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Actualités - ANALYSE

Haro général sur Taëf, fourre-tout où l'on ne trouve rien ...

Un accord, un régime: à l’heure des bilans de fin de règne, où en est-on de Taëf? Qu’en a-t-on réalisé? Ce pacte inachevé resterait-il valable comme base de pouvoir si, par extraordinaire, on devait en appliquer toutes les clauses? On le sait, encore mieux que le Sud, Taëf fait l’unanimité. Contre lui. Même ses artisans, même ses partisans s’en plaignent amèrement. Et soulignent que le document a certes servi à mettre fin à l’état de guerre, mais n’a pas jeté les fondements d’un véritable Etat comme il aurait dû le faire. Non pas tant, ajoutent-ils, à cause de ses dispositions intrinsèques qu’à cause de leur non-application ou de leur mauvaise exécution. D’autres rappellent que l’accord avait été accueilli en son temps avec soulagement, parce qu’il permettait la cessation des hostilités interlibanaises suicidaires, mais que, sur le plan politique, toutes les parties avaient souligné dès le départ ses imperfections, exprimé des réserves variées et demandé, qu’à terme, on élabore un autre pacte national. Le chef de l’Etat, M. Elias Hraoui lui-même, réclame depuis des années une révision de la Constitution issue de Taëf pour gommer des failles qui font boiter les institutions. Incidemment, mais pas accessoirement, le but de cette démarche est également de corriger les déséquilibres entre pouvoirs qui défavorisent, à son avis, la présidence de la République. Dans cet esprit même, M. Hraoui en est venu ces derniers temps à proposer l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel. Ce qui implique, comme on s’en doute, un changement total de système politique et de Constitution, puisque l’élection du premier magistrat par le peuple souverain signifie l’instauration d’un régime présidentiel accordant à l’intéressé les plus larges pouvoirs. M. Hraoui précise cependant que l’éligibilité à ce poste de vrai commandement ne sera pas circonscrite à une seule communauté, mais ouverte à tout Libanais remplissant les conditions nécessaires pour se présenter aux législatives. Une formule destinée, comme il dit, à débarrasser le pays d’un pouvoir à trois têtes dont les incessantes querelles ont beaucoup nui à l’économie comme aux finances nationales. Sans compter qu’à chaque dispute, la Syrie doit intervenir en conciliateur ou en arbitre, ce qui n’est pas très flatteur pour l’image de marque d’un Liban sinon indépendant du moins autonome… Pour le fond, un opposant modéré remarque que «nos dirigeants tirent gloire du fait que Taëf a fait taire le canon, mais oublient que l’on a négligé l’essentiel, à savoir le traitement des causes internes qui ont contribué à l’éclatement de la guerre et l’instauration d’un vrai climat de concorde. Par leur comportement, par leur âpreté à se disputer les miettes du gâteau sur des bases de représentation communautaire, ils ont même aggravé l’esprit confessionnel, source de tant d’inutiles dissensions entre Libanais. La paix civile restant souffreteuse si l’on peut dire, il est naturel que le pouvoir ait toujours besoin pour la préserver de la présence des forces militaires syriennes. Il faut seulement espérer que ce n’est pas pour garder justifiable un tel recours que les dirigeants ont laissé la situation politique se dégrader continuellement ces dernières années…» Un point important sur lequel l’ambassadeur américain, M. Richard Jones, apporte pour sa part le commentaire suivant: «Les Etats-Unis, dit-il, œuvrent pour le retrait de toutes les armées étrangères du Liban . Mais de multiples franges locales pensent que le départ de la Syrie signifierait le retour de la guerre. Et si ce pays devait revenir vingt-cinq ans en arrière, vous voyez d’ici le drame». Et d’ajouter, après ce feu vert à peine voilé, que «le Liban doit se renforcer économiquement et démocratiquement pour que les Libanais reprennent espoir après avoir subi les affres de la guerre» et, en sous-entendu probable, avant que les Syriens puissent se retirer… L’opposant modéré précité, reprenant au vol les conseils de M. Jones, remarque que, «pour soutenir l’économie en renforçant la démocratie, il faut commencer par réaliser l’entente nationale. Or c’est dans le sens tout à fait opposé que l’on a agi depuis la conclusion de Taëf, d’une manière ostensiblement délibérée, comme en font foi tant d’actes de gouvernements, dont les plus flagrants restent sans doute les prétendues élections législatives de 92 puis de 96. Précédées d’ailleurs d’une mise à l’écart systématique, au niveau du Cabinet comme du Parlement, des leaderships les plus représentatifs de l’Est sinon de l’ensemble du camp chrétien au Liban. Une exclusion qui retarde sans aucun doute l’accès de l’Etat libanais à sa maturité institutionnelle. Et partant, à son pouvoir de libre décision…»
Un accord, un régime: à l’heure des bilans de fin de règne, où en est-on de Taëf? Qu’en a-t-on réalisé? Ce pacte inachevé resterait-il valable comme base de pouvoir si, par extraordinaire, on devait en appliquer toutes les clauses? On le sait, encore mieux que le Sud, Taëf fait l’unanimité. Contre lui. Même ses artisans, même ses partisans s’en plaignent...