact, car il faut convaincre la Syrie que l’intérêt bien compris des deux pays exige que l’on dépasse les obstacles et les susceptibilités, ainsi que des objectifs nationaux sains». Non qu’on puisse sortir du cadre de la solidarité avec la Syrie, comme rêvent de le faire certains. Pour M. Boutros, cette solidarité est «l’une des bases de l’entente nationale». Il s’agit même, là, d’un des points sur lesquels l’ancien ministre des A.E. se trouve d’accord avec le régime actuel. Au sujet de l’échéance présidentielle, M. Boutros a expliqué: «Positivement l’échéance ne peut être un événement décisif si les décideurs n’ont pas l’intention de modifier radicalement leur attitude à l’égard du Liban». Limiter les dégâts Au sujet des municipales de Beyrouth, M. Boutros a justifié son initiative en affirmant qu’il a agi dans l’intention exclusive de «limiter les dégâts», estimant que du point de vue de l’attitude des autorités «l’échéance municipale a été un progrès par rapport aux échéances qui l’ont précédée». M. Boutros a ajouté avoir exigé, et obtenu de M. Hariri, que nul parti, force ou courant politique actif au sein de la collectivité chrétienne ne soit écarté, et que ceux qui se sont mis en marge des consultations qu’il a entreprises l’ont fait de leur propre choix, et n’avaient pas mis en question son initiative, en tant que telle. «Je ne suis pas au début de ma carrière politique, et mon passé politique est là pour témoigner que je n’accepte d’être à la remorque de personne, ni en politique, ni autrement», a-t-il encore déclaré. En réponse à une question, M. Boutros a affirmé qu’il n’est pas question, pour lui, d’entrer au gouvernement, car sans une perspective d’action conforme à ses convictions, une telle participation ne fera qu’entamer sa crédibilité politique. Et de poursuivre en appelant les Libanais à ne pas perdre espoir, mais à avoir confiance en eux-mêmes et à œuvrer avec opiniâtreté pour l’entente intercommunautaire. «Autrement, le Liban perdrait sa raison d’être», a-t-il conclu.
«C’est bien simple, le Liban est en train de perdre sa valeur morale, nationale et politique». C’est un réquisitoire sans complaisance que l’ancien ministre des Affaires étrangères Fouad Boutros a dressé contre la pratique du pouvoir au Liban, à l’expiration du second mandat du président Elias Hraoui. «Mettons la loi municipale de côté, a expliqué M. Boutros, qui...