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Actualités - CHRONOLOGIE

L'empereur du Japon hué et sifflé à Londres par les vétérans de la guerre Dos tourné à Akihito (photo)

Toutes vitres fermées, le carrosse du monarque remonte l’avenue jusqu’à Buckingham Palace. Lentement, plusieurs centaines d’octogénaires tournent ostensiblement le dos à son passage et brisent le silence en huant et sifflant Akihito, empereur du Japon, en visite d’Etat en Grande-Bretagne. Les anciens prisonniers de guerre britanniques tiennent leur revanche. Ils ont infligé un affront mémorable à l’empereur, en souvenir des tortures qu’ils ont endurées dans les camps et en représailles à l’absence, selon eux, de réelles excuses et compensations offertes par le Japon après la guerre. Officiellement, les associations qui les ont acheminés depuis tout le pays estiment leur nombre à 1.800, sur les 10.000 anciens prisonniers de la guerre avec le Japon que compte encore la Grande-Bretagne. Ils ne sont en fait que quelque centaines, médailles à la poitrine, bérets vissés sur la tête et lestés de banderoles réclamant «des compensations dues de longue date», à avoir rallié l’avenue du Mall, que le cortège de la reine Elizabeth et de l’empereur Akihito remontait mardi à la mi-journée au premier jour de la visite officielle de l’empereur. Dans la foule qui compte plusieurs milliers de personnes, tous les yeux sont tournés vers eux. Le premier ministre Tony Blair en personne a tenté de les appeler à la raison en signant une pleine page dans le journal populaire «The Sun» pour leur demander «d’accueillir» correctement l’hôte prestigieux tout en soulignant que personne «ne pourrait oublier» leurs souffrances. Les entreprises japonaises ont invité leurs employés à aller manifester leur ferveur et leur ont accordé un jour de congé exceptionnel. L’association japonaise de Londres, patronnée par l’ambassade, a distribué obligeamment des petits drapeaux nippons et britanniques aux badauds pour exalter l’amitié entre les deux peuples. Un député conservateur va d’un vétéran à l’autre, tentant d’expliquer qu’en insultant l’empereur, «ils insultent aussi la reine et à travers elle tout le peuple britannique». Mais comme tous les autres prisonniers, George Stevens, 78 ans, n’entend pas se laisser amadouer. Détenu pendant quatre ans, il a fait partie des milliers de prisonniers enrôlés dans la construction du chemin de fer entre la Birmanie et le Siam, immortalisée dans «le Pont de la rivière Kwaï». Quelque 462 hommes sont morts pour chaque mile (1,6 kilomètre) construit. «Je pesais 42 kilos. On trimait 16 heures par jour. Autour de moi, tous mouraient, de faim, de maladies, de mauvais traitements. On nous dit qu’il faut oublier. Mais je n’oublierai jamais». Autour de lui, les vétérans exhibent les cicatrices des tortures, sortent de vieilles enveloppes jaunies des photos montrant leurs camarades faméliques à leur libération. Les enfants et proches parents de ceux qui n’ont pas pu venir, trop malades ou trop vieux, sont là aussi, pour témoigner. Dans une lettre remise à Buckingham Palace, les vétérans ont à nouveau demandé de véritables excuses et des compensations. Ils savent très bien que l’empereur peut seulement dire qu’il «ressent très profondément les souffrances vécues pendant la guerre», comme le rappelait mardi son porte-parole. Il n’est pas autorisé à faire des excuses au nom du gouvernement. Quant à la question des compensations, elle est officiellement close depuis qu’un traité a accordé en 1951 quelques dizaines de livres aux anciens prisonniers, militaires et civils. Alors, il ne leur reste plus aujourd’hui qu’à exprimer un mécontentement, sous l’œil vigilant des cameramen de télévision qui les encouragent du geste et de la voix à manifester haut et fort. «Du nerf, vous allez faire les gros titres», leur crie un journaliste, tandis que la presse britannique unanime faisait sa «une», lundi, sur l’affaire. Williams Jones, pour qui «un bon Japonais est un Japonais mort», est satisfait. La mission est accomplie, explique-il: «Pour une insulte, c’était une insulte». (AFP)
Toutes vitres fermées, le carrosse du monarque remonte l’avenue jusqu’à Buckingham Palace. Lentement, plusieurs centaines d’octogénaires tournent ostensiblement le dos à son passage et brisent le silence en huant et sifflant Akihito, empereur du Japon, en visite d’Etat en Grande-Bretagne. Les anciens prisonniers de guerre britanniques tiennent leur revanche. Ils ont...