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Actualités - ANALYSE

Une obsession et un prétendu tabou: le panachage

C’est la quadrature du cercle: comment empêcher les électeurs de panacher. Non pas seulement par souci de préserver, noble sentiment, les équilibres et les quotas confessionnels au nom de la sacro-sainte cœxistence, mais aussi pour empêcher les trouble-fêtes de percer la tout aussi sacro-sainte liste officielle baptisée consensuelle. Et qui est une occasion pour certains recalés de la politique de se refaire une notabilité… Ainsi on affirme vouloir pour Beyrouth un conseil municipal assurant la participation de toutes les composantes en tant que symbole de l’unité nationale et de l’entente. Les grands mots, les grands principes pour une instance qui n’a rien dans le fond ni de politique ni de national. Mais qui est certainement une plate-forme d’influence, par les affaires très concrètes qu’elle est appelée à traiter et qui, en dehors des modestes questions touchant au bien-être de la population comme l’éclairage, le gardiennage ou la voirie (d’ailleurs privatisée comme on sait), est potentiellement maîtresse de projets, de contrats importants. Et l’on comprend dès lors pourquoi on dit communément d’un responsable qu’il est «aux affaires»… C’est donc le «melting pot» le mélange des genres et c’est pour dénoncer ce détournement de sens qu’une liste de contestation s’est constituée. Pour recevoir aussitôt l’appui chaleureux de divers politiciens! On n’y échappe donc pas. Et à ce compte, la formation concoctée par MM. Rafic Hariri, Tammam Salam et Fouad Boutros semble offrir quelques qualités, sinon quelques vertus: présence des communautés, des partis, des mouvements au nom d’une cohabitation apaisée. On trouve ainsi les Kataëb, et même les F.L. aux côtés du Hezbollah ou d’Amal, assortiment éminemment politique qui vole la vedette — et personne ne s’en étonne — aux technocrates ou même aux membres de divers organismes économiques qui seraient là tout à fait à leur place, puisqu’il s’agit, redisons-le, de gestion urbaine avant tout. On politise donc à tout prix les municipales sans crainte des risques que cela comporte, à preuve que le panachage devient un péril sérieux alors qu’il n’en aurait rien été si la compétition était simplement administrative. Le conseil de Damas Quoi qu’il en soit, et bien que chaque cas soit totalement différent, les partisans de la coalition officielle à Beyrouth affirment que l’un des buts, tout à fait louable du reste, est de faciliter de la sorte ou de consolider une entente Amal-Hezbollah s’étendant au Sud et épargnant à cette région sensible de rudes secousses électorales. Et la semaine suivante, ajoutent-ils, il deviendrait également plus facile d’organiser les choses de la même manière dans la Békaa. Ces mêmes sources soutiennent que Damas ne veut de confrontations ni dans la région frontalière ni dans la plaine et qu’il encourage dès lors fortement le président Rafic Hariri, mais surtout le président Nabih Berry, à s’entendre avec le Hezbollah. On notera en passant, détail sur lequel on ne se penche pas volontiers d’ordinaire, que la communauté chiite a une forte présence électorale dans quatre sites principaux: deux d’origine si on peut dire, le Sud et la Békaa; et deux d’une installation assez récente (le premier flux remontant aux années soixante) dans la Banlieue-Sud comme à l’intérieur de la capitale. D’où un mouvement sans doute très important de transfert d’état civil, car il ne fait aucun doute que, dans ce pays, personne ne peut voter dans deux endroits différents. Pour en revenir à l’actualité et au Sud, le Hezbollah veut bien s’entendre avec Amal mais à condition qu’on n’interdise pas l’accès des conseils municipaux à des éléments appartenant à des partis, comme M. Hariri avait voulu le faire à Beyrouth. Le Hezbollah souhaite également qu’une large concertation avec les structures des localités, les familles ou les clans, intervienne pour la formation des listes, afin d’éviter les parachutages d’édiles qui ne seraient pas vraiment enracinés dans les villages. Il semble en tout cas que M. Berry soit tout disposé à confirmer son entente avec le Hezbollah qui s’est montré redoutablement bien organisé sur le plan électoral dans la Banlieue-Sud et qui pourrait dès lors, en cas de bataille, l’emporter au Sud sur Amal. Quant à la capitale, les pro-Syriens affirment que les décideurs sont à cent pour cent pour un conseil municipal confessionnellement équilibré et réprouvent dès lors tout panachage. Un conseil judicieux, que toutes les parties reprennent en chœur. Reste à savoir ce qu’en pense l’électeur…
C’est la quadrature du cercle: comment empêcher les électeurs de panacher. Non pas seulement par souci de préserver, noble sentiment, les équilibres et les quotas confessionnels au nom de la sacro-sainte cœxistence, mais aussi pour empêcher les trouble-fêtes de percer la tout aussi sacro-sainte liste officielle baptisée consensuelle. Et qui est une occasion pour certains...