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Actualités - ANALYSE

Administration - Le redressement ne peut se faire à l'ombre d'un service public défaillant Bientôt un séminaire ministériel pour organiser la réforme

Nostalgie, quand tu nous tiens. On revient insensiblement aux douces pratiques des années soixante. Un séminaire ministériel ! On n’en avait plus vu depuis Charles Hélou, la période Sarkis, marquée par le malheur, ne comptant pas. En fait, le lecteur d’aujourd’hui étant excusable s’il ne sait pas trop ce que c’est, un séminaire ministériel ne se résume pas à réunir des ministres. Il regroupe souvent les directeurs de différents départements ou même de simples chefs de services. Ainsi que des experts appelés en consultation, de l’étranger ou de l’intérieur. Donc c’est la procédure que l’on compte suivre pour entamer la réforme administrative. Comme du temps de l’abbé Lebret. Et cela n’a rien d’étonnant, le ministre concerné, M. Hassan Chalak, restant fier, dit-il, de son attachement au chéhabisme. M. Chalak, et il a bien raison, souligne que la réforme de l’Administration est un objectif aussi important que le traitement de la récession. En effet le redressement économique et financier, c’est une évidence, ne peut se faire à l’ombre d’un service public pourri et défaillant. De ce fait, comme le constate le ministre, les deux dossiers sont liés et aucun, dans un premier temps, ne doit ou ne peut prendre le pas sur l’autre. Un point de vue que partagent tous les économistes, même les haririens. Car sans des administrations retapées, toute mesure financière ou économique du gouvernement serait un coup d’épée dans l’eau ou produirait de fâcheux contre-effets. Un exemple simple et frappant : on ne peut réhabiliter le secteur de l’énergie électrique, c’est-à-dire renflouer l’EDL, sans améliorer la perception des quittances, donc sans améliorer les prestations du personnel de base concerné. Ce constat s’impose d’autant plus que la location des opérations de perception au secteur privé n’a rien donné, c’est le cas de le dire. Circonstances atténuantes Mais récurer l’Administration n’est pas une mince affaire. On sait en effet qu’elle est pourrie jusqu’à la moelle, que le clientélisme, le népotisme, le parasitisme, le confessionnalisme sectaire, la corruption, l’incompétence y sont rois. Il faut beaucoup élaguer car les anciens dirigeants ont trop recruté, pour asseoir leur popularité aux frais de la princesse, c’est-à-dire de l’État. Avec, il faut le souligner, le bénéfice de circonstances atténuantes évidentes : les Libanais sont mis sur la touche par la main-d’œuvre étrangère, syrienne principalement, et il faut bien leur assurer de quoi vivre, donc les prendre au service de l’État qui est de loin le plus gros employeur du pays. Mais la surcharge pondérale est excessive et il faut dégraisser, sans quoi on ne peut remettre de l’ordre dans la maison. Selon un politicien, «le régime a bien fait de commencer à gommer les exclusivités communautaires dans l’attribution des directions générales. C’est un premier pas vers l’abolition du confessionnalisme politique qui est l’un des pires handicaps imaginables pour un corps constitué». Susceptibilités «Mais cela ne suffit pas, loin de là, affirme ce même politicien. Il faut maintenant lever l’immunité politique ou communautaire dont jouissent nombre de fonctionnaires de divers échelons. Même si les leaders civils ou religieux vont se fâcher, il faut sanctionner durement les éléments pourris ou parasitaires, tout comme il faut lutter contre les méfaits d’une incompétence trop répandue. D’ailleurs le courant porteur populaire est si fort qu’il semble douteux que les chefs politiques ou de communautés protestent si des mesures radicales sont prises contre leurs protégés. Ainsi on n’a entendu personne attaquer ouvertement les récentes nominations, teintées d’objectivité professionnelle». Ce qui n’est pas tout à fait exact : plusieurs voix se sont fait entendre à l’Est comme du côté du Chouf pour critiquer ces désignations qui ne tiennent pas compte de l’inégalité d’importance effective entre les postes, surtout en ce qui concerne la direction de la Sûreté générale qui est l’une des plus importantes de l’État. Mais s’attaquer à l’hydre «n’est pas facile, reprend le loyaliste cité, tant qu’il subsiste des susceptibilités à ménager. On ne peut ainsi contourner des pôles comme le président de la Chambre. Pour que tout le monde accepte de bon cœur qu’il y ait des éliminations sans distinction d’allégeance, il faut un consensus général. Discrètement conclu, car il serait inconvenant d’en faire étalage, ce serait obliger les notables à reconnaître un rôle peu reluisant de protecteurs patentés. Puis il faut procéder avec attention. Car si les évictions devaient affecter tel poste d’influence plus qu’un autre, il y aurait des récriminations et un climat empoisonné de jalousies ou de rancunes. Il ne doit plus y avoir de chasses gardées, ni de “cantons” réservés au sein de l’Administration. À l’ombre du prestige que reprend la présidence de la République, le système de partage qui prévalait jusque-là peut être éliminé en douceur, au profit de l’efficience. La peur de la sanction est salutaire : déjà les fonctionnaires arrivent le matin à l’heure. Cela étant, les intéressés savent que plus tard leur zèle sera récompensé, puisque le nouveau gouvernement leur promet de respecter la célèbre équation bâton-carotte». Le ministre de la Réforme abonde dans ce sens, en notant que jamais le système mentionné n’a été appliqué vraiment, alors même qu’il est nécessaire pour que l’Administration fonctionne bien. En tout cas il faudra organiser les efforts et c’est ce que le séminaire ministériel prévu pour le début de l’an prochain se propose de faire.
Nostalgie, quand tu nous tiens. On revient insensiblement aux douces pratiques des années soixante. Un séminaire ministériel ! On n’en avait plus vu depuis Charles Hélou, la période Sarkis, marquée par le malheur, ne comptant pas. En fait, le lecteur d’aujourd’hui étant excusable s’il ne sait pas trop ce que c’est, un séminaire ministériel ne se résume pas à...