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Actualités - INTERVIEWS

La francophonie prône aujourd'hui la souplesse

La francophonie a désormais un nouveau visage. S’inscrivant dans un cadre international marqué par la globalisation et par une Europe en gestation, et évoluant à la lumière des relations euro-méditerranéennes, la francophonie prône aujourd’hui la souplesse et accepte de cohabiter avec d’autres ensembles linguistiques et culturels. Position de repli ou adaptation aux mutations du siècle ? Pour Hélène Carrère d’Encausse, des nuances importantes sont à apporter à cette notion de francophonie. Tout d’abord, le changement de terminologie est assez significatif, car désormais, depuis le dernier sommet de Hanoi (novembre 1997), on parle plutôt de «pays qui ont le français en partage», d’où une dimension plus flexible de l’appartenance à l’ensemble francophone. «L’idée, c’est de répondre à un certain nombre de pays qui veulent maintenir un capital de connaissances de la culture française, qui n’est pas toujours la langue, mais un ensemble de convictions et de valeurs communes», note Mme Carrère d’Encausse. L’orientation actuelle, explique le député européen, est caractérisée par un «effort positif» pour que la francophonie, dans sa nouvelle acception, ne soit plus une réaction de défense contre «l’américanisation» comme elle l’avait été dans le temps. Une place pour la différence «Ce qui va servir la francophonie, c’est le développement d’efforts parallèles, tels que le renforcement de la lusophonie qui est en train de gagner du terrain, ainsi que l’hispanophonie, le fonds (le latin) étant commun» (aux trois ensembles). L’idée est à la création de grands ensembles qui témoignent d’un patrimoine commun qu’il s’agit désormais de défendre. «C’est un grand progrès qualitatif de la francophonie, explique Mme Carrère d’Encausse et ce, afin que la francophonie ne soit plus toute seule, comme un bloc, mais qu’elle essaie de susciter à côté d’elle un effort de même nature». D’ailleurs ce revirement est d’autant plus nécessaire que l’Europe se fait, et qu’il y a une place pour la différence. Mais il se justifie, également, comme étant une manière stratégique de contrer une globalisation envahissante, qui avance ces tentacules par Internet interposé. Oui, admet Hélène Carrère d’Encausse, il existe une américanisation en surface à cause des techniques de communication. Au Vietnam par exemple, cette américanisation est un fait inéluctable que les Vietnamiens n’ont pas toujours choisi. C’est clair à Hanoi, dit-elle, où les Français ont d’ailleurs construit un grand centre de conférences qui servira à toutes les rencontres… même anglophones ! De même, dans l’Est européen qui est sorti du communisme, si le modèle économique américain a une place centrale, certaines nations adhèrent aujourd’hui à l’ensemble des pays qui ont le Français en partage. C’est le cas de l’Albanie, de la Bulgarie, et de la Roumanie, explique Mme Carrère d’Encausse. «Il s’agit, pour ces pays, d’un choix clair pour une communauté de culture», dit-elle, et d’ajouter que le fait nouveau, c’est qu’il y a aujourd’hui plusieurs communautés de culture. «Dans un monde différencié, il y a de la place pour tous», affirme Mme Hélène Carrère d’Encausse. Ne pourrait-on pas ajouter que le partage est, dorénavant, de rigueur, dans une Europe où d’autres pôles sont en train de s’affirmer? Trois ou quatre grandes langues La définition de l’Europe linguistique en est une illustration claire. Alors que le français et l’anglais se partageaient auparavant le terrain, aujourd’hui ce sont 3 ou 4 grandes langues qui s’affirment en Europe, car il est impensable d’en avoir 25, explique Mme Carrère d’Encausse. Une chose est certaine : la coexistence du français aux côtés d’autres langues européennes n’est qu’une manière subtile d’atténuer la suprématie de l’anglais. Également pour contrer la prééminence des États-Unis dans la région, devenue encore plus patente avec le récent come-back américain au Liban, les relations euro-méditerranéennes prennent notamment leur sens au regard de cette compétition. «Tant que l’Europe n’a pas de structure de sécurité, explique le député européen, les Américains resteront seuls sur la scène internationale. Le problème, c’est que l’Europe est une réalité économique formidable, mais pas une réalité politique formidable», dit-elle en relevant qu’il n’y a jamais eu de «leadership européen» dans toutes les crises qui se sont succédé dans la région jusqu’à présent. «Nous n’avons pas prêté assez d’attention à cette partie du monde. Il y a eu une lenteur à affirmer la vocation méditerranéenne de l’Europe», affirme Mme Hélène Carrère d’Encausse. Une hésitation qui serait peut-être due au fait qu’il y avait deux tendances au début, à savoir la tendance britannique et allemande qui voulait plutôt s’ouvrir vers les pays de l’Est et, de l’autre côté, la tendance exprimée par la France, l’Italie et l’Espagne en faveur d’une ouverture vers la Méditerranée, la deuxième tendance l’ayant emporté. Dernièrement, commente le député européen, les pays méditerranéens ont eu le sentiment qu’il y avait une priorité de l’Europe de l’Est sur eux. Il s’agit beaucoup plus d’un «rééquilibrage» qui se fait actuellement. Les relations euro-méditerranéennes représentent la grande direction européenne. Consolidées au nom de la présence traditionnelle de la francophonie dans cette partie du monde, les relations euro-méditerranéennes sont aujourd’hui mues par des considérations économiques certaines, mais aussi par une volonté politique, qui est celle de la sécurité de l’Europe. Dans l’attente qu’une politique étrangère et une sécurité commune à l’ensemble du vieux continent soient mises en œuvre, la présence de plusieurs des pays européens s’intensifie sous le signe des relations culturelles et économiques en Méditerranée. Une question ne semble pas encore tout à fait résolue, celle de savoir si la France a été réellement évincée face aux Américains de la scène libanaise, comme d’aucuns le prétendaient. «Les impressions sont encore fraîches dans ma tête», dira Mme Carrère d’Encausse qui conclut en disant : «Qu’est-ce qui est plus stratégique que le Liban» pour ceux qui se considèrent comme étant les arbitres dans la région?
La francophonie a désormais un nouveau visage. S’inscrivant dans un cadre international marqué par la globalisation et par une Europe en gestation, et évoluant à la lumière des relations euro-méditerranéennes, la francophonie prône aujourd’hui la souplesse et accepte de cohabiter avec d’autres ensembles linguistiques et culturels. Position de repli ou adaptation aux...