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Actualités - REPORTAGE

A Tyr, Amal et le Hezbollah s'affrontent par haut-parleurs interposés (photos)

A Tyr, dans l’une des plus vieilles villes du monde, deux courants qui ont vu le jour avec la guerre s’affrontent: le mouvement Amal et le Hezbollah. Hier, 22.000 électeurs inscrits, formés en majorité de chiites, de 3.500 sunnites et de 5.500 chrétiens, dont 1.200 arméniens, devaient se présenter aux urnes pour choisir 21 membres du Conseil municipal, parmi une cinquantaine de candidats, appartenant pour la plupart à deux listes opposées: la liste du Développement municipal (complète) parrainée par le mouvement Amal et la liste de la Fidélité, qui présente 15 candidats et qui est soutenue par le Hezbollah et le club culturel de Tyr (communistes). Quelques candidats indépendants, dont le Dr Hazem el-Khalil, se présentent également aux élections. Afin de sauvegarder l’équilibre communautaire de la ville, classée patrimoine international, il faut que six chrétiens siègent au conseil municipal. La liste du Développement municipal présente 21 candidats, dont quatre candidats sunnites et quatre chrétiens, tandis que la liste de la Fidélité présente 15 candidats, dont deux sunnites et deux chrétiens. Plus de 40 bureaux de vote ont été placés dans une dizaine de centres, à travers les neuf quartiers de Tyr, qui diffèrent par leur atmosphère et leur taux d’affluence, selon les communautés qui les habitent. Dans les bureaux de vote consacrés à la majorité musulmane de la ville, le taux d’affluence a atteint à 11 heures les 30%. Les bureaux consacrés aux femmes sont situés, peut-être par manque de place, dans des centres différents de ceux consacrés aux hommes. La participation est tellement élevée au quartier Husseinié, que les forces de l’ordre ouvrent le portail de l’école publique, transformée en centre électoral, toutes les cinq minutes pour permettre aux électrices en majorité voilées d’entrer en petits groupes. Les convois du mouvement Amal et du Hezbollah se font la guerre à coups de haut-parleurs. Les harangues fusent de véhicules à drapeaux jaunes et d’autres qui portent des drapeaux vert et rouge. Vente à la criée: un délégué invite, à pleins poumons, les électeurs: «Votez pour le Hezbollah, votez pour la Résistance», tandis qu’un autre plaide la cause du mouvement Amal: «Votez pour Amal, votez pour les élèves de l’imam Sadr». Au balcon d’une maison du quartier de Husseinié, les portraits d’un candidat figurant sur la liste du Hezbollah, M. Chaouki Mohammed Safieddine, trônent avec celui du leader sidonien Moustapha Saad. Renseignements pris: «Le Hezbollah c’est le parti des pauvres, et Moustapha Saad soutient les démunis». L’ancien ambassadeur Khalil Khazem el-Khalil reçoit ses amis assis à la terrasse de sa maison au bord de la mer. Il déclare soutenir «dix-huit candidats sans pour autant avoir participé (lui-même ou les membres de sa famille) à la formation des listes», notant que «le conseil municipal d’une ville ne doit pas être le lot de partis politiques. Il faut qu’il soit au service des habitants et non pas appartenir à un parti». Soulignant «tenir à préserver l’équilibre communautaire de Tyr», il précise: «Nous avons œuvré pour que toutes les communautés soient représentées au conseil municipal. Il fallait au moins parvenir à un consensus au niveau des candidats chrétiens, afin qu’il n’y ait pas de concurrence entre eux. Les deux listes devaient donc présenter les mêmes six candidats chrétiens pour garantir leur élection. Nous ne sommes pas parvenus à notre but». A la question de savoir si les chrétiens seront représentés équitablement au conseil municipal, M. el-Khalil déclare qu’il «faut attendre les résultats des élections» et souligne que «les électeurs ont recours au panachage» et que «rares sont les listes complètes qui sont glissées dans les urnes». Il dénonce la violation de certaines lois. «Ce matin-même, dit-il, des délégués de candidats indépendants ont été chassés des bureaux de vote sous prétexte qu’il y avait foule». M. el-Khalil souligne en conclusion que «la ville classée patrimoine international par l’UNESCO a besoin d’un conseil municipal cultivé qui sied à la grandeur de son histoire et à l’ambition de ses habitants. Pour le moment, ce sont les partis politiques qui ont pris le dessus». Le Dr Hazem el-Khalil, candidat indépendant aux élections, souligne que «les habitants de Tyr ont besoin de divers services, notamment sur le plan hospitalier et éducatif. C’est dans ce cadre que le conseil municipal peut jouer un rôle important». Il explique que certains candidats, comme lui, n’ont pas voulu rejoindre l’une des deux listes parce que «nous n’appartenons pas à des partis politiques». Croisé dans un bureau de vote, M. Ali Khalil, député du Sud, qui soutient la liste parrainée par le mouvement Amal, souligne que «les élections se déroulent dans une atmosphère démocratique». Il déclare «tenir à ce que le conseil municipal de la ville respecte l’équilibre communautaire». Il invite, «pour cette raison, les électeurs à ne pas recourir au panachage». Hajjé Alia Zayat fait sa tournée des bureaux de vote. L’une des rares candidates de Tyr, elle figure sur la liste soutenue par le Hezbollah. Septuagénaire, foulard blanc et lunettes, elle est actuellement la présidente «de la Ligue (féminine) des mères de Tyr». Sage-femme à la retraite, elle a aidé «durant quarante ans, le trois-quart des femmes du Sud à accoucher». Elle a obtenu son diplôme de sage-femme à Jérusalem «bien avant 1948», souligne-t-elle. Elle s’est présentée aux élections pour prouver que «la femme est l’égale de l’homme». Comme une ruche La permanence électorale du Hezbollah est semblable à une ruche. Les divers candidats, après leur tournée des bureaux de vote, viennent se reposer et donner leur avis sur le déroulement des élections. Une dizaine de jeunes hommes, cellulaires collés à chaque oreille, donnent des instructions à leurs correspondants. Le porte-parole de la liste, M. Nazih Shoughary, souligne que «la Résistance est beaucoup plus puissante que le mouvement Amal qui exerce des pressions sur ses propres candidats et électeurs». M. Abdallah Kassir, député du Hezbollah, déclare que «les personnes qui figurent sur la liste soutenue par la Résistance sont proches du Hezbollah sans en faire partie». Il note que «si la liste de la Fidélité est incomplète, c’est pour laisser la chance à la population de choisir, droit élémentaire. De plus, les habitants de Tyr refusent a priori tout ce qui leur est imposé». Estimant que l’équilibre communautaire sera préservé, il souligne: «Nous avons laissé six sièges vacants. Les électeurs devraient choisir deux chrétiens, deux sunnites et deux chiites». Il note que la liste de son parti est appuyée par «la CGTL (Yasser Nehmé), par la famille de l’ancien ministre Mohammed Safieddine dont le fils figure sur la liste de la Fidélité, les familles de Tyr ainsi que les candidats indépendants et les communistes qui présentent quatre candidats». Il ajoute que «les élections municipales de Tyr ont prouvé que les habitants du Sud, qui résistent héroïquement à l’occupation, sont capables également de mener des élections démocratiques dans une atmosphère calme». M. Ali Khreiss, député du mouvement Amal, très affairé à répondre au téléphone, reçoit ses partisans dans son bureau transformé en quartier général de la liste du Développement municipal. Il souligne que les amis de la liste parrainée par le mouvement Amal «ne vont pas recourir au panachage parce que nous tenons à avoir un conseil municipal homogène». «Nous avons, poursuit-il, formé une liste qui ne présente pas des candidats appartenant à notre parti». Sûr de la réussite de la liste qu’il soutient, il note que «les 21 candidats qui y figurent seront tous élus car les habitants de Tyr nous appuient». Evoquant les programmes à réaliser, il déclare qu’ils «formeront la continuité des projets entamés en 1984, quand M. Berry était ministre des Affaires du Sud. C’est à partir de cette année-là que le développement a été amorcé dans la ville». Dans le quartier chrétien de Tyr, on est tout de suite frappé par le calme des rues. Ni harangues, ni convois. Seules quelques banderoles soutiennent les quatre moukhtars (un maronite, un grec-orthodoxe et deux grecs-catholiques) des quartiers chrétiens, tandis que des portraits des candidats (appartenant à la communauté) se présentant au conseil municipal sont collés aux murs des maisons. Les bureaux de vote sont situés, pour la plupart, dans l’arrière-cour des églises et des évêchés. A 14 heures, le taux d’affluence des bureaux de vote consacrés aux maronites s’élève à 13%, celui des grecs-orthodoxes à 11%. Seuls, quelques bureaux de vote consacrés aux grecs-catholiques, la plus importante communauté chrétienne de la ville, affichent un taux de participation de 25%. Notons que sur les 5.500 chrétiens inscrits à Tyr, seuls 1.500 habitent encore la ville. Les autres sont partis depuis bien longtemps. Des délégués racontent que beaucoup d’électeurs ont fait le trajet Beyrouth-Tyr pour participer aux élections. Comme les autres communautés de la ville, ils affichent leur appartenance religieuse: la majorité de la minorité chrétienne de Tyr porte de petites croix au cou. Dans les bureaux de vote chrétiens, des candidats aux postes de moukhtars et leurs délégués mènent «la bataille électorale des moukhtars». A la question de savoir s’ils estiment que les candidats (chrétiens) au conseil municipal seront élus, certains hochent la tête en signe de négation, d’autres regardent le ciel en soupirant «Inchallah». M. Boulos Antoine Khaïrallah, candidat au poste de moukhtar, note que «si les listes sont panachées, l’espoir est faible, presque inexistant». Une électrice dans un bureau presque désert déclare qu’elle a fait le trajet Beyrouth-Tyr pour élire un moukhtar. Elle ne votera pas pour le conseil municipal. La communauté chrétienne de Tyr, dont la présence s’est étiolée durant les quinze années de guerre, s’est contentée de mener la bataille électorale des moukhtars, en laissant le soin à d’autres de former un conseil municipal.
A Tyr, dans l’une des plus vieilles villes du monde, deux courants qui ont vu le jour avec la guerre s’affrontent: le mouvement Amal et le Hezbollah. Hier, 22.000 électeurs inscrits, formés en majorité de chiites, de 3.500 sunnites et de 5.500 chrétiens, dont 1.200 arméniens, devaient se présenter aux urnes pour choisir 21 membres du Conseil municipal, parmi une cinquantaine...