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Actualités - REPORTAGE

Au Hermel le pouvoir des tribus est érodé par les partis (photos)

La chaleur, le soleil et le vent chaud n’ont pas découragé les électeurs du Hermel à se présenter aux urnes. La majorité des habitants originaires du caza ont quitté cette région agricole, touchée par le chômage, pour travailler à Beyrouth ou pour rejoindre les rangs du Hezbollah au Liban-Sud. D’autres sont partis vers la Syrie, avant la création du Grand Liban. Ils se sont tous retrouvés hier, à partir de sept heures du matin, pour choisir leurs représentants au conseil municipal. Quand la plaine de la Békaa se rétrécit pour que les montagnes du Mont-Liban et de l’anti-Liban se rapprochent; quand les champs de blé et les pied de vignes se font rares et que le paysage se transforme en désert de pierres jaunes rougeâtres, chauffées par le soleil; quand il n’y a plus qu’un filet d’eau aux deux rives étroites mais verdoyantes, vous êtes bien devant l’Oronte, et vous vous dirigez vers la région la plus «éloignée» du Liban: le Hermel. Le caza, peuplé de tribus, est «délaissé par le gouvernement libanais». Depuis l’indépendance, les habitants sont unanimes: «Les hameaux ont survécu grâce aux champs de cannabis. Le bon vieux temps est bel et bien fini et le programme d’agriculture de substitution n’est jamais entré en vigueur». Durant plusieurs années , le caza a été privé de tout: électricité, eau, téléphone... Actuellement, l’état des routes témoigne encore de «l’absence des autorités»: seule une route est asphaltée, la route principale. Les autres, celles qui mènent aux petites maisons et aux terrains agricoles sont restées des chemins «traditionnels» de terre battue. Peu habité, le caza est divisé en deux municipalités. La municipalité du Hermel et celle de Kasr-Bissane. Les conseils municipaux ont été dissous depuis plusieurs années et les localités placées sous l’autorité directe du caïmacam. A Kasr-Pissane, le premier conseil municipal avait été nommé il y à 35 ans par les autorités. Il est formé de 15 membres dont 14 de Kasr, qui est située à 1,5 km de la frontière syrienne. Au village qui attend 4500 électeurs deux listes s’affrontent: l’une est soutenue par le Hezbollah, et l’autre par le parti Baas et le mouvement Amal. Un seul centre de vote a été prévu. Les 4500 électeurs de Kasr n’habitent pas tous la localité. Dans cette région, les frontières entre le Liban et la Syrie sont un peu floues. Les habitants, appartenant à des mêmes tribus, bénéficiant de la nationalité libanaise, vivent dans le village, à Beyrouth et sa banlieue, ou bien... dans des localités telles que Mouterba, Zeita, Soumakiate, en Syrie. La frontière est ouverte à tous, et les électeurs qui sortent des bus (en provenance de la Syrie) stationnés à la queue-leu-leu, déclarent qu’ils ont franchi les postes frontaliers sans aucun contrôle d’identité. M. Abbas Attaya «Abou Ali», chef de clan habitant à proximité de l’unique bureau de vote, soutient la liste du Hezbollah, «parce que le parti a fait beaucoup pour la région délaissée par le gouvernement libanais». Il souligne que le village de Kasr n’a pas d’eau. Ce sont les habitants eux-mêmes qui prennent l’initiative de creuser des puits artésiens. Le village n’a pas le téléphone: quelques habitants se sont procuré des lignes et les mettent au service de la communauté en élaborant un système de central téléphonique. Il explique le système tribal et marque la différence entre famille, clan et tribu: «Une famille est l’entité la moins importante, plusieurs familles forment un clan et plusieurs clans forment une tribu». Evoquant la présence de bus syriens, il note qu’ils «transportent des familles d’origine libanaise». Au 19e siècle, bien avant la création du Grand-Liban, des familles avaient quitté Kasr pour d’autres villages (en Syrie), et depuis elles n’ont pas changé de train de vie se déplaçant en faisant fi des frontières. Avec le recensement de 1932, ils obtiennent la nationalité libanaise. Il y a foule dans la petite école publique du village, seul centre de vote; le taux d’affluence à 11 heures a atteint les 30%. Les électeurs, qui se bousculent pour exercer leur droit de citoyen, sont arrivés en famille: maris, femmes et ribambelle d’enfants. Un électeur est venu de Fanar avec ses parents, sa femme et ses enfants pour voter: «Nous habitons le Mont-Liban depuis 30 ans mais nous venons au village quand il y a des funérailles ou des élections». La moitié des habitants ne vivent pas au village «car le gouvernement nous délaisse; ils nous ont interdit de planter du cannabis et il nous ont promis une agriculture de substitution mais en vain». Beaucoup d’électeurs déclarent avoir voté pour la liste du Baas. «Nous n’avons pas d’université, nos enfants vont en Syrie pour faire des études gratuites en médecine, en pharmacie....et ils restent au village pour aider les habitants», disent-ils. De l’argent pour aider les habitants... Dans la ville de Hermel, les 12400 électeurs doivent faire le choix entre deux listes et quelques candidats indépendants. Le Hezbollah présente une liste complète de 21 membres, la liste de «la fidélité au sang des martyrs du Hermel», tandis que le parti Baas, le PSNS et le mouvement Amal soutiennent une liste de 19 personnes, «la liste du développement du Hermel». Les électeurs se bousculent dans 26 bureaux de vote divisés sur huit centres. Le taux d’affluence a atteint, durant la journée d’hier, les 65%. Le ville de Hermel compte 35000 personnes, mais seul le tiers y habite. A l’entrée de la ville, «un bureau de transport» consacré à la liste du développement, accueille les chauffeurs des bus et des taxis. Chaque chauffeur après avoir accompagné une famille au bureau de vote, fait halte au «bureau de transport». Jaafar Assaf, un proche du candidat Hussein Assaf, consulte des listes d’électeurs, le chauffeur, lui, annonce le nom des personnes qu’il a accompagnées. Sous les yeux de tous, la personne en charge «de la caisse» tire des liasses de monnaie du tiroir: des billets de cent dollars et de cent mille livres libanaises. M. Jaafar Assaf, après avoir accompli sa tâche, déplore que le Hermel soit délaissé, affirmant que cet argent aidera les habitants. M. Nawar Sahili, candidat de la liste du Hezbollah, souligne qu’il habite entre Beyrouth et le Hermel. «Le Hermel est une ville qui possède la capacité d’un petit village sur le plan de l’infrastructure», dit-il. Il souligne que «la liste du Hezbollah est soutenue par toutes les familles». Fait étrange, les membres de la liste du développement affirment eux aussi être soutenus par les familles. Pourtant, la famille Chahine présente trois candidats: Ibrahim Chahine, qui appartient à la liste du Hezbollah, Mohammed Chahine, qui figure sur la liste du développement, tandis que Ismaël Chahine se présente en tant que candidat indépendant. Ismaël Chahine déclare avoir refusé de faire parti des listes car il ne veut «pas mener des batailles politiques. Les divers partis ont pensé aux batailles mais pas à leur programme, ce dont la localité a le plus besoin. Ils pensent uniquement à marquer leur leadership sur les électeurs chiites de la région». Quant à Mohammed Chahine, candidat soutenu par le mouvement Amal, il déclare qu’il «est naturel que le Baas, le PSNS, le mouvement Amal et les familles présentent une liste de coalition. Le Hezbollah est un parti nouvellement implanté dans la région , tandis que les autres sont des partis plus anciens». «Nous avons tenté en vain de former une liste de consensus , poursuit-il. Le Hermel est contre le féodalisme en général et le féodalisme religieux est le pire de tous». Ibrahim Chahine, cadre du Hezbollah qui se présente aux élections, note que sa liste «remportera la majorité des voix car le Hezbollah a œuvré pour le développement de la région, en aidant la population à se procurer des engrais à de bas prix et en créant des centres hospitaliers .Le gouvernement libanais ne s’est jamais soucié du Hermel. C’est le Hezbollah qui a pris la relève». Il souligne que «le Hermel a proclamé depuis longtemps son appartenance au Hezbollah. Depuis 1982, les fils de la localité paient de leur sang pour défendre le Sud Liban». Plusieurs électeurs affirment tout haut soutenir le Hezbollah et ajoutent que «sans les martyrs du Hermel qui sont tombés au Sud Liban, Israël serait arrivé jusqu’à la localité». En effet, plus de cinquante personnes, originaires du Hermel, sont mortes au Liban-Sud, d’où le nom de la liste «fidélité au sang des martyrs». Le cheikh Ali Taha, ancien député du Hezbollah, que nous avons rencontré dans un bureau de vote, déclare que «les élections du Hermel se présentent bien et se déroulent dans une atmosphère démocratique». M. Assem Kanso, député du Baas, qui déjeune en compagnie de touristes italiens dans un restaurant sur les rives de l’Oronte, souligne que «la semaine dernière une liste de consensus allait voir le jour. Nous étions parvenus à un accord entre les différents courants du Hermel, mais certaines parties nous ont mis des bâtons dans les roues et deux listes ont été formées». Il qualifie le Baalbeck-Hermel «de région sinistrée» déclarant que «plusieurs localités n’ont pas bénéficié d’un conseil municipal depuis les années 50». Regardant l’Oronte, il dénonce le fait que «l’une des plus belles régions du Liban soit délaissée. Seuls des projets fantômes lui ont été consacrés. Les autorités ont interdit la plantation de cannabis en promettant une agriculture de substitution. Ce programme n’a jamais vu le jour». Il souligne qu’il se tient «à égale distance de tous les candidats au conseil municipal du Hermel. L’important c’est qu’ils soient des experts œuvrant pour le bien de la localité», affirme-t-il. Spéculant sur les résultats, il déclare qu’à Kasr-Bissane, «c’est la liste du Baas qui remportera les élections». Pour la municipalité du Hermel, la bataille est de loin plus serrée.
La chaleur, le soleil et le vent chaud n’ont pas découragé les électeurs du Hermel à se présenter aux urnes. La majorité des habitants originaires du caza ont quitté cette région agricole, touchée par le chômage, pour travailler à Beyrouth ou pour rejoindre les rangs du Hezbollah au Liban-Sud. D’autres sont partis vers la Syrie, avant la création du Grand Liban. Ils se...