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Actualités - REPORTAGE

Justice - La cour entend pendant près de six heures l'ancien numéro 2 des FL Pakradouni lance sa bombe : les palestiniens derrière l'assassinat de Karamé

Six heures de questions et de réponses et ce n’est pas encore fini. L’ancien numéro 2 des FL et actuel avocat de Samir Geagea a comparu hier devant la Cour de justice dans l’affaire Karamé. Il a dû y affronter son passé – et celui du Liban – à travers les questions du président Honein et celles du procureur Addoum. Ce dernier a même montré un film vidéo de ses prestations télévisées en 1987, alors qu’il était responsable de la section d’information des FL. L’audition du témoin Pakradouni a souvent pris des allures d’interrogatoire, mais au-delà des personnes et des situations, ce sont les pages de la guerre qui ont défilé devant l’assistance, n’en finissant plus d’empoisonner le présent. Depuis que le 16 janvier 1998, la Cour a accepté que le témoin du parquet, Karim Pakradouni se charge de la défense de Samir Geagea malgré l’opposition du procureur, tout le monde attendait cette audience. Et celle-ci a été à la hauteur des spéculations. Cela faisait longtemps en effet qu’il n’y avait plus eu dans l’immense salle du tribunal une tension aussi grande, qui s’est d’ailleurs traduite par une violente altercation entre les avocats de la défense et ceux de la partie civile. C’est que cette évocation des épisodes de la guerre a quelque chose d’indécent et est pénible pour les deux parties, mais aussi pour l’assistance en général… Le témoin commence par confirmer ses précédentes dépositions, dans l’affaire de la double tentative d’assassinat du ministre Murr et devant le juge d’instruction, Georges Ghantous. Il y avait notamment précisé que Geagea détenait le pouvoir absolu au sein des FL et les services de sécurité de la milice dépendaient directement de lui. Mais il ajoute une nuance : «Après avoir réfléchi sur le jugement de la Cour de justice dans l’affaire de l’explosion de l’église de Zouk (la Cour avait acquitté le chef des FL faute de preuves, attribuant la responsabilité du crime à une cellule israélienne au sein de l’ancienne milice), j’ai remis en question mes affirmations. Une cellule israélienne a pu infiltrer les FL depuis longtemps sans que nous ne le sachions, parce que nous étions trop sûrs de nous pour imaginer une telle chose». Selon lui, l’infiltration n’est pas en contradiction avec l’existence de contacts officiels entre le commandement des FL et les Israéliens en 1987. «Au contraire. Israël jouait du piano avec les différentes parties libanaises». (Pakradouni se réfère ainsi aux propos attribués à Uri Lubrani dans lesquels ce dernier avait affirmé qu’Israël comptait nouer des relations avec toutes les parties et jouer ainsi toutes les touches du piano libanais). Selon le témoin, «Dieu seul sait à qui allait l’allégeance de Ghassan Touma» (ancien responsable du service de sécurité des FL et planificateur présumé de l’assassinat de Rachid Karamé). Mais il précise que Touma faisait partie des premiers compagnons de Geagea. Il ajoute ensuite qu’en 1994, Geagea contrôlait mieux les FL qu’en 1987. «Il est plus facile de contrôler 5 000 personnes que 15 000», précise-t-il. Un hommage... Répondant aux questions de la Cour, Pakradouni affirme que le conflit en 1987 n’était pas réellement entre les FL et le Premier ministre Karamé. «C’était entre tout l’Est et tout l’Ouest». Mais lorsque vient le tour du procureur Addoum, ce dernier montre un montage vidéo de conférences de presse du témoin, dans lequel Pakradouni ne s’en prend qu’à Karamé. Ce qui d’ailleurs le pousse à s’exclamer : «Ce sont des extraits voulus pour conforter la thèse du parquet». Interrogé sur le numéro d’Al Massira (hebdomadaire des FL) qui avait mis en couverture : «Que se passera-t-il après Karamé : Il est mort pour que vive le Liban», Pakradouni explique qu’à ses yeux, il s’agit d’un hommage, car cette phrase est imprimée sous la photo de chacun des martyrs des FL ou des Kataëb. L’interprétation est tellement originale que les nombreux partisans de Karamé, présents dans la salle, ne peuvent s’empêcher de réagir. Toutefois, l’avocat de la partie civile, Me Dayé, qui a une photocopie de l’exemplaire devant lui, montre l’éditorial qui suit cette couverture et qui est loin d’être un hommage au défunt. Pakradouni affirme que les FL ont publié un communiqué «condamnant l’attentat, en dépit des conflits avec Karamé». Il raconte ensuite que le jour de l’assassinat, le 1er juin 1987, il s’est rendu à son bureau dans l’après-midi et il y est resté jusqu’à 17h, pour participer ensuite à la réunion du Conseil central des Kataëb, à Saïfi. Il nie ainsi les faits rapportés par les témoins José Bakhos et Boutros Ghazal qui avaient affirmé que Touma et d’autres responsables des FL s’étaient rendus au bureau de Pakradouni, après l’assassinat dans la matinée du 1er juin, et ce dernier avait demandé à sa secrétaire de servir du champagne. Pakradouni reconnaît que les responsables des divers services de sécurité des FL sont venus à son bureau ce jour-là, à sa demande, pour lui transmettre des informations sur l’événement, mais il affirme que cela s’est passé entre 14h et 17h. Interrogé par la Cour, il précise que les responsables lui ont surtout donné des informations sur ce qui se passait à Halate, sans évoquer l’attentat proprement dit. Il ajoute que, de toute façon, les responsables des services de sécurité ne parlaient jamais des opérations sécuritaires. «Ils nous envoyaient simplement des analyses sur les événements». Il ajoute que les opérations de sécurité étaient secrètes et ne parvenaient pas au conseil de commandement des FL (dont il était membre , ainsi que les représentants des partis de l’Est). Seul Samir Geagea en était informé. Il lance ensuite sa bombe. Il affirme qu’au lendemain de l’attentat, les services de sécurité ont envoyé une analyse selon laquelle les organisations palestiniennes étaient derrière l’attentat, à la suite de l’abrogation de l’accord du Caire, le 21 mai 1987, par le Parlement libanais. Il rappelle alors qu’à la suite de cette abrogation, les organisations palestiniennes ont adressé des menaces aux responsables libanais. Elles ont aussi considéré cette abrogation comme illégale, car unilatérale, et elles ont demandé à la Ligue arabe de se pencher sur l’affaire. Tout au long de sa longue déposition, Pakradouni essaie de montrer que les positions des FL, à l’époque (notamment la réclamation de la démission de Karamé, puis l’exigence que cette démission soit acceptée), étaient partagées par toutes les parties de l’Est. Il nie aussi avoir eu connaissance d’un projet de solution élaboré entre le président Camille Chamoun et le Premier ministre Karamé que les deux hommes s’apprêtaient à signer au début de juin 1987. Selon lui, jamais le président Chamoun n’avait évoqué un tel projet au cours des réunions hebdomadaires du Front libanais. Pourtant, selon la partie civile, la presse avait fait état à l’époque d’un projet de ce genre, destiné à mettre un terme à la guerre qui déchirait le pays. Le procureur revient sur les prétendus voyages de Pakradouni en Israël. Deux témoins, Salem Youssef et Robert Abi Saab, avaient raconté l’avoir accompagné, lui et Geagea, en Israël, en 1987 et 1988. Le témoin précise que son passé montre qu’il a toujours eu des options arabes et nationales et qu’il a toujours refusé d’avoir le moindre contact avec les Israéliens. L’audition interrogatoire est ensuite levée mais Karim Pakradouni sera de nouveau entendu mercredi.
Six heures de questions et de réponses et ce n’est pas encore fini. L’ancien numéro 2 des FL et actuel avocat de Samir Geagea a comparu hier devant la Cour de justice dans l’affaire Karamé. Il a dû y affronter son passé – et celui du Liban – à travers les questions du président Honein et celles du procureur Addoum. Ce dernier a même montré un film vidéo de ses...