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Actualités - REPORTAGE

La bataille de Jbeil marquée par la scission de l'électorat BN

A l’instar des grandes agglomérations urbaines du pays, Jbeil est le théâtre d’une âpre bataille municipale. Et pour cause: la ville est devenue ces dernières années — avec Jounieh — l’un des principaux pôles d’attraction touristique, économique, pédagogique et culturel du Mont-Liban. Au port antique et à la célèbre citadelle de Byblos sont venus s’ajouter, au fil des ans, une faculté de Droit (celle de l’Université Saint-Esprit de Kaslik), des musées, un vieux souk au cachet typiquement libanais, une flopée d’établissements commerciaux, un hôpital, des hôtels et un réseau de restaurants en bord de mer. Au riche patrimoine historique et culturel de la cité antique s’est greffée ainsi une infrastructure moderne qui a pris de l’ampleur avec les années de guerre. L’importance de l’enjeu explique la convoitise que suscite la municipalité de Jbeil. Quatre listes fortes se disputent (sauf revirement de dernière minute) le conseil municipal, formé de quinze membres. Officiellement, près de 7500 votants sont appelés à se rendre aux urnes. Le corps électoral compte, conformément aux listes étatiques, 70 pour cent de maronites, près de 12,5 pour cent d’arméniens-orthodoxes, 6 pour cent de sunnites, près de 5,5 pour cent de chiites, un peu plus de 2 pour cent de grecs-orthodoxes, près de 1,5 pour cent de grecs-catholiques, ainsi qu’un nombre restreint d’électeurs arméniens-catholiques, latins, chaldéens et syriaques catholiques (ces quatre dernières minorités forment, en tout, un peu moins de 2,3 pour cent du corps électoral). Traditionnellement, le caza de Jbeil (et a fortiori la ville de Jbeil) a été une arène d’affrontement politique entre le Bloc national et le Destour, avec une minorité agissante Kataëb. En dépit des multiples développements qui ont marqué la guerre libanaise, ce paysage politique demeure toujours perceptible, bien que d’une manière plus nuancée. Le caractère spécifique de l’élection municipale, qui confère plus de poids aux grandes familles et aux clans, atténue encore davantage le clivage politique traditionnel, sans pour autant l’éclipser totalement. De sorte que le scrutin de dimanche prochain à Jbeil sera marqué par un subtil enchevêtrement de considérations aussi bien politiques et partisanes que familiales et claniques. L’éclatement de la base électorale du Bloc national – dû essentiellement à la «fronde» de l’ancien secrétaire général du parti, M. Jean Hawat, lors des élections législatives de 1996 – a contribué à rendre plus complexe la bataille des municipales. Pour l’heure, quatre grands regroupements, de force plus ou moins égale, s’affrontent pour le contrôle du conseil municipal de la ville. D’une manière générale, l’électorat du Bloc national semble partagé entre deux listes: celle de Halim Hawat (frère de Jean Hawat) et celle de Tanios Zaarour. La première bénéficie de l’appui du président sortant de la municipalité de Jbeil et l’une des figures de proue du B.N. dans la région, M. Antoine Chami. M. Jean Hawat, quant à lui, a préservé dans une certaine mesure la large audience qu’il avait acquise parmi les partisans du B.N. lorsqu’il occupait, pendant de nombreuses années, le poste de secrétaire général du parti. M. Jean Hawat peut donc assurer à son frère une partie de l’électorat du B.N., en dépit du veto implacable dont il est l’objet de la part de M. Raymond Eddé qui ne lui pardonne toujours pas son insoumission lors des élections législatives de 1996. Passant outre à la décision du «Amid» de boycotter le scrutin, M. Hawat avait quand même posé sa candidature pour le pourvoi au siège maronite de Jbeil, provoquant ainsi l’ire de Raymond Eddé qui l’a démis de ses fonctions et exclu du parti. Cet épisode explique dans une large mesure la présence de deux listes se partageant les voix du B.N. De fait, parallèlement à l’alliance Hawat-Chami, la liste conduite par Tanios Zaarour base sa bataille sur une large fraction de l’assise électorale du B.N. Elle bénéficie en outre du soutien du député Emile Nawfal et de celui de l’ancien président de l’Association des banques, M. François Bassile (qui s’était porté candidat aux élections législatives de 1996). M. Zaarour – qui a été ces dernières années l’ingénieur attitré de la municipalité — peut compter également sur l’appui d’une partie des partisans du général Michel Aoun du fait que l’un de ses colistiers, M. Emile Acra, est l’un des représentants du courant «aouniste» dans la région. Les listes Cardahi et Kallab Autre liste importante: celle conduite par Jean-Louis Cardahi, jeune ingénieur et entrepreneur, fils de feu Louis Cardahi qui fut chef de liste lors des municipales de 1963 et qui fut coiffé au poteau, d’une très courte tête, par le président sortant de la municipalité Antoine Chami. Reprenant le flambeau de son père, M. Cardahi présente une liste formée essentiellement de jeunes cadres et de notables connus pour leur intégrité et leur dévouement à la chose publique. Plaçant sa campagne sous le signe du développement «indépendamment des clivages politiques traditionnels», M. Cardahi désire faire élire un conseil municipal regroupant des membres venant d’horizons différents sur le plan professionnel mais formant néanmoins une équipe de travail cohérente et dynamique qui puisse tenir ses engagements, qui soit capable de prendre des décisions courageuses et, surtout, de les mettre en application. Pour M. Cardahi, il faut que les membres du conseil municipal soient suffisamment intègres et crédibles pour qu’ils puissent respecter leurs promesses et mener à bien le développement de la ville. M. Cardahi mise dans sa bataille sur une solide assise familiale à Jbeil. Sa liste comprenant d’anciens sympathisants du B.N., il pourrait, d’autre part, grignoter sur l’électorat du B.N. Il se positionne, en outre, comme rassembleur des petites familles et des minorités de Jbeil. La quatrième liste en lice est présidée par Georges Kallab (alias «Gino»), un jeune notable de Jbeil qui s’est distingué ces dernières années par ses multiples services à caractère personnel rendus à de nombreux habitants de la ville. M. Kallab bénéficie notamment du soutien de M. Nazem Khoury, l’une des principales figures de proue du bloc «Destour» et candidat malheureux aux élections législatives de 1996. Au cours des derniers jours, d’intenses tractations ont été entreprises afin d’aboutir à une entente entre certains chefs de file, ce qui aurait limité la bataille à deux ou trois regroupements de candidats. Il a été notamment question d’une «osmose» entre la liste de Zaarour et celle de Hawat-Chami de manière à mettre sur pied une liste de coalition conduite par Michel Salamé qui jouit de la confiance du «Amid» et qui se situe à égale distance des deux camps pro-B.N. Une telle liste de coalition aurait été largement favorite dans la mesure où elle aurait eu pour assise électorale l’ensemble de l’électorat du B.N., parallèlement au soutien des partisans du courant «aouniste», ce qui n’aurait pas manqué de provoquer un effet d’entraînement, ou «boule de neige», le jour du scrutin. Les efforts déployés à cet effet n’ont cependant pas abouti. La décision de principe prise par le B.N. de laisser la liberté de choix à ses membres et partisans, et de donner libre cours au jeu familial et local a sans doute contribué à faire pencher la balance en faveur de la présence de deux listes pro B.N. La prolifération des candidatures aura sans nul doute pour effet de stimuler le panachage à grande échelle. Les observateurs à Jbeil soulignent sur ce plan que les considérations personnelles et purement locales seront prépondérantes dans le choix des électeurs dont la majorité pourrait former sa propre «liste» en opérant une sélection au sein des quatre listes concurrentes. Un tel vote sélectif risquerait cependant d’aboutir à l’élection d’un conseil municipal hétéroclite pris au piège de ses contradictions internes et des incontournables querelles de clocher.
A l’instar des grandes agglomérations urbaines du pays, Jbeil est le théâtre d’une âpre bataille municipale. Et pour cause: la ville est devenue ces dernières années — avec Jounieh — l’un des principaux pôles d’attraction touristique, économique, pédagogique et culturel du Mont-Liban. Au port antique et à la célèbre citadelle de Byblos sont venus s’ajouter, au...