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Actualités - CONFERENCES INTERNATIONALES

Clôture du colloque international à l'école sociale de l'USJ Jean Ducruet : les municipalités, un champ exceptionnel d'action sociale

L’Ecole libanaise de formation sociale à l’Université Saint-Joseph a clôturé le samedi 6 juin le colloque international sur le thème: «Travail social et société», organisé sous le patronage du ministre des Affaires sociales, M . Ayoub Hmayed, à l’occasion du cinquantenaire de l’Ecole. Des chercheurs et acteurs sociaux de neuf pays arabes, européens et américains (Liban, Syrie, Egypte, Maroc, Palestine, France, Belgique, Argentine, Canada) y ont participé. Au cours de la cérémonie de célébration du cinquantenaire, sous le patronage de Mme Mona Hraoui, des médailles ont été décernées à cinquante pionnières du travail social depuis 1948 et un film documentaire a été présenté sur l’historique de l’Ecole. Le père Jean Ducruet, recteur émérite de l’Université Saint-Joseph, a clôturé le colloque par une conférence de synthèse où il a présenté les grandes idées-forces des interventions et des débats et les perspectives d’avenir. «Un progrès stupide, dit-il, veut qu’un train marche électroniquement et sans conducteur, supprimant ainsi la relations humaine et le social alors qu’on cherche ailleurs à en créer». Sur le non-développement et les inégalités régionales, il affirme: «Etes vous sûrs que nous vivons dans le même pays?» Il qualifie la citoyenneté de «lien de proximité qui donne envie aux gens d’être citoyens». Sur la reconnaissance mutuelle: «Si vous ne voulez pas de différences, faites du clonage». Sur la construction nationale: «Il peut y avoir pire qu’une nation sans Etat, c’est un Etat sans nation». Nous publions, ci-après des extraits de la conférence de synthèse du P. Ducruet: Insertion, accompagnement et médiation L’intervention des travailleurs sociaux suppose que quelque chose ne marche pas. Le travailleur social entend socialiser de l’asocial, que ce comportement asocial soit celui d’un individu ou d’une communauté: il est agent de socialisation. Parmi les mots-chefs, au plan de l’analyse de nos situations sociales, je retiendrai le mot d’exclusion; au plan des démarches à entreprendre, le mot d’insertion; au plan des modalités du travail social, d’accompagnement et de médiation. Le terme exclusion désigne un processus de dégradation des rapports sociaux. C’est dans ces processus qu’intervient le travailleur social pour l’atténuer, le neutraliser ou l’inverser. Lorsque la rupture du lien social n’est plus le fait de quelques individus, mais celui de toute la population d’un quartier, il s’agit de réfléchir aux normes de fonctionnement d’une société qui exclut. Le travail salarié joue actuellement un rôle de premier plan dans l’intégration de l’homme à la société. Il favorise l’apprentissage des comportements et des règles nécessaires à la société; il permet de faire l’expérience conjointe de ces deux formes contradictoires de rapports aux autres que sont la collaboration et la concurrence. Refaire la ville Nous interroger sur nos raisons de vivre ensemble, sans remettre nécessairement en cause le rôle central du travail salarié, n’est-ce pas effectivement l’interrogation à laquelle conduit toute réflexion sur l’exclusion, quel que soit le domaine de l’exclusion! Les politiques et actions d’insertion ou de réinsertion concernent aussi bien les handicapés, les émigrés, les toxicomanes ou les détenus libérés. Politiques et actions pour l’insertion ont d’abord entendu développer «l’employabilité» des demandeurs d’emploi, leur aptitude à répondre aux exigences du marché; tel est notamment l’objectif des stages de formation professionnelle. Se développent alors les politiques sociales des quartiers: ensemble, refaire la ville! L’accompagnement concerne les handicapés physiques et mentaux, les personnes déplacées, les chômeurs en quête d’emploi, les familles monoparentales, les délinquants, les détenus, les sans-logis, les toxicomanes, les malades atteints du sida ou les vieillards dépendants. L’accompagnement, c’est d’abord un rapport interpersonnel, de nature différente de la tutelle et du suivi social; celui qui accompagne n’est ni devant, ni derrière: cela ne permettrait pas l’échange; L’accompagnement social implique fréquemment des démarches de médiation dans une société de plus en plus complexe qui souffre de carence d’expression et de ruptures de communication. La médiation n’est ni une négociation, ni un arbitrage; elle est une démarche accomplie par un tiers entre des personnes, des groupes ou des institutions qui y consentent, y participent et gardent leur autonomie de décision. La médiation ne se limite pas à la gestion étroite des conflits; elle s’inscrit dans une promotion des rapports sociaux. Cette tâche exige l’intelligence des liens possibles. Trois exemples et volonté de s’ancrer Au niveau national, que de situations pourraient être analysées en termes d’exclusion! La recherche-action sur l’intégration ou la réintégration des populations déplacées portait sur trois îlots judicieusement choisis, dotés tous trois de travailleurs sociaux de qualité: Bayssour, village rural à 12 km de Saïda; Raml el Ali, quartier de Bourj-Brajné, près de l’aéroport de Beyrouth; et Aïn-Biacout, localité en banlieue nord-est de Beyrouth. A Bayssour la population analyse ses difficultés en terme de précarité de logement et d’emploi; ses craintes, en terme d’isolement dans la région. A Raml el Ali, la population a mis l’accent sur la solution des problèmes quotidiens. A Aïn Biacout, la population appréhende son retour dans son milieu d’origine, la considérant comme un nouveau déplacement qui lui fait perdre les avantages de service qu’ils avaient mis longtemps à instaurer. Quel que soit le milieu, la volonté de s’y ancrer est évidente; de même qu’est évidente la volonté de réorganiser le village ou le quartier, de rétablir des liens rompus. Communauté de voisinage et citoyenneté La reconstitution des municipalités nous ouvre aujourd’hui un champ exceptionnel d’action sociale. la participation massive et libre, attendue depuis 35 ans, a une immense importance. Au niveau des municipalités beaucoup de conscientisation, beaucoup de travail social peut se réaliser. C’est à ce niveau que s’acquiert le sens civique, le sens de la responsabilité, de la participation. La municipalité est l’école de la citoyenneté. L’Ecole sociale doit être attentive à ce champ d’action. L’exclusion des régions périphériques du Liban du développement national avait été stigmatisée par la mission IRFED en 1960. Etes-vous sûrs que nos vivons dans le même pays! Faut-il évoquer les territoires du sud qui demain seront libérés de l’occupation! Leurs habitants cesseront-ils d’être exclus? Trois dimensioons indissociables Le travail social a trois dimensions indissociables: individuelle, communautaire, et nationale là où s’affirme la solidarité humaine dans l’altérité. Faut-il rappeler aussi qu’il ne peut y avoir une politique sociale indépendante d’une politique économique et chargée d’en réparer les erreurs. Un Fond social n’a pas à être créé au Liban pour réparer les effets d’une politique fiscale aberrante. C’est cette politique qu’il faut corriger. La société civile est réseau de professions organisées, d’associations aux activités coordonnées, de centres sociaux sortis de leur isolement. Seule une société civile de ce type peut dialoguer avec l’Etat ou même le faire émerger. Parler de niveau national, c’est répéter la question que nous posait Hannah Arondt: «Quelles sont nos raisons de vivre ensemble?.
L’Ecole libanaise de formation sociale à l’Université Saint-Joseph a clôturé le samedi 6 juin le colloque international sur le thème: «Travail social et société», organisé sous le patronage du ministre des Affaires sociales, M . Ayoub Hmayed, à l’occasion du cinquantenaire de l’Ecole. Des chercheurs et acteurs sociaux de neuf pays arabes, européens et américains...