Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Damas ne répond pas

Pour la première fois depuis longtemps, les Libanais n’arrivent pas à suivre le déroulement des événements. Brusquement, ils ont le sentiment que les bouleversements se précipitent et que la situation n’obéit plus aux mêmes règles. Les vieilles recettes ne fonctionnent plus et ceux, blasés, qui misaient sur une réconciliation «à la libanaise» (comprendre   sous l’égide de Damas) se sentent totalement déboussolés. Le Liban serait-il donc en train de vivre, pour la première fois depuis longtemps, sa première crise politique interne, seul, comme un adulte responsable? La question mérite qu’on s’y arrête, tant depuis la pax syriana et l’avènement du régime dit de l’après-guerre, les responsables libanais avaient pris l’habitude de s’en remettre à la Syrie, au moindre obstacle ou à la moindre friction. Pis, les responsables libanais avaient même pris le pli de faire les concessions, lorsque cela s’avérait nécessaire, aux Syriens et non à leurs compatriotes, estimant que c’était une démarche plus valorisante, ou, en tout cas, plus rentable. Les exemples à ce sujet abondent et il est inutile d’y revenir. Pourtant, depuis vendredi soir et alors que la crise entre le chef de l’État Émile Lahoud et le président du Conseil non désigné Rafic Hariri commençait à poindre, il n’y a eu aucune intervention officielle de la Syrie. On est en tout cas bien loin des inépuisables navettes entre Beyrouth et Damas des divers médiateurs et autres hommes «de bonne volonté». On est aussi bien loin des mots d’ordre puisque jusqu’à hier soir, plusieurs députés hésitaient encore à désigner leur nouveau candidat pour le second tour des consultations. N’ayant pas reçu de directives précises, certains d’entre eux cherchaient désespérément à humer le nouvel air du temps, avant de devoir se jeter à l’eau. Du côté de Baabda, on a dès le début annoncé la couleur, refusant toute médiation et précisant que le seul arbitre doit être la Constitution. «Les concessions auxquelles aboutissent forcément les médiations ne peuvent se faire qu’aux dépens de la loi», déclarait-on au palais présidentiel. L’idée de la médiation a été alimentée par les rumeurs sur une éventuelle visite, hier, de M. Rafic Hariri à Damas. Les mêmes rumeurs ont insinué que le président du Conseil sortant aurait émis le souhait de rencontrer les responsables syriens et ceux-ci auraient répondu qu’ils sont actuellement trop pris par les élections législatives en Syrie. Les détracteurs de M. Hariri ont fait aussi remarquer que le Premier ministre sortant a confié son souhait de ne pas accepter de nouvelles responsabilités à une agence de presse étrangère avant d’en parler à la presse locale. Et la riposte est venue rapidement à travers un communiqué de la présidence de la République acceptant la renonciation de M. Hariri à la fonction, avant la visite de ce dernier à Baabda, hier matin. Pourtant, dans une conversation à bâtons rompus avec les journalistes, dans l’après-midi d’hier, les proches de M. Hariri ont précisé que ce dernier avait dès vendredi exprimé son refus d’être chargé de la formation du nouveau gouvernement. La nouvelle avait été en tout cas bien gardée et ce n’est que dimanche soir que M. Hariri a fait des confidences au correspondant d’une agence de presse étrangère. Ce qui prouverait, selon des sources parlementaires, que le président Lahoud souhaitait sincèrement collaborer avec le Premier ministre sortant. Naturellement, les sceptiques prétendront que cette crise ne signifie nullement un désengagement syrien des affaires internes libanaises, mais plutôt une décision syrienne de permettre au jeu politique libanais de suivre son cours normal, même si cela devait aboutir à un affaiblissement de M. Hariri. D’autres diront plutôt que cette crise est surtout le reflet d’un changement à l’intérieur de la Syrie. Quelles que soient les explications, le fait est que, désormais, quelque chose est visiblement différent dans la vie politique libanaise. Ce n’est pas tant un éventuel changement de personnes que la façon de procéder. Le président Émile Lahoud avait d’ailleurs promis un tel phénomène dans son discours d’investiture, mais nul n’aurait cru que les choses iraient si vite. Lahoud avait certes donné le ton le jour même de son entrée en fonctions en publiant un communiqué chargeant le gouvernement démissionnaire d’expédier les affaires courantes, sans avoir reçu au préalable M. Hariri, mais il en fallait plus pour convaincre les sceptiques. Une présence syrienne moins impliquée dans les affaires internes libanaises, c’était donc jusqu’à ces derniers jours une utopie. Cela pourrait devenir une réalité si la Constitution et la loi deviennent les seuls régulateurs de la vie politique.
Pour la première fois depuis longtemps, les Libanais n’arrivent pas à suivre le déroulement des événements. Brusquement, ils ont le sentiment que les bouleversements se précipitent et que la situation n’obéit plus aux mêmes règles. Les vieilles recettes ne fonctionnent plus et ceux, blasés, qui misaient sur une réconciliation «à la libanaise» (comprendre   sous...