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Actualités - INTERVIEWS

Contre les inamovibles dans le nouveau Cabinet Joumblatt : ne touchez pas à Taëf !

Les rebondissements politiques sur le plan interne étaient-ils à prévoir? Et dans quelle mesure le revirement inattendu intervenu sur la scène gouvernementale peut-il être lié à un nouveau style d’application de la Constitution née à Taëf ? De l’avis du ministre des Déplacés Walid Joumblatt, que nous avons rencontré en cours de week-end, il ne faut pas se livrer à des jeux constitutionnels qui pourraient remettre en question un équilibre délicat. Pour lui, «les prérogatives des trois présidents ont clairement été définies à Taëf». Ce n’est pas le moment de créer des zizanies, a-t-il dit, «la situation locale et régionale étant très critique». Cependant, le refus affiché dimanche soir par M. Hariri de former le nouveau gouvernement et les développements sur la scène politique au cours des dernières quarante-huit heures relancent le débat d’une part sur les éventuels «risques d’un rééquilibrage des pouvoirs en présence» – si risques il y a –, d’autre part sur le point de savoir si un tel réajustement peut réellement entraîner un blocage au niveau des institutions, comme l’avait affirmé samedi dernier M. Joumblatt. Interrogé sur le bras de fer qui avait été déclenché la semaine dernière entre le président Lahoud et M. Hariri, pour imposer un nouveau rapport des forces sur la scène politique, M. Joumblatt a indiqué que ce serait «un mauvais départ» car une telle manœuvre pourrait aboutir, selon lui, à «un durcissement confessionnel». «Il est malsain de se lancer dans une nouvelle tentative d’interprétation de Taëf. Je ne crois pas que les ténors du Parlement soient de l’ envergure de Maurice Duverger», a-t-il dit en faisant allusion au grand constitutionnaliste et sociologue français. De l’avis de M. Joumblatt, le problème qui s’était posé d’entrée de jeu sur la délimitation des prérogatives du président de la République et du chef du gouvernement risquait de bloquer le processus de désignation du Premier ministre et par conséquent la formation du nouveau gouvernement. Pour le ministre des Déplacés, il ne s’agit pas tant de rétablir un équilibre entre les deux pouvoirs, que de redorer en quelque sorte «l’image publique» d’un président chrétien qui aurait été relégué au second plan, le Premier ministre Hariri ayant focalisé sur lui toute l’attention. Équilibre délicat Pour M. Joumblatt, une des raisons de la guerre civile a été «l’accaparement par le président maronite de tous les pouvoirs», ce qui, selon lui, avait été par la suite réajusté par la Constitution de Taëf. L’équilibre né à Taëf est très délicat ; ce serait très maladroit de chercher à le remettre en cause, a-t-il affirmé.. Cependant, a ajouté le ministre, «le président a toujours son mot à dire ; il peut signer les décrets comme il peut refuser de le faire» (avec cette nuance près que certains textes seront quand même adoptés si le président maintient sa position passé un délai de 40 jours). Quant au sentiment de dépit et d’amertume («ihbat») que ressent le camp chrétien depuis la mise en application des accords de Taëf, le chef du PSP s’est demandé quelle en était l’origine. «Les chrétiens en tant qu’existence culturelle, économique, militaire et même physique ont-ils jamais été en danger après Taëf» ? a-t-il fait remarquer. Et le ministre d’expliquer que certains chrétiens sentent qu’ils sont devenus des laissés-pour-compte parce que le général Aoun n’est plus là et que Samir Geagea est en prison. «D’ailleurs, la première chose que nous avons demandé au président Lahoud c’est de relâcher Samir Geagea», a-t-il ajouté. À la question de savoir si son rapprochement récent avec le Premier ministre sortant n’avait pas en quelque sorte constitué un prélude à un axe qu’il formerait avec M. Hariri pour faire face à un président présenté comme fort, M. Joumbatt a répondu que lorsqu’il avait vu, il y a quelque temps, M. Hariri, ce dernier était pleinement disposé à collaborer avec le général Lahoud. D’ailleurs , a ajouté le ministre des Déplacés, si le mot “fort” veut dire «capable de faire appliquer la loi , d’imposer de nouvelles taxes à la bourgeoisie libanaise, de presser les banques afin qu’elles paient un peu de leurs intérêts , ou encore d’appliquer la réforme administrative, pourquoi pas ?» «Le discours d’investiture, a-t-il jugé, était excellent». Une inconnue L’inconnue reste toutefois la relation du chef du PSP avec le nouveau régime, une question qui, a-t-il estimé, relève du principe de «l’offre et de la demande». Si les mêmes ministres, dits inamovibles, vont être inclus dans le nouveau gouvernement à venir, M. Joumblatt refusera d’en faire partie. «D’ailleurs, s’il y a des inamovibles», a-t-il ajouté, cela constitue un mauvais départ pour le régime». En tous les cas, le retour de ces «éternels» ministres semble déjà remis en cause par le retournement de situation qui s’est opéré durant les dernières quarante-huit heures, et Taëf n’apparaît plus aussi «intouchable», dans la pratique. Ayant maintenu sa position de départ, qui était de considérer qu’il peut effectivement disposer des voix recueillies au cours de ses consultations, le président Lahoud aurait ainsi réussi à redonner sa place, dans une certaine mesure, à une première magistrature, quelque peu éclipsée, non pas seulement par la Constitution de Taëf, mais surtout par la présence d’un Premier ministre «de poids». Ainsi, la prestation du général Lahoud aurait, semble-t-il, provoqué un début de réajustement des pouvoirs du président de la République. En effet, le dernier bras de fer vient de prouver que la Constitution peut donner lieu à plusieurs interprétations, dès lors qu’il y a un acteur qui sait «lire» sous un angle différent.
Les rebondissements politiques sur le plan interne étaient-ils à prévoir? Et dans quelle mesure le revirement inattendu intervenu sur la scène gouvernementale peut-il être lié à un nouveau style d’application de la Constitution née à Taëf ? De l’avis du ministre des Déplacés Walid Joumblatt, que nous avons rencontré en cours de week-end, il ne faut pas se livrer à des...