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Actualités - REPORTAGE

Justice - Audience technique hier au procès Karamé Trois témoins, mais peu de certitudes (photo)

«Pourquoi Samir Geagea a-t-il le droit de commenter les déclarations des témoins et pas moi ?». Après une longue période de silence, le brigadier Khalil Matar a repris hier la vedette au procès Karamé. Il est vrai que la cour a entendu deux militaires qui servaient sous ses ordres à la base de Halate, à l’époque de l’attentat en juin 1987. Le brigadier inculpé en a profité pour leur poser des questions, pour faire des remarques et parfois pour répondre à leur place, animant ainsi une audience plutôt calme, consacrée aux questions techniques. Me Edmond Naïm, avocat de Geagea, se ralliant aux thèses du procureur général Adnane Addoum ? On croirait rêver. Pourtant, Me Naïm tient à appuyer le procureur lorsque celui-ci proteste contre la dernière initiative de Karim Pakradouni, autre avocat du chef des FL dissoutes. Pakradouni avait en effet communiqué à la presse une coupure de journal attestant des propos qu’il avait tenus devant la cour de justice, avant de la présenter au tribunal. Addoum juge que c’est contraire au code de procédure pénale, qui prévoit des procès publics dans lesquels tous les documents doivent faire l’objet d’un débat entre les diverses parties. Me Naïm l’approuve. Me Bassam Dayé, de la partie civile, exhibe alors une déclaration de Mme Sonia Racy, faite la veille à l’Ani, contredisant les propos de Pakradouni et le débat en reste là, car Me Dayé, atteint d’une méchante grippe, préfère consacrer le peu d’énergie qui lui reste à poser des questions aux témoins. Le brigadier à la retraite Chéhadé Maalouf est un expert en explosifs. Il a inspecté les restes de l’hélicoptère à bord duquel est mort Rachid Karamé, le 1er juin 1987 à la suite d’une explosion. Maalouf est très prudent. Ce qui est sûr, selon lui, c’est qu’il y a eu une explosion dans l’hélicoptère, causée par une charge placée derrière le dossier du siège sur lequel était assis Karamé. Mais pour le reste, il ne peut rien affirmer. Il émet toutefois plusieurs hypothèses : en raison de la faible puissance de la charge et de son emplacement, entre le dossier du siège et le corps de l’hélicoptère, l’attentat visait apparemment une seule personne. Ce qui fait largement sourire Geagea, car même s’il ne parvient pas à prouver son innocence, la condamnation devient ainsi moins lourde. Deux bouts de câble ont disparu Mais son sourire s’efface lorsque le témoin affirme que la puissance de l’explosion et la température, variant entre 1 500 et 4 500 degrés, qu’elle suscite ne provoquent pas la fonte des câbles reliés au détonateur. En effet, au cours de l’audience précédente, la cour avait montré au témoin Farès Khabbaz quatre bouts de câble, dont deux légèrement noircis auraient été trouvés dans les décombres de l’explosion. Les deux autres, intacts, faisaient partie des stocks réquisitionnés par l’armée dans les dépôts des FL et l’ingénieur Khabbaz avait déclaré que les quatre bouts avaient les mêmes caractéristiques. Geagea lui avait alors demandé si l’explosion provoquait une puissante température et devant sa réponse positive, il avait fait remarquer que les câbles devaient forcément fondre, non noircir. Le brigadier Maalouf affirme donc le contraire car, selon lui, la température ainsi provoquée dure un centième de seconde et elle est donc insuffisante pour faire fondre des câbles. Mais un autre problème surgit : il apparaît que les deux bouts de câble montrés à l’ingénieur Khabbaz ne seraient pas ceux qui sont aujourd’hui en possession de la cour. Le président Mounir Honein affirme qu’il est en train de rechercher les bouts manquants, ce qui ne rassure qu’à moitié la défense. La mer, endroit idéal Tout en penchant pour l’hypothèse de l’explosion par télécommande, Maalouf précise qu’il ne peut être catégorique. Il explique qu’il a examiné un cas similaire lorsqu’une charge a été trouvée à bord de l’avion du président Amine Gemayel en mai 1987. Le dispositif était formé d’un émetteur branché sur deux fréquences et d’un récepteur qui les reçoit et transfère la fréquence de l’explosif vers le condensateur, lui-même relié à une batterie. Celle-ci fait alors exploser le détonateur qui actionne la charge. Le témoin ajoute qu’avec la technologie moderne, l’opération peut se faire sur de longues distances et il précise que la mer est l’endroit idéal pour ce genre d’opération; les fréquences y sont captées avec beaucoup plus de netteté. En réponse à une question, il déclare ne pas connaître les émetteurs de type Geneva (comme celui que possédait le brigadier Matar et qui, selon lui, ne capte que les fréquences réservées à l’aviation). Mais il ajoute que n’importe quel récepteur peut être utilisé dans ce genre d’opération, l’essentiel étant de choisir des fréquences spéciales pour éviter que le système ne soit actionné par accident. Le témoin explique que lorsque l’émetteur voit la cible choisie à l’œil nu, il émet aussitôt la fréquence voulue et le dispositif est mis en action. Parfois, lorsque la cible est invisible à l’œil nu, il a besoin d’un intermédiaire, une personne sans qualifications particulières, munie d’un poste pour donner l’alerte au passage de la cible. Paiement de loyers La cour auditionne ensuite l’aspirant Abdo Riachi et l’aspirant à la retraite Assad Tahtah. Les deux hommes servaient sous les ordres du brigadier Matar à la base de Halate. Entendus séparément, les deux hommes font deux dépositions totalement identiques, affirmant que le brigadier les a aidés financièrement en payant leurs loyers respectifs d’octobre 1987 à janvier 1990. Chacun d’eux avait un loyer de 4000 LL par mois et tous deux sont restés dans leurs maisons jusqu’en mai 1998. Ils payaient alors un loyer mensuel de 40 000 LL, mais ils n’ont jamais fait de contrat de location et payaient sans recevoir de reçu. Ils ajoutent que lorsqu’il les aidait, c’est Matar qui réglait directement le loyer au propriétaire. Les appartements étaient situés dans l’enceinte de la base. Les deux hommes ont ainsi confirmé ce qu’avait dit Matar à la cour au sujet des aides qu’il recevait des FL et d’autres et qu’il dépensait pour assister ses subordonnés. Les deux hommes confirment aussi que la base de Halate a résisté pendant plusieurs heures lors de l’attaque des FL en janvier 1990, mais tous deux ignorent que le général Aoun, alors commandant en chef de l’armée, avait sanctionné le brigadier «pour avoir cédé sa base aux FL sans combat». Jugeant le témoignage de Riachi complaisant, Addoum se réserve le droit de le poursuivre pour faux témoignage. Matar interroge longuement l’aspirant retraité Tahtah qui confirme toutes les précédentes déclarations du brigadier concernant le fonctionnement de la base, les consignes de vol et autres mesures. Mais lorsque la partie civile cherche à coincer le témoin, Matar s’écrie : «C’est un simple technicien chargé de la préparation des avions pour le vol». Ce que confirme le témoin. Vendredi, la cour entendra d’autres techniciens et l’audience s’annonce longue.
«Pourquoi Samir Geagea a-t-il le droit de commenter les déclarations des témoins et pas moi ?». Après une longue période de silence, le brigadier Khalil Matar a repris hier la vedette au procès Karamé. Il est vrai que la cour a entendu deux militaires qui servaient sous ses ordres à la base de Halate, à l’époque de l’attentat en juin 1987. Le brigadier inculpé en a...