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Actualités - ANALYSE

La proposition israélienne de retrait conditionnel Tentation de guerre et scénario de paix

La timide contre-offensive diplomatique lancée par le Liban et la Syrie pour expliquer leur rejet de la proposition israélienne au sujet de la résolution 425 n’a pas encore réussi à colmater les brèches ouvertes par Benjamin Netanyahu. Pendant ce temps, à Tel-Aviv, les responsables israéliens ne perdent pas une minute: le premier ministre israélien s’est personnellement chargé de communiquer aux ambassadeurs étrangers «la bonne nouvelle de la décision de retrait», et les représentants de l’Etat hébreu dans les grandes capitales ont soudain envahi les plateaux des télévisions, les ondes des radios et les colonnes des journaux. Pourtant, la position de Beyrouth et de Damas n’est pas indéfendable. L’acceptation de la 425 par le cabinet de sécurité israélien le 1er avril est assortie de conditions qui non seulement ne figurent pas dans le texte initial, mais constituent une atteinte à la souveraineté du Liban. Le premier point du communiqué israélien stipule qu’«Israël accepte la résolution 425 (...) de façon à ce que l’armée israélienne évacue le Liban avec des arrangements de sécurité appropriés». Le troisième point donne une idée plus précise de la conception israélienne de la nature de ces arrangements: «Israël considère que la sécurité et la sûreté des habitants de la zone de sécurité et des soldats de l’Armée du Liban-Sud (ALS) font partie intégrante de l’application de la 425 et de tout autre arrangement qui serait conclu pour la restauration de la sécurité à notre frontière avec le Liban». La milice pro-israélienne devrait donc faire partie du dispositif de sécurité mis en place après un éventuel retrait de la zone occupée. Il n’est pas étonnant, dès lors, que le Liban et la Syrie rejettent la proposition israélienne. En dépit de la grossièreté du plan israélien, M. Netanyahu a enregistré des points importants à tous les niveaux. En annonçant son intention de se retirer du Liban-Sud, il a apaisé une opinion publique interne lassée par l’enlisement de l’armée israélienne dans le bourbier libanais et affectée par ses pertes croissantes (220 morts depuis 1995, dont 39 en 1997). Même le «Mouvement des quatre mères», qui réclame un désengagement total de l’armée au Liban-Sud, a salué l’initiative du cabinet et s’est déclaré prêt à coopérer avec lui. M. Netanyahu a aussi donné quelques coups de pic dans l’immense mur de glace qui le sépare des pays arabes, dont ceux qui ont signé une paix avec l’Etat hébreu. Le ministre égyptien des Affaires étrangères, M. Amr Moussa, a évité de s’aligner sur la position du Liban et de la Syrie. Sur un ton mi-plaisant, mi-sérieux, il a déclaré vendredi dernier en réponse à une question d’un journaliste libanais à Rome: «Il paraît qu’Israël veut se retirer du Liban-Sud et que vous refusez»? Beyrouth et Damas réussiront probablement à resserrer les vis du côté égyptien. Il leur faudra cependant beaucoup plus d’efforts, de capacité de persuasion et de subtilité, pour convaincre les Etats-Unis et le secrétaire général de l’ONU du bien-fondé de leur position. Washington et l’ONU Washington a réaffirmé sa position de principe appuyant un règlement global au Proche-Orient, tout en saluant «les progrès réalisés sur n’importe quel volet». Mais depuis le lancement du processus de paix en 1991, le point de vue d’Israël sur les solutions séparées prime sur celui des Américains. L’accord d’Oslo avec les Palestiniens et le traité de paix avec la Jordanie en témoignent. Et jamais l’administration américaine n’a tenté d’empêcher la conclusion d’accords séparés au bénéfice d’une paix globale. Il y a peu de chance pour que son attitude change avec le Liban. Toutefois, ce qui intéresse M. Netanyahu, ce n’est pas tant le soutien des Etats-Unis à sa proposition sur le Liban, que l’arrêt des initiatives US concernant le dossier palestinien. Il y a deux semaines, le lobby juif a lancé une campagne publicitaire dans de grands journaux américains qui publient des encarts dénonçant «l’attitude anti-israélienne de l’administration Clinton». 75 sénateurs et le quart des membres de la Chambre des représentants ont par ailleurs adressé deux lettres au locataire de la Maison-Blanche lui demandant de ne pas proposer d’initiative visant à débloquer les négociations entre Israéliens et Palestiniens. M. Netanyahu pourrait donc exploiter sa proposition sur le Liban dans une direction lui permettant d’exercer des contre-pressions sur l’administration américaine pour servir l’intérêt stratégique d’Israël qui se trouve non pas au Liban-Sud, mais en Cisjordanie et dans une moindre mesure dans le Golan. Le cas du secrétaire général des Nations Unies est différent. M. Kofi Annan n’a pas caché sa satisfaction à l’égard de la proposition israélienne. 24 heures après l’adoption du plan Mordéhaï en Israël, le Conseil de Sécurité s’est retrouvé, comme par enchantement, en train de discuter des moyens de mettre en œuvre la résolution 425, avec pour toile de fond le plan israélien. Certes, cette démarche n’a pas eu de suite. Mais elle était suffisante pour inquiéter Beyrouth et Damas qui se montrent, depuis, très sévères à l’adresse de M. Annan. «Le secrétaire général de l’ONU doit veiller à l’application intégrale de la 425, ou ne doit pas se mêler de cette affaire», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, M. Farès Boueiz, samedi dernier. «Il semble que M. Annan n’ait pas lu ou n’ait pas fait une bonne lecture de la proposition israélienne car cette décision comporte des conditions qui ne figurent pas dans la résolution 425 de l’ONU», a de son côté affirmé le vice-président syrien, M. Abdel Halim Khaddam, dimanche à Paris. Des circonstances différentes En l’espace de quelques jours, M. Netanyahu a tenté de renverser la vapeur. Décrit depuis deux ans comme un homme intransigeant, extrémiste et rigide, il s’efforce maintenant de donner de lui-même l’image d’un premier ministre capable, lorsqu’il le faut, de présenter des concessions territoriales et politiques. Cette offensive de charme en direction de l’opinion publique internationale va se poursuivre dans les semaines à venir, et cela inquiète les responsables libanais et syriens, ainsi que le Hezbollah. Pour compléter l’isolement de la Syrie et détourner l’attention du monde de sa politique à l’égard des Palestiniens, Israël pourrait être tenté d’imposer par la force ses conditions au Liban. Il a d’ailleurs déjà essayé de le faire sans succès en avril 1996. Mais les circonstances sont actuellement tout à fait différentes. En avril 96, Israël s’est déchaîné contre le Liban pour garantir la sécurité de son occupation du Liban-Sud. S’il décide aujourd’hui de lancer une nouvelle offensive, ce sera au nom des arrangements de sécurité garantissant le retrait de ses troupes. En ajoutant à cela une opinion publique internationale conditionnée par Israël, la position du Liban sera intenable. Le scénario de la guerre est sérieux. Israël nous a habitués à ses agressions répétées. Certains milieux avancent déjà des dates: juin ou juillet. Le prétexte sera trouvé sans problème: par exemple, une attaque du Hamas pour venger la mort de son chef militaire Muheiddine el-Charif. Mais d’autres observateurs pensent que la proposition israélienne aboutira, d‘une manière ou d’une autre, à la reprise des négociations entre l’Etat hébreu et la Syrie. Damas ne peut évidemment pas accepter de reprendre les négociations à partir de zéro. Et M. Netanyahu ne peut pas accepter, non plus, les conditions syriennes d’une reprise des pourparlers au point où ils étaient arrivés en février 1996, au risque de voir sa coalition gouvernementale voler en éclats. Les Etats-Unis et les pays concernés par le conflit au Proche-Orient ne manquent pas d’imagination: les négociations pourraient reprendre «sur la base des progrès réalisés» depuis 1991. Une autre formule, proposée par la France, est également envisagée. La Syrie pourrait donner son feu vert pour un retrait israélien du Liban-Sud (avec des arrangements de sécurité minimaux), si Israël s’engage à reprendre les négociations au point où elles s’étaient arrêtées à Wye Plantation (Etats-Unis) en février 96... Tentation de guerre ou scénario de paix? La réponse ne viendra sûrement pas des responsables libanais qui attendent en spectateurs le dénouement de ce nouveau bras de fer. Pour l’instant, ils ont mieux à faire: prendre quelques jours de repos entre deux voyages.
La timide contre-offensive diplomatique lancée par le Liban et la Syrie pour expliquer leur rejet de la proposition israélienne au sujet de la résolution 425 n’a pas encore réussi à colmater les brèches ouvertes par Benjamin Netanyahu. Pendant ce temps, à Tel-Aviv, les responsables israéliens ne perdent pas une minute: le premier ministre israélien s’est personnellement...