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Actualités - REPORTAGE

Baabda - Cérémonie réduite au minimum entre Hraoui et Lahoud Changement de locataire au pas de charge (photos)

Le palais présidentiel est sous le choc. Les caméras de télévision ronronnent à plein rendement pour suivre la cérémonie d’investiture retransmise en direct. Journalistes blasés et militaires attentifs en ont le souffle coupé. Le nouveau régime vient de commencer et tout le monde pressent que désormais, il y aura un «Avant» et un «Après». Entouré de ses proches collaborateurs et des membres de sa famille, le président Élias Hraoui suit aussi la retransmission du discours de son successeur à partir de son domicile. Dans quelques instants, il cédera la place au général Émile Lahoud avec, dira-t-il, «un serrement au cœur» Une page d’histoire est tournée. Pour des milliers de Libanais, celle qui s’ouvre est porteuse d’un formidable élan d’espoir. Comme s’il voulait dès le départ montrer que son mandat ne sera pas consacré aux festivités, le président Lahoud réduit au minimum la cérémonie de passation des pouvoirs. Et s’il ne peut empêcher son prédécesseur de prononcer un ultime message d’adieux, il ne cédera pas à la tentation de prendre à son tour la parole. Ce qu’il a à dire, il l’a dit au Parlement et désormais, on sent qu’il a hâte d’agir. Décidément, il n’arrête pas de surprendre les habitués du palais présidentiel. Il a beau faire un effort pour se mettre à leur diapason, les fonctionnaires, habitués à une routine confortable, ont du mal à suivre son rythme. Ils l’attendaient d’ailleurs en grande pompe, et il arrive avec une seule voiture d’escorte, sans motards, ni sirènes hurlantes. Le président Hraoui qui attend dans l’immense vestibule de marbre n’en revient pas et il comprend alors pourquoi le trajet qui aurait dû prendre une dizaine de minutes s’est prolongé pendant près d’une demi-heure, Lahoud ayant refusé qu’on lui ouvre la voie. Rapide revue de l’unité de la Garde présidentielle et c’est l’entrée au palais sous les épées. Hraoui est entouré du chef du protocole, M. Maroun Haïmari, de ses conseillers Manaf Mansour et May Kahalé, du directeur général par intérim de la présidence Mahmoud Osman et de l’ancien chef de la Garde présidentielle, le brigadier Michel Harrouk, désormais mis à la disposition du commandement. D’ailleurs, la plupart des officiers de cette brigade ont été mutéss. Ceux qui ont été nommés à leur place prendront leurs fonctions dans les prochains jours. Autour du président Lahoud, il y a surtout des officiers, certains en civil comme le nouveau chef de la Garde présidentielle, le colonel Moustafa Hamdane, et d’autres en tenue d’apparat, comme le colonel Gaby Reaïdy. Dès lundi, ils ont investi les lieux, procédant aux ultimes arrangements avant l’installation du nouveau président et de sa famille. Une installation qui s’effectue dans la plus grande discrétion, l’épouse du président étant invisible alors que ses deux fils continueront à résider au chalet du Bain militaire en raison de leurs déplacements et ne passeront à Baabda que les week-ends. Mais déjà, au palais présidentiel, le ton est donné. May Kahalé (qui affirme avoir de nombreuses propositions de travail à étudier et écarte la possibilité d’une nomination dans le corps diplomatique) et son équipe de trois personnes ayant quitté leurs bureaux à la fin de la semaine dernière, l’aile réservée au service de presse présidentiel est encore un peu vide. En tout cas, aucune silhouette féminine ne hante les lieux. Partout, ce sont des hommes qui se déplacent au pas de charge, l’air affairé de ceux qui n’ont pas le temps de causer. Le président Hraoui est tellement ému qu’il ne lance pas ses boutades habituelles. S’il est visiblement vexé parce que le président Lahoud ne lui a rendu aucun hommage dans son discours, il n’en dit mot, se contentant de lancer une pointe au président de la Chambre, qui, s’adressant à Lahoud, lui a dit : «Excellence…» Hraoui commence donc son mot d’adieux en s’écriant : «J’ai supprimé tous les titres ottomans, mais si vous voulez les remettre, libre à vous. Quant à moi, je me contenterai de vous dire : monsieur». Hraoui lance une pointe à Berry Hraoui ne peut s’empêcher de rappeler que Lahoud est un vieux compagon de route, du temps de la crise. «Vous souvenez-vous que lorsque je vous ai nommé à la tête de l’armée, il n’y avait pas de machine à écrire à ma disposition et le décret a été écrit à la main sur une feuille blanche?» demande-t-il. Il ajoute que comme tous les Libanais, il lui souhaite de réussir dans ses nouvelles fonctions et de parvenir comme il l’a promis à montrer comment seront dépensées les recettes des impôts. Hraoui conclut : «Je quitte ces lieux avec un serrement de cœur car, comme vous l’avez souligné, le territoire n’a pas encore été entièrement libéré.» Puis il se tourne pour remettre au nouveau président le Grand Cordon de l’Ordre national du Mérite. Comme il s’empêtre dans le micro, les photographes hurlent : «Attention». C’est un Hraoui fatigué qui lance : «Messieurs, je vais bientôt avoir 73 ans et je ne vois pas pourquoi vous me parlez sur ce ton». Puis il écarte le micro d’un air résigné. Et lorsque les photographes réclameront avec insistance une poignée de main symbolique entre les deux hommes, il se prêtera volontiers à leur souhait. Lahoud laisse faire, cédant encore pour quelques instants la vedette au président sortant. Et c’est côte à côte que ces deux hommes si dissemblables serrent les mains des journalistes. Puis, rapidement, Hraoui quitte les lieux, soucieux soudain d’abréger les adieux. Comme un fonctionnaire qui passe à la retraite, il a le sentiment d’être de trop et que tout le monde attend son départ pour commencer à travailler. Il a brusquement l’air vieux et fatigué en montant à bord de sa voiture. Mais il redresse la tête pour un dernier salut et c’est sans un regard en arrière qu’il quitte Baabda. Avant lui, il y a dix ans, Amine Gemayel alors président n’avait quitté le palais qu’à 1h30 du matin pour laisser la place au général Michel Aoun. L’image passe comme un éclair, mais nul ne veut s’y attarder. À Baabda, il n’y a pas que des moments de joie. Il y aussi beaucoup de fantômes d’un passé terrible. Puisse le mandat Lahoud effacer à jamais les ombres de la guerre.
Le palais présidentiel est sous le choc. Les caméras de télévision ronronnent à plein rendement pour suivre la cérémonie d’investiture retransmise en direct. Journalistes blasés et militaires attentifs en ont le souffle coupé. Le nouveau régime vient de commencer et tout le monde pressent que désormais, il y aura un «Avant» et un «Après». Entouré de ses proches...