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Actualités - DISCOURS

Le texte intégral du discours à la Résidence des Pins Chirac : après la paix globale, les syriens se retireront du Liban Le président français appelle les jeunes à préserver la tradition de tolérance, de respect de l'autre et d'ouverture (photo)

Au cours de la réception qu’il a offerte à l’occasion de la réouverture de la Résidence des Pins, le président Jacques Chirac a prononcé devant les hauts responsables officiels, en tête desquels se trouvait le chef de l’Etat Elias Hraoui, un important discours qui a retenu l’attention des milieux politiques locaux. Le président français a en effet dressé un tableau exhaustif de la position de la France concernant les principaux problèmes qui se posent au Liban. Après avoir évoqué succinctement les principales étapes qui ont marqué les relations privilégiées entre la France et le Liban, le chef de l’Etat français a souligné la nécessité d’une application inconditionnelle de la résolution 425, précisant qu’après la réalisation d’une paix globale et le rétablissement de l’autorité de l’Etat par le biais des FSI et de l’armée libanaise, «les forces syriennes pourront se retirer» du territoire libanais. Le président Chirac a lancé un vibrant appel aux jeunes Libanais, les invitant à rester fidèles à la tradition de tolérance et d’ouverture qui caractérise le Liban. Le chef de l’Etat français a mis l’accent sur la vocation francophone du Liban «qui constitue, pour la francophonie, la porte d’entrée vers toute la région». Notons que le président Chirac a tenu à rendre un hommage marqué à feu l’ambassadeur de France au Liban Louis Delamare, assassiné en 1981 à quelques mètres de l’entrée de la Résidence des Pins, ainsi qu’au général Gouttière et à Michel Seurat, le premier également assassiné à Beyrouth durant la guerre et le second mort de maladie pendant sa détention en otage. Nous produisons ci-dessous le texte intégral du discours du président français: «Il y a un peu plus de deux ans, je recevais ici les Français du Liban et des personnalités libanaises amies de la France. Je les recevais dans ce parc magnifique, autour d’une Résidence en plein travaux. Aujourd’hui, c’est avec une grande joie que je vous accueille, avec mon épouse et en présence de M. Védrine, ministre des Affaires étrangères, dans cette Résidence des Pins qui redevient ce soir la Résidence de France. Je remercie toutes les hautes personnalités présentes, civiles, militaires et religieuses. Je salue nos amis libanais, qui nous font la joie de leur présence. Je souhaite également la bienvenue à tous mes compatriotes du Liban qui sont, je le sais, émus, comme je le suis moi-même, de se retrouver ici dans ce qui est depuis si longtemps, au Liban, la maison de la France, des Français et de tous les Libanais. Cette troisième visite en deux ans est celle de l’amitié, de la confiance, et de la fidélité. Une fidélité qu’évoque avec tant de force cette Résidence des Pins qui a joué un si grand rôle dans notre longue histoire faite de passion mais aussi parfois de confrontations. Cette Résidence des Pins qui appartient à notre mémoire. Et c’est d’ici que le général de Gaulle adressa, le 14 août 1941, un message à la France libre. Je le cite: «Notre force et notre grandeur consistent uniquement dans l’intransigeance en ce qui concerne les droits de la France. Nous en avons besoin jusqu’au Rhin inclusivement». C’est ici qu’est né le Liban moderne. A la fin de la Première Guerre mondiale, lorsqu’on envisagea l’avenir de ce qui avait été l’Empire ottoman, la France se fit l’avocat d’un grand Liban uni, puissant, moderne et en paix. C’est ici que le général Gouraud, alors Haut Commissaire, proclama le 1er septembre 1920, devant toutes les hautes personnalités libanaises, le Liban tel qu’il est aujourd’hui. C’est ici que naquirent l’Etat libanais et ses institutions. La Résidence des Pins se trouva d’emblée au cœur de la relation entre nos deux pays. C’est à cette époque que séjourna pour la première fois, à Beyrouth, un jeune officier affecté aux Forces françaises du Levant: Charles de Gaulle. Après la période du mandat, à partir de l’indépendance, la Résidence des Pins devint celle de nos ambassadeurs, où tous les Libanais savaient pouvoir se rencontrer. Puis, ce furent les journées noires de 1975, l’embrasement et le terrible déchirement du Liban et, pour le peuple libanais, ces longues et cruelles années d’épreuves que partagèrent aussi mes compatriotes demeurés ici pour servir la France et maintenir, coûte que coûte, le lien précieux entre nos deux pays». Hommage à Louis Delamare «Ce soir, je rends hommage aux fonctionnaires, aux militaires français, qui ont fait, dans leur mission, pour la France, pour notre relation, pour le Liban et pour la paix de son peuple, le sacrifice de leur vie. Je salue nos ambassadeurs qui continuèrent, dans un contexte toujours plus lourd, dans les épreuves toujours plus difficiles, de faire briller la flamme de notre amitié. Et j’ai une pensée particulière pour notre ambassadeur, Louis Delamare. Je pense également au général Gouttière, attaché de défense. Leurs lâches assassinats hantent nos mémoires. Je ne peux oublier aussi la mort tragique de Michel Seurat, chercheur de renom, qui voua sa vie à l’amitié franco-arabe. Et puis, il y eut ce jour de 1982, ce jour de tristesse où la violence des bombardements ne nous laissa d’autre choix que de quitter la Résidence des Pins, d’amener nos couleurs mais en nous jurant, le cœur serré, d’y revenir un jour. Ce soir, sont présents à mes côtés trois Français, un policier, un gendarme, un officier parachutiste alors sergent, qui ont vécu des heures difficiles et qui témoignent de l’engagement de leurs camarades. Nos hommes, qui servirent avec courage, et dont beaucoup furent tués ou blessés en s’efforçant de maintenir la présence de la France ici, dans cette maison devenue rapidement la cible de tous les combats. Le 14 juillet 1990, c’est à la Résidence des Pins que, pour la première fois depuis de longues années, les Libanais de toutes confessions et de toutes origines se retrouvèrent avec émotion, franchissant la séparation qui divisait encore Beyrouth. La Résidence des Pins rejouait son rôle au service de tous les Libanais. Enfin, après tant d’années de luttes fratricides, la paix revint. On commença à reconstruire Beyrouth martyre. Bientôt, la France décida de relever la Résidence des Pins gravement endommagée. Décision que je confirmais dès mon élection à la présidence de la République française. Sa renaissance symbolise la paix et la vie retrouvées, avec le soutien indéfectible de la France». Des progrès spectaculaires «Oui, la France se tient à vos côtés. Elle partage vos efforts. La reconstruction est un long chemin, difficile. Dans ce chemin, vous pouvez compter sur notre amitié. J’ai confiance. Nous connaissions déjà l’énergie, le talent, le goût et la volonté de réussir du peuple libanais. Et les progrès du Liban sont spectaculaires. En parcourant aujourd’hui le centre de Beyrouth, j’ai mesuré combien les choses ont changé depuis ma dernière visite. C’est une nouvelle ville qui voit le jour. Partout, de nouveaux chantiers. Partout, de nouveaux projets. Partout, la vie, les échanges, l’activité reviennent. Et j’ai pensé à la force pacifique des Libanais, à leur force créatrice, à leur volonté de ne plus penser qu’à l’avenir et à ses promesses. J’ai pensé à Beyrouth, «mille fois morte, mille fois revécue», comme l’a si bien écrit Nadia Tuéni. Et j’ai pensé à notre amitié, à l’engagement de la France, et notamment à son soutien, depuis trois ans, à vos grands programmes de reconstruction. Ensemble, nous réhabilitons les infrastructures, nous amenons l’eau qui rend vie, nous bâtissons de grands équipements. C’est toute la France qui s’est engagée et qui continuera de le faire, avec les moyens nouveaux de l’Agence Française de Développement, à travers aussi ses protocoles financiers. C’est toute la France qui veut vous aider à rebâtir ce Liban uni, ce Liban rassemblé, ce Liban réconcilié, ce Liban fort, libre, pleinement souverain que nous aimons et que nous voulons. C’est toute la France qui veut vous aider à bâtir une société donnant à chacun les mêmes chances dans la vie. Je pense en particulier à tous ceux qui ont souffert de la guerre, aux déplacés et aux plus démunis. Cette dimension sociale est une dimension essentielle de la reconstruction. Après un démarrage réussi, il faut saisir cette chance de construire une société nouvelle, juste, solidaire, meilleure. Les Libanais ont cette volonté. Je salue ce soir tous ceux qui ont créé et qui animent tant de projets privés, et souvent bénévoles, dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la santé. C’est toute la France qui veut vous aider à poursuivre la reconstruction de votre Etat. Un Etat d’autant plus respecté qu’il se met au service des citoyens, de leur liberté, de leur dignité. Un Etat doté d’institutions solides, garantes de l’indépendance, de la stabilité et de la solidarité du pays. C’est pourquoi nous sommes à vos côtés pour moderniser les grands services publics. C’est pourquoi nous sommes à vos côtés pour consolider l’Etat de droit et renforcer, chaque fois que nécessaire, la démocratie et les libertés publiques auxquelles, nous, Libanais et Français, sommes profondément attachés. Là encore, je mesure le chemin parcouru depuis ma dernière visite au Liban. Des élections législatives se sont déroulées. La volonté des Libanais d’être plus étroitement associés à la vie publique s’exprime en ce moment même à l’occasion des élections municipales, les premières depuis 35 ans. Demain, des milliers d’élus locaux feront vivre et respirer la démocratie. Président d’un pays où, depuis plus d’un siècle, les municipalités forment le socle de la vie publique, je sais quelles responsabilités reposeront sur les épaules des nouveaux élus. Je leur souhaite beaucoup de succès dans leur mandat. Et parce que la démocratie locale est l’école du civisme et de la responsabilité, ces élections sont une chance pour le Liban, pour son avenir démocratique, pour sa jeunesse, pour l’apprentissage de l’art toujours difficile de vivre ensemble». Paix et développement «Le Liban redevient cette terre de tolérance et de convivialité qu’il était avant la guerre. Une terre de paix. La paix qui est ici le maître-mot, qui est la première préoccupation des Libanais. La paix, c’est le sens de l’histoire. C’est l’intérêt de tous. Elle finira par l’emporter. Car sans paix, il ne peut y avoir de développement, ni de sécurité, pour personne dans la région. Sans paix, le risque de la violence et du terrorisme demeure. Ce soir, le Sud de votre pays et une partie de la Békaa sont toujours occupés. Tous les jours, des combats se déroulent sur votre territoire, et des innocents meurent, malgré le Groupe de Surveillance dont la France a proposé la création après la tragédie de Cana, en avril 1996. Malgré aussi la FINUL, et notamment sa composante française, qui accomplit, au Liban, au nom de la communauté des nations, un travail remarquable. Nous savons bien que la condition de la paix et de la sécurité au Liban, c’est que toute la région, jusqu’au Golfe, retrouve la stabilité. La France ne cesse de plaider pour le respect du droit, pour le respect des engagements, pour la justice. Le président Hosni Moubarak et moi-même venons de lancer à Paris un appel solennel à la relance du processus de paix, avec l’idée d’exploiter toutes les initiatives, d’explorer toutes les perspectives, de ne laisser perdre aucune chance. La France et l’Europe, en liaison avec les Etats-Unis, continueront d’être les militants inlassables de la paix. Il s’agit aujourd’hui d’enrayer l’enchaînement délétère des provocations, des abandons, du désespoir. Il s’agit d’entretenir la flamme allumée à Madrid et de faire en sorte qu’elle ne s’éteigne pas. Nous ne nous résignons pas à la mort annoncée du processus de paix! Je sais la crainte de beaucoup d’entre vous qu’une paix élaborée ailleurs décide du sort de votre pays et lui interdise de recouvrer sa pleine souveraineté. Toute paix à laquelle les Libanais n’auraient pas pleinement adhéré serait naturellement une mauvaise paix, une paix fragile. S’agissant du Liban et de la Syrie, ma conviction est que la paix ne peut être fondée que sur un accord global. Israël doit se retirer du Liban conformément à la résolution 425 et sans condition. Quant à la Syrie, elle est en droit de se voir restituer le plateau du Golan. En retour, Israël, comme tous les Etats de la région, a droit à sa sécurité pleine et entière. Le Liban a droit à sa pleine indépendance, à sa sécurité et à sa souveraineté recouvrée sur l’ensemble de son territoire. Ici même, à Beyrouth, en 1942, au cœur de la tourmente et des efforts pour la reconquête de notre pays, le général de Gaulle saluait l’indépendance du Liban, évoquant les «nobles mais dures obligations de la liberté et de la souveraineté». «La liberté d’une nation, disait-il, tout comme celle d’un homme, est un bien précieux mais coûteux, qui ne s’obtient et ne se garde que par une grande et continuelle dépense de courage et de sagesse. Du moins, le Liban peut-il compter sur l’appui résolu de la France pour organiser et faire vivre son indépendance». L’engagement d’hier nous lie à jamais. Et la France est disposée, si les parties concernées le lui demandent, à participer, avec d’autres, à la garantie de vos frontières. A mon sens, l’armée libanaise, comme les forces de sécurité intérieure, devront être, lorsqu’interviendra le retrait israélien dans le cadre d’une paix globale, les seuls garants de l’autorité de l’Etat sur tout votre territoire. Ce sera là un défi formidable pour votre pays. J’ai la conviction que cette nouvelle situation permettra alors aux forces syriennes, une fois la paix pleinement rétablie, de se retirer». Francophonie et patrimoine libanais Mais au-delà de la France, le Liban peut compter sur toute notre famille francophone. Une famille qui s’affirme comme un nouvel acteur, un acteur à part entière des relations internationales, un promoteur de la paix, de la liberté, de la libre détermination des peuples dans le monde. La francophonie fait partie du patrimoine libanais. Elle n’a cessé d’être maintenue en dépit des épreuves. La francophonie est un atout formidable. Pour le Liban et pour la société libanaise, c’est appartenir à un espace de solidarité fort de 52 pays et rassemblant 500 millions d’hommes et de femmes. C’est l’opportunité, pour les Libanais, de faire rayonner davantage encore cette grande culture arabe qui est la leur. Pour la francophonie, pour ses membres, le Liban, c’est la porte d’entrée vers toute la région. Et le Liban multiplie les projets francophones. Il y a deux ans, nous avons lancé notre projet d’une Ecole Supérieure des Affaires à Beyrouth. J’ai pu la visiter aujourd’hui car, là aussi, les choses sont allées très vite. Nous relançons notre coopération universitaire et scientifique, à travers notamment notre partenariat avec plusieurs universités libanaises de grand renom. Avec aussi l’ouverture, en octobre dernier, du lycée de Nabatieh Habbouche. Enfin, Beyrouth s’affirme comme une grande capitale francophone. En mars dernier, elle accueillait les journalistes arabes francophones, en avril, les recteurs et présidents des universités francophones. Aujourd’hui, ce sont les maires de l’AIMF qui tiennent à Beyrouth leur assemblée générale. Surtout Beyrouth accueillera en 2001 le premier sommet francophone du troisième millénaire, notre premier sommet aussi dans un pays arabe. Mais c’est d’abord sur lui-même que compte le Liban. C’est en lui, c’est en sa jeunesse, qu’il trouve les forces de l’avenir. A cette jeunesse, je voudrais dire une nouvelle fois mon amitié et ma confiance. Jeunes Libanais, vous qui êtres la relève, vous qui portez l’avenir, vous qui incarnez l’espoir du Liban, soyez fidèles à sa tradition de tolérance, de respect de l’autre et d’ouverture! Faites vivre chez vous ces valeurs, cette idée de l’homme auxquelles le Liban et la France sont attachées! Dans votre travail, autour de vous, dans votre désir de réussir, gardez toujours à l’esprit et faites vivre les idéaux de liberté, de solidarité, de justice, de fraternité, de patrie aussi, qui sont le sel de l’humanité. Avec l’enthousiasme, le cœur, la solidarité de la jeunesse, avec votre soif de réussir et de gagner, avec cette belle confiance que l’on a toujours à votre âge, demandez-vous chaque jour ce que vous pouvez faire pour votre pays et pour son avenir. Participez à la construction d’un Etat moderne, garant de vos aspirations! Engagez-vous dans la vie publique! Et n’oubliez jamais que la France vous aime et aimera toujours le Liban, l’un des plus beaux pays du monde. L’un des plus émouvants aussi. Vive le Liban! Vive la France!»
Au cours de la réception qu’il a offerte à l’occasion de la réouverture de la Résidence des Pins, le président Jacques Chirac a prononcé devant les hauts responsables officiels, en tête desquels se trouvait le chef de l’Etat Elias Hraoui, un important discours qui a retenu l’attention des milieux politiques locaux. Le président français a en effet dressé un tableau...