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Actualités - INTERVIEWS

Dominique Vidal a fait la synthèse des travaux des chercheurs post-sionistes Les mythes fondateurs d'Israël détruits par les nouveaux historiens juifs (photo)

Cinquante ans se sont écoulés et les Palestiniens qui ont quitté leurs terres en 1948 errent toujours d’un pays à l’autre. Ils étaient 700.000 il y a un demi-siècle, ils sont aujourd’hui 4 millions entassés dans des camps ou vivant en apatrides dans les quatre coins du monde. Le Liban en abrite 350.000, expulsés de force par les organisations terroristes sionistes. Pendant cinquante ans, Israël a nié avoir chassé ces Palestiniens, prétendant qu’ils ont quitté leurs villes et villages de leur plein gré à l’appel des gouvernements arabes. Mais depuis une dizaine d’années, les «nouveaux» historiens israéliens s’emploient à réécrire la vraie histoire d’Israël. En fouillant les archives, ils ont découvert que leur pays a été bâti sur des mythes inventés de toute pièce et sur des bases viciées. Ces «historiens post-sionistes» ont montré que les Palestiniens avaient bel et bien été expulsés de force, qu’Israël n’était pas en situation d’infériorité militaire en 1948 et que l’Etat hébreu n’a pas cherché à faire la paix avec ses voisins. Dominique Vidal, écrivain et journaliste au Monde Diplomatique, a fait une synthèse des travaux de ces «nouveaux historiens» dans un ouvrage paru mardi dernier en librairie: «Le péché originel d’Israël» (Les éditions de l’Atelier-Paris). De passage à Beyrouth où il a participé à une table ronde dans le cadre des activités organisées par le «Théâtre de Beyrouth» pour commémorer la Nakba — le désastre de Palestine — «L’Orient-Le Jour» l’a rencontré. Les «nouveaux historiens» israéliens sont-ils aujourd’hui toujours aussi marginalisés? Le débat des historiens anciens et nouveaux en Israël qui était dans les premières années une discussion d’universitaires est devenu aujourd’hui un débat central pour la société israélienne. Parce qu’au fond cela touche à l’identité même de l’Etat. C’est pour cela que j’ai appelé mon livre «Le péché originel d’Israël». Ce que ces historiens remettent en cause ce n’est pas une page d’histoire parmi tant d’autres, mais la page fondatrice des origines mêmes d’Israël et de la naissance du problème des réfugiés palestiniens. Une phase de l’histoire du sionisme est donc morte? «Effectivement, dit-il. Elle est morte parce qu’il n’ y a pas eu de paix avec les pays arabes, et les juifs du monde entier ne viennent plus en Israël. Il n’y a que Netanyahu qui continue à le croire. Mais aujourd’hui c’est fini. Il n y a plus le réservoir soviétique et les juifs qui quittent Israël sont plus nombreux que ceux qui y viennent. Il ne faut pas oublier qu’il y a entre six et sept mille citoyens israéliens qui vivent à l’étranger. Voilà donc un Etat qui est obligé de constater que sur deux questions essentielles, il a échoué: il n’a pas réussi à se faire admettre par ses voisins en faisant la paix d’une manière ou d’une autre et il n’est plus attractif pour les juifs du monde entier dont un tiers seulement sont en Israël. Une société complexe Les travaux des nouveaux historiens ont-ils influé sur la mentalité de la société israélienne? «La société israélienne est une des plus complexes de cette région, précise le journaliste. Pour la simple raison qu’elle a été formée d’une manière artificielle. On a fait venir des gens de l’étranger qui n’avaient en commun que leur religion pour ceux qui étaient religieux. La société israélienne est traversée de contradictions extrêmement fortes. Certaines d’entre elles pourraient constituer les germes d’affrontements. Il y a d’abord l’affrontement central entre Israéliens et Palestiniens qui sont un million en Israël. Il y a ensuite l’affrontement, non moins important, entre les juifs occidentaux et les juifs orientaux. Il y a aussi une tension très forte entre les juifs religieux, dits orthodoxes, et les laïques. Il y a enfin des affrontements sociaux importants à cause des inégalités sociales très graves accentuées par la mondialisation rapide de la société israélienne. Cette société est aussi très complexe sur les plans politique et idéologique. En majorité, les gens ont voté pour Netanyahu. C’est un fait, on ne peut pas le nier. Toute une série de sondages montre la montée de sentiments particulièrement condamnables y compris parmi les jeunes, en particulier le racisme anti-arabe. Mais on ne peut pas nier aussi que les trois quarts des Israéliens se prononcent pour le processus de paix avec les Palestiniens et que pour la première fois dans l’histoire de l’Etat d’Israël, 51% des Israéliens sont favorables à la création d’un Etat palestinien. Dans ce contexte d’une société faite de tensions très fortes et d’une réalité politique difficile à cerner, il est clair que les nouveaux historiens apparaissaient au début comme des universitaires isolés. Mais petit à petit, ils sont entrés de plain-pied dans le débat sur le passé du pays, donc son avenir. Mais en Israël le débat est particulièrement important puisqu’il touche à certains mythes fondateurs, donc à l’existence même de l’Etat. Un de ces jours, les Israéliens arriveront peut-être à la conclusion que toute la logique sur laquelle repose leur Etat et pour laquelle ils luttent depuis 50 ans est viciée. «Précisément. Ces nouveaux historiens prennent ce qui était l’historiographie traditionnelle, donc la propagande sioniste depuis 50 ans, et en détruisent les bases, ajoute M. Vidal. Pour rentrer un peu plus dans les détails, ils disent qu’Israël n’était pas un pays naissant menacé de mort par un monde arabe uni. Au contraire, les chiffres montrent que les armées arabes toutes confondues étaient moins fortes en effectifs, en armement, en entraînement, en coordination et en motivation que les forces juives. Et douze jours avant que l’Assemblée générale des Nations Unies adopte le plan de partage de la Palestine le 29 novembre 1947, Mme Golda Meïr rencontrait le roi Abdallah de Jordanie sur le Jourdain et se mettait d’accord avec lui pour que la Légion arabe, la seule armée qui pouvait inquiéter les Israéliens, ne franchisse pas les frontières du territoire prévu pour l’Etat juif. En échange, Ben Gourion autorisait le roi à occuper la partie prévue pour l’Etat arabe. Ne pas tenir compte de cet accord stratégique c’est ne pas voir que le seul ennemi réel pour Israël était neutralisé». Les travaux de ces historiens sur l’expulsion des Palestiniens démolissent aussi le récit officiel sioniste. «A partir de 1978, précise M. Vidal, des historiens israéliens ont fouillé dans les archives israéliennes où ils ont trouvé la preuve que premièrement, il n’y avait pas eu d’appel au départ national ni de la part du Haut comité palestinien, ni de la part des Etats arabes. Deuxièmement, l’affaire des appels des radios arabes au départ des Palestiniens était une invention pure et simple. Il y a au contraire des appels à y rester et des menaces contre ceux qui partent et dont les terres et les biens pourraient être confisqués en cas de victoire arabe. Troisièmement, et c’est le plus important, l’étude cas par cas, ville par ville, village par village montre qu’il y a eu une politique d’expulsion systématique qui commence en mars 1948, et se termine à la fin de la même année. A partir de juillet 1948 cette politique d’expulsion devient systématique. Enfin, tout le monde pensait qu’Israël était allé à Lausanne, à la conférence consécutive à la guerre avec une volonté de paix. Or les historiens qui ont travaillé sur la question, notamment Illan Pappé et Avi Shlaïm, montrent que cela ne s’est pas passé de la sorte. Israël est venu avec la volonté de complaire aux Américains et aux Européens de telle manière à être admis aux Nations Unies. Donc il est vrai que jusqu’au 12 mai 1949, la délégation israélienne fait preuve de beaucoup d’ouverture d’esprit. Ce jour-là, l’Etat hébreu est reconnu par l’ONU et à partir de cette date, la délégation israélienne a tout fait pour enterrer les protocoles signés. On a là un portrait de l’après-guerre qui ne répond absolument pas à l’image qui en a été donnée». Avec Benjamin Netanyahu, sommes-nous devant un phénomène de retour aux sources du sionisme: colonisation, confiscation des terres ? «Il y a toujours eu deux grandes branches du sionisme qui au fond sont d’accord sur l’essentiel même si elles ne s’expriment pas de la même manière, souligne-t-il. La branche qu’on appelle travailliste a toujours pensé qu’il fallait conquérir le pays et en expulser les habitants originels mais en ménageant des moments de discussions, de négociations et en évitant l’affrontement frontal permanent. L’autre branche est celle du sionisme révisionniste de Zeev Jabotinsky qui est un courant fasciste qui défendait la logique de la muraille d’acier: expulser par la force les Palestiniens. M. Jabotinsky avait un secrétaire personnel: le père de Benjamin Netanyahu. Le premier ministre israélien a, si je puis dire, sucé le révisionnisme au biberon. Son père a quitté Israël pour les Etats-Unis au début des années soixante parce qu’il considérait que ce pays était en train de devenir communiste. C’est clair qu’il y a chez Netanyahu une espèce de détermination, de combat extrêmement dur et militarisé. Il y a quelque chose de ridicule dans cette tentative de ressusciter un courant sioniste dont l’actualité date de plusieurs décennies. Il y a quelqu’un dont on ne parle plus beaucoup aujourd’hui, il s’appelait Karl Marx. Il disait: «Quand une tragédie se reproduit une deuxième fois, c’est en fait une tragi-comédie(…)». Toute cette politique vise à gagner de l’espace et du temps. Mais dans 20 ans, il y aura une nette majorité palestinienne dans l’espace qui se trouve entre la Méditerranée et le Jourdain. On voit bien que la politique (de Netanyahu) est suicidaire. Car de deux choses l’une: ou bien il y aura un Etat palestinien aux côtés d’Israël, ou alors Israël sera devenu un Etat binational où les juifs seront en minorité».
Cinquante ans se sont écoulés et les Palestiniens qui ont quitté leurs terres en 1948 errent toujours d’un pays à l’autre. Ils étaient 700.000 il y a un demi-siècle, ils sont aujourd’hui 4 millions entassés dans des camps ou vivant en apatrides dans les quatre coins du monde. Le Liban en abrite 350.000, expulsés de force par les organisations terroristes sionistes....