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Actualités - REPORTAGE

Akkar : biffage et panachage à grande échelle(photo)

Le biffage et le panachage à grande échelle ont marqué le scrutin à Kobeiyate. Les électeurs dans cette localité, qui se trouve à 10 km seulement de la frontière libano-syrienne, semblent déterminés, cette fois-ci, à faire entendre leurs voix en formant chacun sa propre liste. Halte aux listes fermées ou préfabriquées. On s’attendait à un scrutin fortement politisé, marqué par un bras de fer entre les deux pôles politiques de la localité , Fawzi Hobeiche et Mikhaël Daher. Il n’en fut rien ou presque. La bataille électorale a pris un caractère politique pour les cercles très proches des deux ténors de la localité. Le besoin de changement et de développement a pris le dessus chez le citoyen ordinaire. Et pour cause... Depuis 1964, Kobeiyate souffre d’un dysfonctionnement de sa municipalité. A partir de cette date, elle a été rattachée au caza de Halba, son président par intérim, Tannous Daher, est décédé moins de six mois après sa désignation. Il avait été nommé à la tête de la municipalité à la suite d’un recours en invalidation du scrutin de 1963 dans cette localité. Son développement, Kobeiyate le doit à des initiatives privées. Elle n’a pratiquement pas bénéficié de prestations de la part de sa municipalité. Dès les premières heures de la journée, l’afflux de la population vers les bureaux de vote a été abondant. Vers midi, certains observateurs ont estimé le taux de participation à plus de 70%. 8854 électeurs doivent élire 18 membres au conseil municipal et sept moukhtars. Deux listes fermées s’affrontent. L’une, présidée par Sabri Abdo, est appuyée par l’ancien ministre et ancien député Mikhaël Daher et l’autre, conduite par Abdo Makhoul Abdo, est soutenue par le ministre de la Culture et de l’Enseignement supérieur, M. Fawzi Hobeiche. Une pléthore de 15 candidats indépendants est en lice parmi lesquels deux font valoir leur appartenance aux Verts. Il s’agit du Dr Antoine Daher et de Bernadette Iskandar. Divisions au sein des familles Les partisans de ces deux candidats ont distribué des listes sur lesquelles étaient inscrits tous les noms des candidats par ordre alphabétique. Ils souhaitent que les fils de Kobeiyate forment en toute liberté les listes de leurs choix. Elie Z., 40 ans, critique avec virulence les deux listes fermées qui s’affrontent. Il parle d’usurpation de la volonté de l’électorat et d’acte autoritaire de la part des deux pôles d’influence de la localité. «Daher et Hobeiche ont trop fait monter les enchères. Ils le paieront chers. L’enjeu de la bataille des municipales n’est pas politique pour nous. La nature et les dimensions du scrutin municipal sont différentes de celles des Législatives. En 96 et 97, j’ai bien pris parti aux côtés de l’un des deux, mais pas aujourd’hui», dit-il. «A présent, ils ont divisé les familles». Une accusation bien grave pour les deux ténors de Kobeiyate qui œuvrent, pour reprendre leurs propres termes, en vue de faire parvenir au conseil municipal une équipe, homogène et efficace, capable d’assurer un développement soutenu de la localité. En fait, comme l’a souligné plus d’un électeur de la localité, les deux redoutables protagonistes s’affrontent par listes interposées conduites par des membres de la famille Abdo. Cette famille, assure-t-on dans la localité, est le plus grand électeur. Les fils de Kobeiyate n’ayant pas la gâchette facile, cet état de fait n’a pas eu de retombées graves sur le terrain. A part une échauffourée qui a opposé deux frères de la famille Abdo, appartenant chacun à un camp différent, au bureau de vote dit de Zouk, aucun incident majeur n’a perturbé l’ordre dans la localité. Maurice Abdallah, candidat indépendant, affirme que les deux protagonistes ont non seulement divisé les familles mais ont fait avorter systématiquement tous les efforts visant à former une liste de coalition. «Par leurs manœuvres, ils ont également torpillé la proclamation d’une troisième liste», dit-il. «Dès que le noyau de cette liste a été constitué, les deux hommes ont entrepris de polariser ses membres». Même son de cloche du côté de Joseph Mikhaël, candidat malheureux aux Législatives de 96 et pourtant allié aujourd’hui du ministre Fawzi Hobeiche. Il parle, cependant, en termes vagues faisant valoir «certaines contraintes du moment» pour justifier le fait qu’il n’ait pas formé une troisième liste. Au sujet de son alliance avec M. Fawzi Hobeiche, son adversaire au scrutin de 96, Joseph Mikhaël affirme que l’ancien ministre Mikhaël Daher a posé «des conditions rédhibitoires» rendant toute alliance avec lui quasiment impossible. «M. Daher fait aujourd’hui cavalier seul», dit-il. «L’alliance avec Jospeh Mikhaël est importante. Il peut avoir un apport de quatre cents voix», souligne Ramez, 24 ans, délégué de la liste conduite par Abdo Abdo. Daher batailleur Batailleur, l’ancien député et ancien ministre Mikhaël Daher a, dès le début de la bataille électorale, fait monter les enchères en annonçant la formation de la liste de «la décision libre de Kobeiyate» conduite par Sabri Abdo à partir de sa résidence à Kobeiyate. Il ne craint pas de faire cavalier seul. «L’expérience de la partielle de 97 au Akkar n’a pas été mauvaise. Alors que le pouvoir et l’argent étaient au service de mon adversaire, j’ai réussi à obtenir 42000 voix dans la circonscription du Liban-Nord », souligne-t-il. Et de poursuivre: «Les fils de Kobeiyate ne m’ont pas déçu». En fait, il avait battu dans cette localité son adversaire, le 29 juin dernier. Est-ce une bataille-revanche que vous livrez aujourd’hui à M. Hobeiche par liste interposée? «Les habitants sont encore tendus, ils n’ont pas encore oublié les batailles féroces des scrutins de 96 et 97 qui ont fait date dans l’histoire du Liban. Aujourd’hui, c’est une intifada qu’ils mènent pour récupérer leur droit à une décision autonome», affirme l’ancien ministre. M. Daher se dit toutefois satisfait du déroulement du scrutin. Il se félicite des mesures de sécurité adoptées dans la localité et des arrangements administratifs mis en œuvre pour le bon déroulement de l’opération électorale. A part la présence d’agents de l’ordre dans l’un des bureaux de vote de Kobeiyate, il n’a pas relevé d’infractions majeures aux règlements. «Les possibilités de fraude et de triches sont moindres pendant les municipales. La circonscription électorale est différente de celle adoptée lors des Législatives. Aujourd’hui, le dépouillement se fait sur place et le vote se passe entre quatre yeux», dit-il. Tout comme M. Daher, le ministre Fawzi Hobeiche reconnaît que l’ombre des batailles électorales de 96 et 97 pèse sur le scrutin municipal d’aujourd’hui affirmant d’ailleurs que «ce scrutin n’est que le pendant des deux précédents». Il ne manque pas d’autre part de critiquer avec véhémence M. Daher qui parle de «terrorisme intellectuel». «Rendre public des pointages n’est pas une question de terrorisme intellectuel», rétorque-t-il. Le ministre de la Culture et de l’Enseignement supérieur tient à préciser enfin que «la bataille municipale à Kobeiyate n’est pas une bataille entre loyalistes et opposants». « Dire qu’on fait partie du camp de l’opposition pourrait vous faire gagner la complaisance des électeurs de Kobeiyate qui se sentent délaissés par le gouvernement», dit, railleur, un électeur répondant au nom de Nizar. Pas de références politiques «Il faut que les membres élus au conseil municipal de Kobeiyate se détachent des animosités politiques», déclare Roy, un scrutateur. «Sinon, le prochain conseil municipal sera paralysé par leurs références politiques», dit-il. Nabih, venu de Beyrouth pour le week-end, regrette la paralysie de la municipalité pendant plus de trente ans. Il se félicite des réalisations du Conseil de l’environnement, une ONG opérant au Akkar, qui a installé une tour de contrôle des incendies et des citernes pour lutter contre le feu pendant les saisons d’été. «Nous attendons l’élection d’un conseil municipal pour conclure un accord de jumelage entre Kobeiyate et l’Ecole nationale des forêts en France», souligne-t-il. Pourvu que le conseil municipal élu soit à la mesure cette fois-ci des ambitions des fils de Kobeiyate qui souhaitent faire de leur localité le fleuron du caza du Akkar.
Le biffage et le panachage à grande échelle ont marqué le scrutin à Kobeiyate. Les électeurs dans cette localité, qui se trouve à 10 km seulement de la frontière libano-syrienne, semblent déterminés, cette fois-ci, à faire entendre leurs voix en formant chacun sa propre liste. Halte aux listes fermées ou préfabriquées. On s’attendait à un scrutin fortement politisé,...