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Actualités - CHRONOLOGIE

Parlement - Les députés reprochent à la déclaration ministérielle de ne pas entrer dans les détails Privatisations, déficit budgétaire, dette publique, principaux thèmes du débat d'investiture (photo)

Les députés qui ont pris la parole hier, à la Chambre, au premier jour du débat d’investiture, ont trouvé beaucoup à dire au sujet de la déclaration ministérielle, jugée un peu trop générale par la majorité parlementaire – opposante ou loyaliste. Le débat ouvert hier Place de l’Étoile prendra fin ce soir, à moins que la liste des orateurs (une quarantaine) ne s’allonge. En dépit des nombreuses critiques formulées, le Cabinet Hoss est assuré d’obtenir près de cent voix en sa faveur au moment du vote de confiance. Les blocs de MM. Rafic Hariri (à l’exception des députés arméniens) et Walid Joumblatt, ainsi que celui du Hezbollah s’abstiendront. M. Joumblatt l’a d’ailleurs annoncé au terme de son intervention, la première qu’on lui connaît au Parlement depuis son élection au siège druze du Chouf en 1992. Le débat d’investiture s’est ouvert par une intervention – au ton pour le moins sarcastique – de M. Joumblatt. De manière générale, les discours de cette première journée peuvent être classés en trois catégories : il y a d’abord les critiques de la nouvelle opposition qui n’a pas ménagé le Cabinet Hoss – son jugement a été plus au moins sévère. Il y a ensuite les remarques des députés loyalistes ou neutres qui auraient souhaité que la déclaration ministérielle soit plus ferme et plus explicite. Il y a, enfin, les thèses de ceux qui n’ont rien voulu changer à leurs habitudes oratoires et qui se sont contentés d’énumérer les points qu’ils soulèvent régulièrement durant leurs interventions à la Chambre. Au cours de la séance du matin, qui a pris fin à 14h 30, onze députés ont pris la parole. Il s’agit de MM. Walid Joumblatt, Talal Merhebi, Ali Khalil, Sami Khatib, Gebran Tok, Wadih Akl, Jacques Tchoukhadarian, Zaher Khatib, Nicolas Fattouche, Tammam Salam et Fawzi Hobeiche. M. Walid Joumblatt est le plus virulent (VOIR PAR AILLEURS), même si par moments, son choix des mots provoque l’hilarité générale. Parmi les thèmes développés par le député du Chouf, certains, notamment la privatisation, sont repris par MM. Merhebi, Tok et Zaher Khatib, qui redoutent les conséquences d’un tel projet sur l’économie libanaise et reprochent au Cabinet Hoss de n’avoir pas précisé les services qui pourraient être confiés au secteur privé. M. Khatib se demande si le gouvernement compte corriger les «erreurs commises sous le mandat Hariri dans le domaine de la privatisation». Contrairement à ses collègues, M. Tok s’accorde avec le gouvernement pour dire que la privatisation reste indispensable afin de réduire le volume de la dette publique et de contribuer à la relance de la croissance économique. «Mais, note-t-il, un projet pareil nécessite simultanément la mise en œuvre d’autres mesures tout en veillant à ne pas tomber dans le piège des cartels». M. Tok a des idées précises sur la question et n’hésite pas à les exposer au gouvernement pendant que M. Merhebi se lance, sur un ton presque moralisateur, dans une longue énumération de ce que le nouveau régime devrait entreprendre. Et lorsqu’il songe à commenter la déclaration ministérielle, c’est pour déplorer son «style littéraire». Mais voilà : le député ne s’est pas rendu compte qu’il n’a fait que reprendre dans son intervention les points qui figurent dans cette même déclaration. M. Tok, ainsi que M. Ali Khalil (qui s’exprimait au nom du bloc parlementaire de M. Berry), procèdent chacun à une analyse détaillée de la déclaration après un bref préambule politique. Le député de Bcharré conteste le fait que le gouvernement limite les erreurs et la corruption au seul mandat Hariri. Il s’étonne de ce que le nouveau Cabinet ait indirectement mis la Chambre au banc des accusés en parlant d’«absence totale de contrôle et de comptes à rendre, signes d’une grave régression de la démocratie». Les naturalisations M. Tok estime que le gouvernement aurait dû, plutôt que de promettre d’élaborer une loi sur les naturalisations, exposer les moyens qu’il compte mettre en œuvre pour remédier aux effets du décret, très contesté, sur les naturalisations. Le député de Bcharré, mais aussi MM. Zaher Khatib, Ali Khalil, Sami Khatib et Nicolas Fattouche ont demandé à savoir par quels moyens précis le gouvernement résorbera la dette publique et réduira le déficit budgétaire. Ils ont tous mis en garde contre les dangers de la mondialisation pour le Liban, après avoir fait référence à l’engagement du gouvernement à adhérer aux groupes économiques arabes et occidentaux afin de développer les capacités compétitives du pays. MM. Tok et Zaher Khatib déplorent l’absence de toute référence au Conseil économique et social dans la déclaration ministérielle. Tous insistent sur la réforme administrative et le redressement économique. C’est M. Zaher Khatib qui s’étend le plus sur le volet économique, non sans avoir auparavant vivement contesté l’allusion faite dans la déclaration ministérielle au «vaste mouvement de reconstruction enclenché sous le mandat de M. Hariri». Selon lui, c’est la politique des «priorités inversées» qui a conduit le pays au bord de la faillite. Le député se dit d’accord avec la majorité des points soulevés a la déclaration ministérielle. À l’exception toutefois du chapitre relatif à la privatisation. M. Khatib affirme qu’il se réserve le droit de voter contre tout projet de loi qui s’y rapportera. Il se demande ainsi si l’Exécutif compte lever l’interdiction de manifester imposée par le gouvernement Hariri. À l’instar de M. Tok, le député de l’Iklim el-Kharroub estime que le chapitre relatif à l’application de l’accord de Taêf aurait dû être plus détaillé. Il s’interroge sur le point de savoir pourquoi le gouvernement n’a pas expressément mis l’accent sur la consolidation de la magistrature en permettant au corps de la magistrature d’élire une partie des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Les deux points sont prévus dans le document d’entente. Les craintes de l’opinion publique Pour ce qui est du volet financier, il note que les mêmes objectifs (définir un plafond pour les dépenses, pratiquer l’austérité et réduire le déficit budgétaire) avaient été fixés par le Cabinet Hariri. «L’opinion publique s’attend à des mesures précises susceptibles de la rassurer quant à l’existence d’une nouvelle politique apte à déboucher sur un règlement de la crise» financière, lance-t-il. M. Sami Khatib se contente -en multipliant les citations poétiques- de rendre un vibrant hommage au gouvernement Hoss. L’Hémicycle est presque vide quand M. Nicolas Fattouche prend la parole. L’ancien ministre subjugue l’assistance par ses talents d’orateur. Le discours de M. Tammam Salam est plus politique qu’analytique. Son collègue, Jacques Tchoukhadarian, insiste sur les droits de la communauté arménienne alors que M. Fawzi Hobeiche met l’accent sur la nécessité de dynamiser l’Inspection centrale et prie le gouvernement de prendre connaissance du projet de loi qu’il avait établi à cette fin. Au cours de cette séance matinale, quatre députés ont annoncé qu’ils accorderont leur confiance au gouvernement : il s’agit de MM. Tchoukhadarian, Sami Khatib, Zaher Khatib et Ali el-Khalil qui s’exprimait, rappelle-t-on, au nom du bloc parlementaire de M. Nabih Berry (20 voix). Le Hezbollah neutre, Wakim loyaliste Seize députés se sont relayés à la tribune lors de la deuxième partie de la séance qui s’est poursuivie jusqu’à 22 heures. Bien qu’ayant décidé de s’abstenir lors de la séance de vote, le Hezbollah a tenu à définir sa position dans le cadre d’une neutralité positive. Najah Wakim a pour sa part annoncé qu’il accorderait sa confiance au gouvernement de M. Sélim Hoss, de même que M. Nassib Lahoud. Premier à prendre la parole dans la seconde partie de la séance, le député Abdel-Rahim Mrad reproche au gouvernement de n’avoir pas mentionné le sort du Golan syrien en affirmant que la résistance se poursuivra jusqu’à l’évacuation des troupes israéliennes du Liban-Sud. «Un éventuel retrait israélien ne signifie pas la fin du conflit israélo-arabe, dit-il. Il faut que la Palestine soit restituée à ses propriétaires». Le député de la Békaa-Ouest s’étonne également de l’absence dans la déclaration gouvernementale d’une politique agricole, «alors que ce secteur a besoin d’une attention particulière». Avant d’annoncer son intention de voter la confiance, M. Mrad souligne que la déclaration «passe trop vite sur la question du marché arabe commun à une époque où le monde entre dans l’ère des grands ensembles économiques». M. Fayez Ghosn, qui prend la parole au nom du bloc nordiste du développement, appuie quant à lui les orientations économiques et financières du gouvernement pour la réduction du déficit budgétaire, la rationalisation des dépenses et l’austérité. «Nous soutenons toutes les initiatives visant à diminuer les charges qui pèsent sur les pauvres», déclare-t-il. M. Ghosn met cependant l’accent sur la nécessité d’adopter une politique de développement équilibrée entre toutes les régions. Évoquant la question de la privatisation, le député affirme ne pas être opposé dans le principe à cette mesure «à condition que l’on sache ce qui va être privatisé et de quelle manière cela va être fait». Le Hezbollah se livre pour sa part à une analyse détaillée de la déclaration ministérielle. Méthodique et éloquent comme à l’accoutumée, le président du bloc parlementaire du parti, Ibrahim Amine el-Sayyed, relève que le gouvernement promet dans son programme de protéger les libertés. «Les autorités sont invitées à consacrer cette protection à travers une série de mesures comme l’annulation de l’interdiction de manifester», dit-il. L’abolition du confessionnalisme «Le 20e point de la déclaration, ajoute-t-il, parle d’une coopération entre le gouvernement et le Parlement pour l’abolition du confessionnalisme. Nous aurions souhaité que le texte soit plus explicite et mentionne le confessionnalisme politique. Nous estimons par ailleurs que les habitants de la zone occupée doivent faire l’objet d’une attention particulière. Il faut lutter contre les tentatives d’Israël de normaliser ses relations avec les habitants en perçant des routes et en offrant du travail en Palestine occupée à des milliers de Libanais». Pour aider les habitants à résister, le député du Hezbollah propose l’achat de leur production de tabac et l’élargissement des exemptions fiscales. Sayyed Ibrahim s’étend longuement sur les difficultés économiques rencontrées par la population dans les régions défavorisées de la Békaa et du Akkar. «Des milliers de parents n’ont pas pu payer les frais d’inscription de leurs enfants dans les écoles publiques, dit-il. Cent cinquante village sont sans eau potable et 70 % des terres arables ne sont pas irriguées. Il est impératif de débloquer les 150 milliards de livres promises à ces régions et de mettre en application une politique de développement équilibrée». Toujours dans le souci de protéger l’agriculture libanaise, le Hezbollah se déclare opposé à l’adhésion du Liban aux grands ensembles économiques régionaux et internationaux. «Nous espérons que l’équipe actuelle aura une vision agricole différente des gouvernements précédents. Dans la déclaration ministérielle, il n y’a pas de changement», précise-t-il. Dans le sillage de la décentralisation administrative promise par le gouvernement, Sayyed Ibrahim réclame la création d’un nouveau mohafazat à Baalbeck-Hermel et souligne que la déclaration ministérielle ne prévoit pas l’organisation d’élections municipales dans les localités où ce scrutin avait été reporté en juin dernier. «Nous refusons que la privatisation fasse partie des orientations générales du gouvernement, ajoute le député du Hezbollah. Toutefois, si, dans certains cas, la privatisation est indispensable, il faut que nous soyons informés de l’entreprise qui sera touchée par cette mesure. Il n’est pas permis que l’État démissionne de sa principale tâche qui est de gérer les biens publics, d’autant que certains secteurs, comme le pétrole, peuvent rapporter d’importantes recettes au Trésor». Après avoir dénoncé «l’amitié feinte des États-Unis à l’égard du Liban», le député du Hezbollah souligne «l’esprit positif de la déclaration ministérielle qui mérite d’être relevé notamment dans les domaines de la protection des libertés et du renforcement du soutien à la Résistance». Mais Sayyed Ibrahim conclut en affirmant, à la surprise générale, que son parti s’abstiendra lors du vote de confiance. Un homme différent Lorsque Najah Wakim prend la parole, on a l’impression d’entendre un homme différent de l’éternel opposant que l’on connaît. Il ne tarit pas d’éloges à l’égard du gouvernement «mis à part quelques ministres». Il remercie le président Hoss «d’avoir gardé son siège pendant tout le débat donnant ainsi une preuve du respect qu’il a pour la Constitution». Visiblement, Wakim place beaucoup d’espoir dans le gouvernement et veut lui donner une chance. «Nous allons découvrir que les dégâts et les dommages provoqués par les précédents gouvernements sont immenses, dit-il. La corruption s’est infiltrée du pouvoir vers l’Administration et de l’Administration vers une partie de la société. Est-ce qu’il suffit de changer les noms et les visages pour régler les problèmes ? Une tâche énorme attend les ministres, dont certains jouissent d’une excellente réputation. Ils vont découvrir dans les cavernes de leurs ministères les miracles de leurs prédécesseurs». Citant en exemple l’expérience chéhabiste, le député de Beyrouth pense que la réforme administrative n’a pas de chance de réussir sans une refonte du système politique. «Le problème vient du système politique, affirme-t-il. Nous devons tirer les enseignements de l’expérience chéhabiste. Non seulement le régime qui a suivi le mandat du président Chéhab n’a pas pu préserver les réalisations accomplies au niveau de l’Administration, mais il les a carrément fait avorter. Le confessionnalisme est un obstacle insurmontable devant toute tentative de réforme. On dit qu’il y a au Liban une grande marge de liberté. Toutefois, seuls les pôles politiques et confessionnels peuvent jouir de cette liberté». Selon M. Wakim, «le changement au niveau du pouvoir avec l’arrivée des présidents Émile Lahoud et Sélim Hoss et la crédibilité des hommes choisis pour occuper les postes clés explique l’élan de sympathie populaire envers le nouveau régime». Le député de Beyrouth réclame l’ouverture des dossiers de l’ancien régime. «Une vaste opération de vol des biens publics a eu lieu ces six dernières années, affirme-t-il. Une stricte application de la loi permettrait de rendre à l’État son immense richesse foncière. Il faut que les biens publics volés soient restitués, afin que les citoyens retrouvent confiance dans l’État». Rectifier le tir Avant d’annoncer son intention de voter la confiance, Wakim réclame la révision de la loi sur l’audiovisuel et l’amélioration des conditions de vie des réfugiés palestiniens qu’il qualifie d’«inhumaines». Nassib Lahoud aussi accorde sa confiance au gouvernement. Selon lui, «le changement qui a commencé avec l’élection du président Émile Lahoud s’est confirmé avec la désignation de M. Sélim Hoss». «Notre opposition n’était pas dirigée contre l’idée ou le projet de la reconstruction, dit-il. Ce que nous voulions, c’était de réduire le coût de cette reconstruction, de réaliser la justice sociale et de faire profiter toutes les régions de l’effort de développement. Nous faisions de l’opposition parce que le processus de reconstruction n’a pas été couronné par un renforcement de l’État. Je vois dans le gouvernement actuel des figures respectées de la magistrature et de l’administration. Je pense que cette équipe pourra rectifier les déviations du passé». M. Lahoud critique en outre les orientations politiques de l’ancien gouvernement. «Nous pensions que les besoins de la confrontation avec Israël nécessitaient un renforcement des libertés, dit-il. Une société libre est celle qui est le plus capable de canaliser toutes les énergies. Nous étions opposés à l’ingérence dans les affaires syndicales, à l’atteinte aux droits de l’homme (…) et au monopole exercé dans les médias audiovisuels. Je pense que la déclaration ministérielle s’engage à respecter les constantes nationales». M. Ismaïl Sukkariyé critique surtout «les faiblesses de la déclaration ministérielle dans le domaine de la santé». M. Assem Kanso déplore pour sa part l’absence d’une politique agricole bien définie, alors que MM. Jihad Samad, Ahmed Fatfat et Saleh el-Kheir, tous trois députés du Liban-Nord, insistent sur le développement équilibré. Ce thème est également soulevé par Mme Nouhad Soueïd, MM. Émile Naufal et Mahmoud Awad, députés de Jbeil. M. Pierre Daccache s’étend longuement sur le dossier des déplacés qui doit constituer, selon lui, une des principales priorités du gouvernement. M. Omar Meskaoui, ancien ministre des Transports du gouvernement Hariri, se montre pour sa part sceptique quant aux chances de réussite d’un gouvernement de techniciens. Il n’annonce pas clairement son intention de vote. Vers 22 heures, le président Berry lève la séance qui reprendra ce matin à 10h30.
Les députés qui ont pris la parole hier, à la Chambre, au premier jour du débat d’investiture, ont trouvé beaucoup à dire au sujet de la déclaration ministérielle, jugée un peu trop générale par la majorité parlementaire – opposante ou loyaliste. Le débat ouvert hier Place de l’Étoile prendra fin ce soir, à moins que la liste des orateurs (une quarantaine) ne...