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Actualités - ANALYSE

Le scrutin au Mont-Liban Schémas simplistes et calculs de boutiquiers

Alors, qui a gagné, l’opposition ou le pouvoir? Depuis l’annonce des résultats officieux des élections municipales au Mont-Liban, chacune des deux parties y va de son bilan, exhibant des comptes de boutiquier, pour tenter de se présenter en vainqueur. Mais, justement, l’affrontement démocratique de dimanche dernier a-t-il opposé seulement deux parties et peut-on réellement axer l’analyse des résultats sur le clivage traditionnel opposition-pouvoir? Dans la banlieue-sud par exemple, est-ce l’opposition qui a remporté la victoire? Et, dans ce cas, comment expliquer les tentatives du Hezbollah de nouer une alliance électorale avec les partisans du président du Conseil et plus particulièrement avec le ministre Bassem el-Sabeh, avant que ceux-ci ne préfèrent s’entendre avec Amal? En vérité, la situation est moins simple: pour le Hezbollah, le président de la Chambre, M. Nabih Berry, est l’ennemi à combattre et c’est donc contre lui qu’il a remporté sa victoire, non contre l’ensemble du pouvoir. De même, c’est M. Berry qui a perdu dans la banlieue-sud, non tout le pouvoir dont certains pôles n’étaient d’ailleurs pas trop mécontents des résultats. A Jounieh, on ne peut certes pas parler d’une victoire de l’opposition, puisque la liste gagnante est appuyée par un ministre, Boueiz en l’occurrence. Mais les habitants de la capitale du Kesrouan ont voté contre une ingérence — supposée ou réelle — du président du Conseil, M. Rafic Hariri, dans leurs affaires. C’est un vote contre lui, et non contre le pouvoir. Par contre, au Metn, le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, a remporté une victoire personnelle, s’imposant comme un leader incontournable dans la région, et non le pouvoir dans son ensemble. De même, l’opposition qui a réussi dans ces localités de nombreuses percées au niveau des membres des conseils municipaux est loin d’être un ensemble harmonieux et cohérent. Elle s’est d’ailleurs souvent laissée aller à des querelles intestines au Metn, à Jbeil et ailleurs. Les clivages traditionnels dépassés A Deir el-Kamar, entre les deux listes concurrentes, laquelle était celle du pouvoir ? Les habitants de cette localité riante ont voté pour Dory Chamoun, par fidélité à cette famille qui a beaucoup donné à Deir el-Kamar et au Liban en général, et non sur la base des clivages politiques. D’autant que la liste appuyée par Naji Boustany affichait-elle aussi des idées «opposantes». Dans l’Iqlim el-Kharroub, les sunnites n’ont pas voté en faveur de la Jamaa islamiya et du président du Conseil, mais contre l’hégémonie joumblattiste exercée depuis les années de guerre sur leur région. De même, à Jbeil, qui est avec l’opposition et qui est avec le pouvoir? Il est pratiquement impossible d’analyser la situation dans ce caza, sur la base de ce clivage traditionnel. Au Metn-Sud, des membres du courant dit de l’opposition ont remporté des victoires individuelles, mais on ne peut pas vraiment dire que c’est leur programme politique qui a emporté l’adhésion des électeurs. D’autant que celui-ci n’est pas le même pour tous. D’ailleurs, dans ces localités et dans les autres, l’opposition a été souvent contrainte à des alliances peu conformes aux principes qu’elle affiche, notamment avec le courant du ministre Elie Hobeika. Enfin, dans la montagne druze, c’est Walid Joumblatt qui a été plébiscité, non en tant que ministre et pôle du pouvoir, mais plutôt en sa qualité personnelle de leader de la région. On pourrait développer longtemps encore ce thème, tant les exemples abondent et tant surtout, dans chaque village ou localité, les labels politiques sont fluctuants, voire vagues. C’est finalement un tableau hétéroclite et, à la limite, incohérent qu’a présenté dimanche dernier le Mont-Liban. Ce qui compte, c’est que, pour la première fois en 35 ans, la population s’y est exprimée, sans entraves majeures. Avec un bon sens populaire inné, les électeurs ont choisi ceux qui, dans chaque bourgade, leur apparaissaient le plus susceptibles de les aider. Il faudra d’ailleurs plusieurs analyses de sociologues pour parvenir à comprendre leurs réactions, tant ils évoluent avec aisance dans les méandres compliquées de la politique et des politiciens, abolissant les barrières traditionnelles et mettant en échec les pronostics dits scientifiques. Alors, de grâce, qu’on cesse de nous inonder de calculs faussés à la base. Au Liban, il n’y pas une seule opposition, tout comme il n’y a pas un seul pouvoir. Trêve donc de schémas simplistes. Le Mont-Liban est un peu plus compliqué que cela.
Alors, qui a gagné, l’opposition ou le pouvoir? Depuis l’annonce des résultats officieux des élections municipales au Mont-Liban, chacune des deux parties y va de son bilan, exhibant des comptes de boutiquier, pour tenter de se présenter en vainqueur. Mais, justement, l’affrontement démocratique de dimanche dernier a-t-il opposé seulement deux parties et peut-on réellement...