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Actualités - OPINION

Dérapages incontrôlés

L’Amérique, se plaisait à répéter Nikita Khrouchtchev au plus fort de la guerre froide, a eu un bon président, Roosevelt; un mauvais président, Truman; pas de président, Eisenhower. À voir l’incroyable gâchis des soixante-douze heures passées, il y aurait lieu de s’interroger sur le jugement que porteront demain les historiens sur William Jefferson Clinton ? Sans doute parleront-ils d’une mécanique au départ parfaitement huilée qui, soudain, s’est emballée, a commencé à donner des signes d’essoufflement avant de caler à treize mois de l’arrivée, après un (presque) sans-faute. Autrement plus habile – et, reconnaissons-le, point empêtré, lui, dans de sordides histoires d’alcôve –, George Bush avait accompli une belle performance en engageant contre le même Saddam Hussein une guerre impeccablement médiatisée et gagnée d’avance, réussissant tout à la fois à en faire assumer le coût à ses alliés (Japonais compris …) et à rafler les contrats d’armes surgis dans le sillage de Desert Storm. On retiendra au passage, certes, que ce superbe triplé n’assura pas sa réélection en 1992, le propre des grands peuples, Plutarque dixit, étant l’ingratitude. Avec son chef, c’est l’Amérique tout entière qui aujourd’hui donne l’impression de patauger et de chercher sa voie – ce qui, s’agissant d’une nation qui prétend au leadership du monde, ne laisse pas d’inquiéter. Et le marécage, il ne faut pas le chercher uniquement sur les berges du Tigre et de l’Euphrate. Depuis quelque temps, des grincements se font entendre, annonciateurs de lendemains qui ne devraient pas tarder à déchanter. Au plan économique d’abord : euro contre dollar bientôt, crise pétrolière qui va s’aggravant chaque jour, marchés émergents qui se sont révélés bien vite un véritable tonneau des Danaïdes. Et pour compléter ce sombre tableau : un Japon qui chancelle dangereusement sur le fil de la récession, après une longue période de stagflation. Au plan politique ensuite : l’autorité des USA, hier encore incontestée, est de plus en plus remise en question un peu partout dans le monde. Benjamin Netanyahu peut faire semblant de refuser dédaigneusement un cadeau d’un milliard deux cents millions de dollars. Il y a longtemps que l’Afrique noire a cessé de lorgner du côté d’une puissance qui décidément ne comprend pas grand-chose à ses problèmes et n’en veut qu’à ses richesses. Et il n’est jusqu’aux républiques bananières, hier encore inconditionnellement féales, qui ne piaffent d’impatience en attendant de secouer le joug yankee. Le savant assemblage de dominos mis en place durant l’entre-deux-guerres menace désormais de s’effondrer à tout moment, créant, comme dans les grands cataclysmes naturels, un appel d’air que plus personne ne peut combler, maintenant qu’a disparu l’autre superpuissance. «Il n’y a plus de règle; c’est n’importe quoi», vient d’avouer piteusement un responsable de la Maison-Blanche. C’est surtout, au lieu du maître chargé d’ordonner le cafouillis planétaire, cet adolescent mal grandi que le Congrès va devoir rappeler solennellement à l’ordre, sinon renvoyer à ses boudoirs, pour conduite indigne. Pendant que la First Lady, drapée dans ses oripeaux d’épouse outragée, appelle, imperturbable, à la «réconciliation nationale».
L’Amérique, se plaisait à répéter Nikita Khrouchtchev au plus fort de la guerre froide, a eu un bon président, Roosevelt; un mauvais président, Truman; pas de président, Eisenhower. À voir l’incroyable gâchis des soixante-douze heures passées, il y aurait lieu de s’interroger sur le jugement que porteront demain les historiens sur William Jefferson Clinton ? Sans doute...