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Actualités - REPORTAGE

L'Union Européenne agacée par l'obstructionnisme de Netanyahu Les israéliens sur la défensive à Palerme (photos)

Palerme a finalement permis de sauver ce qui avait été gâché à Malte. La réunion interministérielle «informelle» euro-méditerranéenne, tenue dans la métropole sicilienne, se termine plus ou moins à la satisfaction de toutes les délégations, à l’exception de la délégation israélienne. Inversement, la très officielle conférence de La Vallette, en avril 1997, avait été conclue dans la débandade arabe et marquée par un succès de prestige de l’Etat hébreu, qui avait bénéficié de ce qu’on ne peut qualifier autrement que de la collusion des très israélophiles Pays-Bas, qui assuraient alors la présidence européenne. Palerme a même permis de déblayer en grande partie la voie à la prochaine conférence officielle ministérielle euro-méditerranéenne prévue en avril 1999 à Sttutgart, en Allemagne. Le résultat obtenu ici est dû en grande partie à l’habileté et au pragmatisme — bien britannique — du président de la conférence, Robin Cook, qui veille actuellement aux destinées de l’Union européenne. Il est la conséquence aussi de l’intransigeance, de l’obstructionnisme de la politique de Netanyahu. La plupart des délégations européennes n’ont pas caché leur agacement à l’égard de ce dernier. Même les Anglais et les Allemands, entièrement alignés dans leur politique étrangère sur les Etats-Unis et beaucoup moins favorables aux Arabes en général que les Français, les Italiens, les Espagnols et les Grecs, ont manifesté une certaine réprobation en raison des obstacles suscités par le premier ministre israélien. Si bien que le délégué israélien, le directeur général du ministère des Affaires étrangères, Eytan Benzur, s’est trouvé souvent sur la défensive au cours des débats. Au demeurant, c’est probablement parce que Tel-Aviv savait qu’il se trouverait dans une situation inconfortable à Palerme qu’il s’était fait représenter à un niveau aussi modeste, alors que les délégués des 26 autres participants avaient tous rang de ministres. Les délégués arabes, et en particulier M. Farès Boueiz qui intervenait en sa double qualité de représentant du Liban et de «coordonnateur» du groupe arabe, ont réussi à établir qu’on ne pouvait plus continuer à vouloir dissocier, comme les Israéliens s’emploient à le faire, le processus de Barcelone du blocage de processus de paix. Certes, les Européens n’ont pas cessé d’établir une distinction entre les deux mécanismes. Mais ils admettent nommément, maintenant, leur interaction, tout en insistant cependant sur le fait qu’il ne faut pas arrêter le train lancé à Barcelone en raison de l’agonie du processus de Madrid. Or, c’était là précisément un des objectifs, qui n’est certes qu’un minimum, que les Arabes entendaient atteindre. Pour une paix juste et globale Cela ressort clairement de la déclaration finale (écrite) dont Robin Cook a donné lecture au cours de la conférence de presse conjointe tenue conjointement avec Manuel Marin, vice-président de la Commission européenne, Lamberto Dini, ministre italien des Affaires étrangères, Farès Boueiz et Luciano Orlando, maire de Palerme. Le quatrième paragraphe de cette déclaration précise en effet: «Nous avons eu une discussion exhaustive de la relation entre le partenariat euro-méditerranéen et d’autres initiatives prises dans l’intérêt de la paix, de la stabilité et du développement dans la région, en particulier au Moyen-Orient. La Déclaration de Barcelone stipulait clairement que ces processus devaient être considérés comme complémentaires. Cela, et le soutien que Barcelone peut donner au processus de paix, ont été reconnus par tous. Nous nous en sommes tous tenus à l’engagement que nous avions pris à Barcelone d’appuyer la réalisation d’un règlement de paix juste, globale et durable au Moyen-Orient, basé sur une application fidèle des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité et des principes énoncés à la conférence de la paix à Madrid, y compris le principe de la paix contre la terre». A Malte, les Arabes s’étaient battus, mais sans succès, pendant quarante-huit heures pour obtenir une telle formulation dans le communiqué final. Il est vrai, qu’ici, la conférence est informelle, et la déclaration lue par M. Cook n’est donc ni une résolution, ni un communiqué, mais plutôt un «résumé» des discussions, comme l’ont précisé aussi bien le chef du Foreign Office que M. Boueiz. La déclaration est un «résumé honnête», a dit M. Cook et est faite «sous ma propre responsabilité». Le ministre anglais a souligné en préambule que Palerme devait servir à donner un nouvel élan au processus de Barcelone et à préparer le terrain à la prochaine conférence officielle de Stuttgart. Nous avons eu, a-t-il poursuivi, une discussion exhaustive, ouverte et constructive au sujet des trois chapitres (politique et sécurité, économie, affaires sociales, culturelles et humaines) et réaffirmé notre engagement à l’égard du partenariat auquel tous les membres continuent d’attacher la plus haute importance. Et d’ajouter que «les discussions à Palerme ont reflété l’inquiétude croissante exprimée à Malte au sujet des obstacles qui bloquent le processus de paix, et en particulier la non-application des dispositions de l’accord intérimaire israélo-palestinien. Les participants ont mis l’accent sur le fait (...) qu’une action intensive était requise sur les trois voies de négociation, la syrienne, la libanaise aussi bien que la palestinienne. Plusieurs des participants ont fait référence aux déclarations adoptées par l’Union européenne à Amsterdam et au Luxembourg (...) et réclamé un rôle accru de l’Union européenne (...) Nous avons noté (...) la nécessité de développer une compréhension commune des facteurs» susceptibles de contribuer à l’avènement de la Charte de la paix et de stabilité prévue à Barcelone. Les dangers, que le «terrorisme» fait courir aux objectifs du processus de paix, ont été reconnus ainsi que la nécessité d’intensifier les opérations de nature à prévenir de tels actes. Les objectifs économiques fixés à Barcelone ont été réaffirmés. Les participants ont reconnu que «l’établissement d’une zone de libre-échange en 2010 dépendait des accords bilatéraux entre l’Union européenne et chacun des Etats membres du partenariat». (On sait que le Liban, dont la quasi-totalité des rentrées fiscales proviennent des droits douaniers, n’est pas prêt pour un tel accord, mais poursuit ses négociations à ce sujet). Une certaine souplesse sur les modalités de la mise en œuvre des mesures économiques transitoires devant mener à la zone de libre-échange a été reconnue y comme étant indispensable. Tout comme a été admise l’importance du rôle des investissements et des programmes d’aide MEDA dans le cadre du partenariat. Il a été convenu également que le problème des dettes accumulées devait faire l’objet de discussions spéciales. «En conclusion, a dit M. Cook, je peux dire que nous avons eu une rencontre très utile et constructive (...) et jeté les bases de la troisième conférence ministérielle de Stuttgart, dont nous voulons tous faire un succès». En réponse aux questions des journalistes, M. Cook s’est montré plutôt réservé au sujet du projet franco-égyptien de conférence internationale pour relancer le processus de paix. Si une telle conférence peut réussir, nous lui souhaitons plein succès, a-t-il dit, mais nos efforts dans l’immédiat visent à faire aboutir l’initiative des Etats-Unis, d’autant que d’autres initiatives pourraient faire «diversion». En tout cas, il faut sonder les Etats-Unis à ce sujet. Au sujet du terrorisme en Algérie, il a rappelé que l’Europe faisait tout pour encourager le dialogue dans ce pays et mettre fin à la violence qui y sévit. A la question de savoir si les délégations de tous les pays approuvaient sa déclaration, le chef du Foreign Office a répondu qu’il avait fait un résumé de la conférence, soulignant que toutes les délégations avaient pu exprimer leur avis. Au sujet de l’admission de la Libye dans le cadre du partenariat, il a fait valoir qu’elle était subordonnée à la livraison par ce pays des deux personnes soupçonnées d’avoir provoqué l’attentat de Lockerbie et qui devront être jugées. Quand cela sera fait, nous serons ravis d’accueillir la Libye, a-t-il indiqué. Enfin, le ministre anglais a soutenu que l’Europe s’employait à obtenir l’ouverture de l’aéroport palestinien de Gaza dont elle a financé la construction et qui demeure fermé par décision israélienne. Répondant à son tour aux journalistes, Farès Boueiz a expliqué qu’il considérait la déclaration de Cook comme une «moyenne», reflétant les positions adoptées au cours de la conférence. C’est un résumé qui contient tous les points de vue, et en particulier confirme les engagements pris à Barcelone, qui découlaient eux-mêmes des principes posés à Madrid. En d’autres termes, la déclaration sur ce point va dans le sens du point de vue arabe, sur la nécessité de paix totale, globale et juste sur base des résolutions de l’ONU. Concernant le problème du «terrorisme et des droits de l’homme», il a fait valoir qu’il ne fallait pas le soulever pour faire pression sur certains pays. Ce qu’a dit Cook sur le Moyen-Orient est clair. Il faut revenir au respect des engagements pris à Madrid et à Barcelone. Pour ce qui est de la Libye, elle fait partie géographiquement et historiquement de la Méditerranée, mais certains pays européens continuent de s’opposer à son adhésion au partenariat en raison de l’affaire de Lockerbie, alors que les Etats arabes estiment que l’arrêt rendu par la Cour internationale de justice a blanchi la Libye dans cette affaire. Ici, M. Boueiz a fait remarquer que, «pourtant, d’autres pays (allusion à Israël) ne respectent pas les décisions de justice». Le chef de la diplomatie libanaise a souligné qu’Israël entrave le processus de paix et veut imposer sa propre interprétation des résolutions de l’ONU, ce qui a même découragé les Etats-Unis. Dans le cadre du partenariat, a-t-il dit, on ne peut aborder certains problèmes en les isolant du processus de paix et alors même que les territoires du Liban et de la Syrie demeurent occupés par l’Etat hébreu. En raison du blocage du processus de paix, a-t-il poursuivi, l’Europe doit jouer un rôle plus important, tout en ne se substituant pas aux Etats-Unis. A Madrid, a-t-il rappelé, un mécanisme avait été adopté pour l’avènement de la paix: «Nous continuons à y adhérer, alors que le gouvernement israélien revient sur ses engagements et sur sa signature». A l’issue de la conférence, M. Boueiz a déclaré qu’il était satisfait des résultats de Palerme. Elle a permis de renouer le dialogue et de préparer la rencontre de Stuttgart, malgré le climat général de pessimisme engendré par le blocage du processus de paix. Certes, a-t-il fait valoir, l’Europe a réaffirmé ses positions, mais les Arabes l’ont fait aussi et cette conférence a permis de réaliser à quel point les Israéliens font obstruction au processus de paix. «Nous considérons que l’Union européenne peut faire beaucoup pour aider, en accord avec les Etats-Unis, le processus de paix à redémarrer, mais il lui revient bien sûr de définir la nature de son action sur ce plan. En tout cas, les Arabes ont introduit à Palerme tous les thèmes qui leur tiennent a cœur». Il reste évidemment à unifier les conceptions du groupe arabe et de parler avec l’Union européenne au sujet du volet de la sécurité et de la paix prévu par Barcelone. Les mois qui nous séparent de la conférence de Stuttgart devront servir à ce travail de coordination. Cela ne sera évidemment pas facile et il faut comprendre que les résultats de Palerme restent très relatifs. En particulier, comment pourra-t-on parler à Stuttgart de paix et de stabilité, alors qu’Israël détient un arsenal nucléaire et que d’autres pays du Moyen-Orient, comme l’Iran, pourraient aussi en acquérir. La question des armes nucléaires détenues par Israël avait déjà été soulevée mercredi soir par M. Boueiz au cours du dîner qui avait groupé autour d’une table ovale tous les chefs de délégation. La mer Méditerranée est devenue un bassin nucléaire, avait-il dit. Il s’était également insurgé contre le fait que l’Etat hébreu continue à vouloir tout seul tout le temps arrêter des plans approuvés par la communauté internationale. Une seule voix peut-elle tout bloquer au monde?, a-t-il demandé à ses collègues au cours du dîner. Israël refuse tout rôle à l’Union européenne, rejette les principes de Madrid auxquels il avait pourtant souscrits et ne veut même plus aujourd’hui du rôle des Etats-Unis. Il avait encore fait valoir qu’il était impossible de supprimer le lien entre Barcelone et Madrid. Le délégué israélien avait répondu en rejetant les accusations de M. Boueiz, mais il n’avait pas démenti la détention par Israël d’armes nucléaires. Bien qu’agacés par la position israélienne, les Européens vont s’abstenir cependant de prendre la moindre position avant d’avoir consulté les Américains. C’est ce que M. Robin Cook était censé faire dès hier à Genève au cours de sa rencontre avec le secrétaire d’Etat américain Madeleine Albright. L’entretien est censé être consacré aux problèmes de l’armement nucléaire indien et pakistanais, mais il est probable que M. Cook soulèvera également les questions abordées à Palerme. Dans une déclaration à la presse à l’issue de la conférence, le ministre français des Affaires étrangères, M. Hubert Védrine, s’était déclaré lui aussi satisfait des résultats de Palerme. Le partenariat euro-méditerranéen, avait-il dit, est un projet excessivement important, une idée considérable, et il ne faut en aucun cas l’arrêter. La conférence de Palerme a permis de le remettre sur les rails. Il y a bien sûr interaction entre Barcelone et Madrid, mais il ne faut pas arrêter Barcelone à cause du blocage de Madrid. Enfin, M. Jack Poos, ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, a indiqué, en réponse à une question, qu’au cours des discussions aucun délégué arabe n’avait demandé aux Européens de prendre des sanctions contre Israël.
Palerme a finalement permis de sauver ce qui avait été gâché à Malte. La réunion interministérielle «informelle» euro-méditerranéenne, tenue dans la métropole sicilienne, se termine plus ou moins à la satisfaction de toutes les délégations, à l’exception de la délégation israélienne. Inversement, la très officielle conférence de La Vallette, en avril 1997, avait...