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Actualités - CHRONOLOGIE

Les médias russes tiraillés entre l'Etat et les barons de l'économie

Les médias russes sont devenus le champ de bataille privilégié des décideurs du pays, qu’ils appartiennent à l’Etat ou à des groupes financiers, plus de dix ans après la levée de la censure soviétique. Si la liberté de parole est désormais incontestable en Russie, les médias doivent désormais compter avec les humeurs de leurs propriétaires dont ils ne peuvent se passer, faute d’autres sources de financement. A l’image de cette situation paradoxale, la déclaration du président russe qui ouvrait le 47e Congrès de l’Institut de la presse internationale (IPI) à Moscou: en même temps qu’il se félicitait de la «liberté acquise», Boris Eltsine a accusé «les propriétaires de certains médias de se comporter en censeurs (...) et de priver le citoyen de son droit à l’information». Ces influents hommes d’affaires, qui détiennent pratiquement tous les médias nationaux, «décident chaque jour de ce qui doit être dit» dans la presse, a souligné Vladimir Ryjkov, vice-président de la Douma (Chambre basse). Les financiers utilisent les médias comme une «arme inestimable» contre leur ennemi et comme un «jouet» pour promouvoir leurs intérêts, résume Sergueï Fiodorov, directeur d’une importante société éditrice de Samara (Volga). Le puissant groupe Onexim dirigé par Vladimir Potanine, un proche d’Anatoli Tchoubaïs, peut être dans le même temps vanté à outrance par les journalistes d’une chaîne et attaqué violemment par une autre chaîne contrôlée par un adversaire, selon M. Ryjkov. Les groupes financiers estiment qu’ils ont le droit de «contrôler totalement des médias comme durant l’ère soviétique», regrette Vsevolod Bogdanov, président du syndicat des journalistes russes, pour qui «les mentalités doivent absolument changer» si la Russie veut se doter d’une presse à l’occidentale. Poule aux œufs d’or Les puissants financiers n’ont pas compris qu’ils avaient dans leurs mains «une poule aux œufs d’or qui pourrait engranger des bénéfices énormes s’ils s’en servaient comme un organe libre» qui plaira plus aux lecteurs, ajoute M. Bogdanov. Les médias ne souffrent pas seulement de la mainmise des groupes financiers mais aussi du contrôle traditionnel de l’Etat, ont déploré les dirigeants des médias, lors de ce Congrès qui a attiré le gratin de la politique et des finances russes. Le directeur de la télévision privée NTV, Oleg Dobrodeïev, énumère ainsi des menaces de fermeture de sa chaîne après le premier reportage sur la guerre dans la République indépendantiste tchétchène, ou la suspension du programme «Koukli» (marionnettes), une émission satirique dans laquelle Boris Eltsine est régulièrement ridiculisé. A ORT, la première chaîne, la situation est encore plus compliquée. Avec 51% d’actions, l’Etat y est maître. Pourtant, depuis sa création en 1995, ORT n’a pas reçu un kopeck du gouvernement. Du coup la chaîne doit vivre comme une «structure commerciale», tout en subissant les pressions de l’Etat, une situation «absurde», explique exaspérée la directrice d’ORT Xenia Ponomareva. Au moindre écart, la chaîne est «menacée de perdre ses locaux» attribués par le gouvernement. A deux ans de l’élection présidentielle, la directrice d’ORT craint, comme ses collègues indépendants, une intensification des tentatives de l’Etat pour limiter le droit à l’information. (AFP)
Les médias russes sont devenus le champ de bataille privilégié des décideurs du pays, qu’ils appartiennent à l’Etat ou à des groupes financiers, plus de dix ans après la levée de la censure soviétique. Si la liberté de parole est désormais incontestable en Russie, les médias doivent désormais compter avec les humeurs de leurs propriétaires dont ils ne peuvent se...