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Actualités - CHRONOLOGIE

Kirienko échoue à l'examen de passage communiste Le Kremlin optimiste sur les chances d'investiture, lors d'un troisième tour, de son candidat à la présidence du conseil

Les députés communistes ont décidé de voter aujourd’hui vendredi contre la candidature de Serguei Kirienko au poste de premier ministre. Du coup, le poulain de Boris Eltsine paraissait en position difficile à la veille du deuxième tour de son vote d’investiture, mais rien n’est joué pour autant. Répercutant le sentiment d’optimisme mesuré qui se manifeste tant au sommet de l’Etat que sur les marchés, orientés jeudi en fin de journée à la hausse en dépit des incertitudes politiques, le Kremlin faisait savoir que «les choses ne se présentent pas trop mal». Trois raisons à la confiance affichée par la présidence russe: Eltsine a reçu mardi le soutien du président de la Chambre basse, Guennadi Selezniov; le recours déposé mercredi par l’opposition communiste auprès de la Cour constitutionnelle ne sera pas examiné avant plusieurs mois; le Conseil de la Fédération, Chambre haute du Parlement, a fait savoir jeudi qu’il n’interviendrait pas dans le débat. Une quatrième raison, tout aussi valable que les trois précédentes, est que le rejet de M. Kirienko par les députés au deuxième tour ne scellerait pas pour autant le sort de cet ancien banquier de 35 ans, choisi par le chef de l’Etat pour donner un nouvel élan aux réformes libérales. Les choses sérieuses, en fait, pourraient ne commencer qu’après le deuxième tour: Boris Eltsine a en effet menacé les députés de dissoudre la Douma s’ils refusaient trois fois de suite la candidature de M. Kirienko, comme la Constitution le prévoit. Ce faisant, il a réduit les deux premiers tours de scrutin à un affrontement verbal sans enjeu véritable, permettant aux communistes de faire preuve, sans aucun risque, d’une combativité de façade destinée à satisfaire leur électorat. Entre deux maux Au troisième tour, expliquent les analystes, les communistes seront sommés de choisir entre deux maux: accepter Kirienko, au risque de perdre la face, ou le refuser, et perdre leurs confortables sièges de députés et tous les avantages qui s’y rattachent. A la perspective de voir Boris Eltsine représenter son candidat une troisième fois, leur chef de file Guennadi Ziouganov n’a pu qu’émettre jeudi un vœu pieux: «Je pense que le bon sens l’emportera, et que (le président) proposera un homme expérimenté», a-t-il dit. Cette déclaration a été faite à l’issue d’une longue réunion à huis clos entre MM. Ziouganov et Kirienko. Le jugement du chef du PC a été sévère: «Il ne répond pas directement à plusieurs questions; il n’a pas de programme, pas d’équipe, pas d’expérience». Puis il a laissé tomber la sentence: «Notre groupe et les groupes parlementaires des Agraires et Pouvoir au peuple (221 députés au total sur 450) ont pris la décision de voter contre lui». Interrogé sur l’intention de Boris Eltsine de présenter une troisième fois M. Kirienko à la Douma, en cas de rejet de sa candidature vendredi, M. Ziouganov a affirmé: «Je pense que le bon sens l’emportera, et qu’il proposera un homme expérimenté». Le principal intéressé, lui, s’est montré optimiste, déclarant avoir trouvé «plus de compréhension» parmi les leaders parlementaires lors de ses consultations de jeudi. «Ce qui m’a plu, c’est l’impression générale donnée par tous les groupes: ils ont fait plus de propositions qu’ils n’ont posé de questions», a affirmé M. Kirienko. Au premier tour, vendredi, M. Kirienko avait recueilli 143 voix, loin des 226 nécessaires à son investiture. Cette fois, il n’a pas cherché à placer la barre trop haut, déclarant: «Je n’essaye pas d’estimer mes chances. Je viendrai à la Douma et encore une fois (...), je ferai part aux députés des progrès que nous comptons faire. Le reste est le droit souverain des députés». Pronostics M. Kirienko, qui était un quasi-inconnu avant d’être choisi par Boris Eltsine pour succéder à Viktor Tchernomyrdine, limogé le 23 mars après plus de cinq ans à son poste, n’a qu’une année d’expérience gouvernementale. Le président russe, qui part pour le Japon vendredi soir pour y rencontrer le premier ministre nippon Ryutaro Hashimoto, s’est entretenu par téléphone jeudi avec le leader de la fraction gouvernementale «Notre maison la Russie» Alexandre Chokhine, selon les agences russes. Ce dernier ne s’est guère montré optimiste. «S’il y a un vote public et que les leaders du Parti communiste, Pouvoir au peuple et Parti agraire réussissent à persuader leurs partisans de voter de façon solidaire, Kirienko ne réussira pas au second tour», a déclaré M. Chokhine. «Le pronostic le plus optimiste est qu’il va recueillir environ 200 voix mais à mon avis ce ne sera même pas le cas», a-t-il prédit. Le chef du Parti agraire Nikolaï Kharitonov a parié de son côté sur un score de 120-130 voix, assurant que les consultations de jeudi «ne changeront rien». Le leader de l’opposition réformatrice, Grigori Iavlinski (Iabloko, 46 députés), a également répété que sa fraction voterait contre Kirienko au second tour comme elle l’a déjà fait au premier. «Ce serait honteux de voter pour après les propos tenus par Boris Eltsine et les ordres donnés à Borodine», a déclaré M. Iavlinski aux journalistes. Le président russe a donné instruction au début de la semaine à Pavel Borodine, le chef des services administratifs, de régler les problèmes des députés en fonction de leur «attitude constructive». M. Borodine s’occupe notamment de l’attribution de véhicules, d’appartements ou de datchas aux parlementaires. Si l’issue du second tour paraît critique pour Kirienko, celle du troisième est plus incertaine en raison du risque de dissolution de la Douma dans le cas où les députés rejetteraient une troisième fois le candidat du Kremlin. La plupart des analystes sont d’accord pour estimer que la Douma ne veut pas d’élections anticipées mais souhaitent attendre la date prévue de décembre 1999, pariant notamment sur une nouvelle dégradation de l’état de santé de Boris Eltsine et une montée du mécontentement face à la cure de rigueur déjà annoncée par M. Kirienko. Cette fois encore, le chef de l’Etat a placé le couteau sous la gorge de ses opposants, en annonçant à plusieurs reprises qu’il n’avait «pas d’autre candidat à présenter» que M. Kirienko. Dans une manœuvre destinée à éviter une dissolution, une cinquantaine de députés ont proposé jeudi une procédure de destitution contre Boris Eltsine. S’ils parvenaient à recueillir 300 voix à la Douma — mission quasi impossible — pour ouvrir la procédure, le président perdrait son droit de dissolution pendant trois mois. Les appels à la conciliation lancés ces derniers jours par le chef de l’Etat cachent donc en fait sa volonté de faire plier la Douma. Le président «espère et attend que la Douma fasse un geste de rapprochement vendredi», a déclaré jeudi le porte-parole du Kremlin, tout en ajoutant que «chaque jour qui passe dans la situation actuelle coûte très cher à la Russie sur les plans économique et financier».
Les députés communistes ont décidé de voter aujourd’hui vendredi contre la candidature de Serguei Kirienko au poste de premier ministre. Du coup, le poulain de Boris Eltsine paraissait en position difficile à la veille du deuxième tour de son vote d’investiture, mais rien n’est joué pour autant. Répercutant le sentiment d’optimisme mesuré qui se manifeste tant au...