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Actualités - REPORTAGE

La présence parmi l'assistance d'un représentant d'Amnesty a fait sensation Affaire Karamé : je suis convaincue que les FL ont commis l'attentat, affirme la secrétaire de Ghassan Touma (photos)

Dans l’affaire de l’assassinat de Rachid Karamé, l’assistance attendait avec impatience la comparution devant la Cour de justice du second témoin à charge, Amale Abboud, ancienne secrétaire personnelle du chef du service de sécurité des FL dissoutes Ghassan Touma. Chacun se demandait pourquoi une personne aussi proche de Touma avait pu, au cours de l’enquête préliminaire, faire des révélations impliquant ce dernier. Alors que la défense espérait une rétractation, la partie civile, au contraire priait pour que le témoin confirme ses précédents propos. En somme, tout le monde retenait son souffle... Jusqu’à l’entrée dans la salle du tribunal d’une jeune femme toute simple, quelque peu intimidée et rougissante, parlant sans passion, mais aussi sans hargne. Niant avoir fait l’objet de pressions, dans un sens ou dans l’autre, l’ancienne secrétaire, aujourd’hui vendeuse dans un magasin, a précisé à la Cour qu’au cours de l’enquête préliminaire, on lui a simplement demandé de dire la vérité dont elle se souvenait. Et c’est ce qu’elle a fait. L’assistance apprend ainsi qu’après l’opération contre le premier ministre Rachid Karamé, le 1er juin 1987, c’est un Samir Geagea tout souriant — chose rare a même précisé le témoin, provoquant ainsi les rires du chef des FL dissoutes — qui est entré dans le bureau de Ghassan Touma, pour une réunion extraordinaire avec des responsables au sein du service de sécurité. Et, entrant pour servir le café, elle l’a entendu s’écrier: «Ce fils de P...! Il voulait nous défier...». Impressionnée par ce qu’elle a entendu, elle demande alors à la seconde secrétaire Myrna Tawil, devenue par la suite Mme Ghassan Touma: «Ce sont donc les FL qui ont commis l’attentat?», et l’autre aurait répondu: «Bien sûr. Se croit-il aussi fort que nous?». A une question précise du procureur Addoum, Amale Abboud va encore plus loin, affirmant qu’elle a été convaincue de la responsabilité des FL dans l’assassinat du premier ministre Rachid Karamé par les éléments suivants: «Avant l’attentat, les FL estimaient que le premier ministre constituait le principal obstacle à l’ouverture de l’aéroport de Halate, auquel elles tenaient. Ensuite, après l’assassinat, la joie régnait au service de sécurité. Le même jour, Samir Geagea est venu au bureau de Ghassan Touma, ce qu’il faisait exceptionnellement et, enfin, les propos de Myrna Tawil... Tout cela m’a convaincu que les FL sont derrière l’opération...». Minimisant l’importance de ces propos, les avocats de la défense laissent entendre qu’il est normal qu’un témoin à charge accable les inculpés. Et ils se réservent le droit de détruire la déposition d’Amale Abboud, lorsque viendra leur tour de poser les questions, c’est-à-dire au cours de la prochaine audience qui se tiendra le jeudi 30 mai. Le représentant d’Amnesty Lorsque l’audience est déclarée ouverte, peu avant 14 heures, l’attention générale est captée par la présence, parmi les journalistes, du représentant d’Amnesty international, Abdel Salam Sid Ahmed. Ce dernier aurait sans doute préféré que sa présence reste discrète, mais comme tout le monde se connaît désormais dans la salle du tribunal devenue une sorte de vase clos, il n’est pas passé inaperçu. M. Sid Ahmed, qui était au Liban il y a quelques mois pour présenter le rapport annuel d’Amnesty, précise qu’il est venu préparer le nouveau rapport. Selon lui, le procès impliquant le chef des FL dissoutes a un volet politique et l’organisation qu’il représente s’intéresse beaucoup à ce genre d’affaires. «Naturellement, ajoute-t-il, on ne peut juger en une seule audience si un procès est équitable, mais cela permet quand même d’avoir une idée de ce qui se passe...». A la fin de l’audience, il quitte la salle sans le moindre commentaire et il doit retourner aujourd’hui à Londres, siège de l’organisation. Tout au long de l’audience, il prend toutefois soigneusement des notes et échange à plusieurs reprises des sourires avec les inculpés. Une ceinture pour Keitel Hayeck Mais l’air serein dans son chemisier rose pâle, Samir Geagea est surtout soucieux de voir son épouse, qu’il regarde longuement, attendri. Camille Rami est, lui, toujours aussi hilare, Aziz Saleh toujours aussi discret et le brigadier Khalil Matar égal à lui-même. De son côté, Antoine Chidiac ne tient pas en place, il demande même l’autorisation de se rendre aux WC, alors que le commandant de réserve, Keitel Hayeck, a enfin pu mettre une ceinture en cuir autour de son jeans devenu visiblement trop grand sur lui et qui, au cours des précédentes audiences, menaçait de tomber. (En général, les détenus n’ont pas droit à des ceintures par mesure de sécurité). Après l’appel de routine, le président Mounir Honein entame l’interrogatoire d’Amale Abboud. Celle-ci raconte ainsi qu’elle a adhéré aux FL en 1982, au début de la «guerre de la montagne». Après l’exode en 1983, elle a suivi Ghassan Touma au village de Ram (Jbeil), puis à Borj el-Fidar, ensuite à l’Oberly et enfin au siège du service de sécurité, à la Quarantaine. C’est un peu le parcours du précédent témoin, José Bakhos, et de l’inculpé Aziz Saleh, et Amale Abboud confirme connaître les deux hommes depuis cette période. Concernant l’assassinat de Rachid Karamé, elle précise avoir vu un matin, peu avant l’opération, Ghassan Touma et Afif Khoury (chef de la force navale des FL) quitter le bâtiment du service de sécurité, à une heure matinale. Auparavant, elle avait dit que c’était le jour de l’opération, puis devant la Cour, elle rectifie: «Je ne me souviens pas avec exactitude. Cela a pu se passer avant l’opération». (Dans l’acte d’accusation, le 1er juin 1987, Touma s’est directement rendu à la base navale de Jounieh à partir de son domicile à Fatka). Amale Abboud poursuit son récit: Touma est revenu à son bureau vers midi et s’est aussitôt rendu au conseil militaire «chez le hakim», lui aurait-il dit et, s’adressant à sa future femme, il aurait lancé: «Je suis joignable par TSF». Auparavant, les deux secrétaires auraient reçu plusieurs rapports des «opérations du service de sécurité» sur la mort de Karamé, à bord d’un hélicoptère. Comme toutes deux faisaient mine de les montrer à Ghassan Touma, ce dernier leur a, à peine, jeté un coup d’œil. Il aurait ensuite ri et hoché la tête, «comme, précise le témoin, s’il était déjà au courant». Opération sur mesure Peu après le départ de Touma, Tony Obeid et Ghassan Menassa (inculpés en fuite) arrivent dans le bureau des deux secrétaires , souhaitant rencontrer leur chef. Voyant les dépêches sur le bureau, Tony Obeid les consulte et déclare: «C’est bien. C’est une opération sur mesure. Il est la seule victime». Toujours selon Amale Abboud, Ghassan Touma revient près de deux heures plus tard et entre dans son bureau. Il est suivi de près par Samir Geagea. Ce qui est un grand événement puisque, selon elle, c’était la première fois qu’il se rendait à ce bureau. Tony Obeid, Ghassan Menassa et Pierre Rizk (Akram) se joignent à la réunion. Au téléphone, Ghassan Touma lui demande de leur faire du café, vu que, l’après-midi, les femmes en charge de cette fonction ne sont pas là. Elle entre donc avec les cafés et voit Ghassan Touma debout en train d’expliquer quelque chose avec des gestes. Samir Geagea, souriant, est assis sur le canapé, les mains sur les hanches. Elle l’entend dire: «Ce fils de P...! Il voulait nous défier». Elle sort et demande alors à Myrna si ce sont les FL qui ont fait l’opération... Vers 17h30, c’est déjà le crépuscule (à l’époque l’heure d’été ne commençait qu’à la fin du mois de juin), elle contacte Touma au téléphone pour l’informer qu’elle s’apprête à rentrer chez elle et il lui aurait dit: «Que José (chef de l’escorte) te raccompagne et que l’un des chabab nous apporte des gâteaux». A la Cour, Amale Abboud précise que lorsque Touma dit José, cela signifie l’escorte. Elle ajoute ensuite que Touma avait l’habitude d’envoyer chercher des gâteaux, pendant les réunions, pas nécessairement à des occasions précises. Comme les avocats de la partie civile insistent sur l’air joyeux de Samir Geagea, ce jour-là, le président Honein lui demande si elle-même était heureuse de la nouvelle et elle répond avec franchise: «Oui, comme tous les membres des FL». A une autre question, elle précise avoir vu une seconde fois Samir Geagea au bureau de Touma. C’était en 88, à la veille de la séance parlementaire pour l’élection de Mikhaël Daher à la présidence de la République. «Il s’agissait alors, dit-elle, des préparatifs pour empêcher les députés de se rendre à la séance». Amale Abboud raconte encore deux faits: après l’assassinat, elle a reçu un rapport en provenance de la section d’information du service de sécurité, précisant que Touma a préparé l’opération et qu’un militaire de la base d’Adma, travaillant pour le compte des FL a placé l’explosif à bord de l’hélicoptère. Interrogée sur son nom, elle affirme ne pas s’en souvenir. Peu de temps après, le quotidien «As Safir», alors hostile aux FL, publie un article dans lequel il est dit que Ghassan Touma est derrière l’attentat et qu’il se trouvait à bord d’un bateau, en compagnie de Afif Khoury. Il aurait bénéficié de la complicité d’un militaire à la base d’Adma... Selon le témoin, les parents de Ghassan Touma sont alors venus au bureau de leur fils, inquiets que l’on puisse le poursuivre. Ils sont aussitôt introduits auprès de lui et Amale Abboud demande alors à Myrna: «Et s’ils arrêtaient le militaire?». L’autre aurait répondu: «Beaucoup d’eau coulera sous les ponts avant qu’il n’y ait un Etat. De toute façon, nous avons envoyé le militaire à l’étranger...». Amale Abboud déclare encore avoir vu plusieurs fois le brigadier Matar chez Touma, ajoutant que Myrna lui racontait qu’il se rendait aussi à son domicile. Elle l’aurait vu pour la première fois lors d’un dîner à Ram, en 1984, en présence de Touma, Geagea, Aziz Saleh, Tony Obeid et un capitaine de la famille Serhal. Selon elle, le brigadier recevait mensuellement de l’argent des FL, de 1987 à 1990 et, entre eux, les membres du service de sécurité, l’appelaient «Parapluie». Elle précise toutefois ignorer si le brigadier connaissait son surnom. Concernant Aziz Saleh, elle affirme qu’à l’époque de l’assassinat, il était directement rattaché à Ghassan Touma qui lui confiait des missions. Par la suite, il est devenu responsable du tri des dépêches en provenance de la section d’information, pour les remettre à la section d’analyse, toujours au sein du service de sécurité. Le procureur Addoum lui demande si elle se souvient d’autres opérations de sécurité des FL, après l’assassinat de Karamé et elle répond: «Il y a eu l’assassinat du brigadier Khalil Kanaan et de celui d’un responsable des FL, Joseph Akiki». Jeudi, Amale Abboud devra répondre aux questions des avocats de la partie civile et de la défense et la Cour procédera probablement à une confrontation entre elle et José Bakhos.
Dans l’affaire de l’assassinat de Rachid Karamé, l’assistance attendait avec impatience la comparution devant la Cour de justice du second témoin à charge, Amale Abboud, ancienne secrétaire personnelle du chef du service de sécurité des FL dissoutes Ghassan Touma. Chacun se demandait pourquoi une personne aussi proche de Touma avait pu, au cours de l’enquête...