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Actualités - OPINION

Au Madina "Cheghlet Fikr" de Gabriel Yammine Délicieusement névrotique ... (photo)

Voilà un théâtre qui rend la réalité plus supportable tout en la dénonçant avec un humour décapant. Curieux paradoxe où les travers des humains et les contradictions du quotidien sont épinglés avec un esprit de carabin et où tout est rapporté sur un tempo délicieusement névrotique. «Cheghlet Fikr» (préoccupation), texte, mise en scène et interprétation de Gabriel Yammine reprend l’idée usée jusqu’à la corde de l’écrivain se jouant de ses personnages et de son public. L’intérêt de la pièce n’est guère dans la nouveauté ou l’originalité du sujet abordé mais dans la manière de le traiter sur scène. Gabriel Yammine jette en pâture aux spectateurs une brochette de personnages haut en couleur avec pour dénominateur commun un aspect «hystérisé» qui déclenche le rire, car accentué ici par un jeu au comique appuyé, souvent caricatural. Satire sociale mordante menée tambour battant avec d’excellents comédiens. Pierre Chamoun en tête de liste, Gisèle Boueiz qui le talonne de très près surtout dans son sketch de folle-dingue, sans oublier la prestation pleine de finesse de Zeina Melki. Des historiettes de tous crins et de tous azimuts qui n’ont apparemment rien de commun si ce n’est le mal de vivre et le besoin de divertir le spectateur tout en jetant la lumière sur la vie dans ses aspects les plus imprévisibles, les plus saugrenus... Entre drôlerie et sarcasme, entre rire et critique sociale, entre désagrégation d’un univers de plus en plus déshumanisé et associations verbales qui relèvent presque du surréalisme, cette pièce aux embardées hilarantes s’inscrit dans la lignée d’une inspiration morcelée ionescienne ou obaldienne... Plusieurs tableaux aux situations invraisemblables et délirantes pour dire le pathétique de la solitude et la déchéance d’un Don Juan, les désarrois d’un apprenti-dentiste en prise avec un curé Don Camillo version locale, le drame méconnu des obscurs tâcherons devant les «grosses légumes» ministrables, les conflits de personnalité entre nantis et démunis littéralement écrasés, la folie des braves femmes au foyer lâchées dans le vide d’un système qui ne reconnaît que les titres, l’incroyable ballet nocturne de trois paumés qui s’offrent le spectacle d’une noyade a 500LL et, pour finir, c’est tout un art que de parler de ce père qui tente de déniaiser son puceau de fils chez des respectueuses à la langue bien pendue... Joli panaché où l’on rit énormément grâce surtout à la présence de Pierre Chamoun et une séquence impayable de Gisèle Boueiz. Dans un décor judicieusement fait de bric et de broc, à noter aussi la «présence» de la musique de Zad Moultaka ainsi que l’éclairage astucieux et efficace de Michel Jarjoura. Malgré certaines inégalités dans ces «scènes» farfelues et disjonctées, «Cheghlet Fikr», faussement décousue, garde bien ses distances avec les acteurs, les personnages et le public afin d’offrir une soirée où par delà toute exploration et expérimentation scénique, demeure un théâtre qui conjugue avec bonheur et dans la jubilation, divertissement et réflexion.
Voilà un théâtre qui rend la réalité plus supportable tout en la dénonçant avec un humour décapant. Curieux paradoxe où les travers des humains et les contradictions du quotidien sont épinglés avec un esprit de carabin et où tout est rapporté sur un tempo délicieusement névrotique. «Cheghlet Fikr» (préoccupation), texte, mise en scène et interprétation de Gabriel...