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Actualités - REPORTAGE

Justice - Vive tension au procès Karamé Addoum menace Pakradouni, Abi Saab, Rizk et Geagea de poursuites (photo)

«C’est l’audience la plus intéressante depuis l’ouverture du procès Karamé». Le procureur Adnane Addoum ne cache pas sa satisfaction après l’audition durant près de cinq heures du principal témoin à charge, Robert Abi Saab, dont pourtant le témoignage est controversé. Pour une fois d’accord, le procureur et Samir Geagea brandissent tous deux la menace d’engager des poursuites contre l’ancien responsable de la section des informations du service de renseignements extérieurs des FL.Pour des raisons différentes, bien sûr : Geagea pour faux témoignage et Addoum pour contact avec l’ennemi. La menace du procureur est d’ailleurs valable pour Karim Pakradouni, (avocat de Geagea et ancien vice-commandant des FL), Pierre Rizk (responsable du service de renseignements extérieurs) et Geagea lui-même, qui, selon le témoin, se sont rendus ensemble en Israël, en 1988. Il est rare de voir le chef des FL dissoutes troublé. Pourtant, hier, devant la Cour de justice, en écoutant Robert Abi Saab, il s’énerve et son débit en devient précipité. C’est que l’ancien responsable de la section d’information du service de renseignements extérieurs des FL est l’une des rares personnes au sein de la milice à détenir des secrets potentiellement compromettants. C’est d’ailleurs grâce à sa déposition que l’enquête a pu impliquer le chef des FL dissoutes, Samir Geagea. Selon lui, son supérieur Pierre Rizk lui aurait confié en 1988, puis en 1996, à Paris que Geagea lui avait demandé de «liquider Rachid Karamé». Geagea veut créer un choc Mais Rizk aurait refusé, en raison de ses liens avec l’Irak qui auraient été compromis par une telle opération. C’est alors que Geagea aurait demandé à Ghassan Touma, chef du service de sécurité des FL, de planifier et d’exécuter l’attentat. Le témoin ayant précédemment déclaré que nul, au sein des FL, ne peut refuser un ordre de Geagea, les avocats de la défense demandent comment Rizk a pu le faire. Abi Saab répond qu’ayant occupé un poste de responsabilité au sein des FL avant l’arrivée au commandement de Geagea, Pierre Rizk avait plus de liberté que Touma. «Ce dernier étant un homme secret, comment aurait-il pu faire des confidences à Rizk ?», demande le procureur Addoum. «Les chefs des services échangeaient des informations entre eux, même s’il y avait une certaine rivalité entre leurs départements. Ils tenaient des réunions régulières dans ce but», répond le témoin. C’est aussi Pierre Rizk qui lui a révélé que Geagea souhaitait obtenir un portefeuille ministériel dans le gouvernement Karamé en 1987. Il en aurait parlé avec le président Amine Gemayel qui aurait répondu que Karamé s’y opposait fermement. Rizk lui aurait aussi révélé qu’une réunion peu avant l’assassinat de Karamé, entre Geagea, Touma et Rizk et d’autres responsables des FL. Geagea aurait déclaré à cette occasion qu’il fallait «faire quelque chose, créer un choc» pour briser le statu quo. Pressé de dire en quoi pouvait consister ce «choc», le témoin répond : faire en sorte d’entrer au gouvernement, par exemple exercer des pressions sur le président Gemayel. Voiture piégée à Tripoli Le témoin révèle aussi que la voiture qui avait explosé dans un marché aux légumes à Tripoli après l’assassinat de Karamé avait été envoyée par les FL, plus précisément par le service de Pierre Rizk, qui s’occupait de toutes les opérations à l’extérieur des «régions Est». À une question du président Mounir Honein, il s’empresse de préciser qu’il n’avait rien à y voir, puisqu’il n’était en charge que de la section des informations et non de celle des opérations sur le terrain. Cela ne l’empêche pas, à la fin de l’audience, de se contredire et de déclarer, en réponse à une question de Me Edmond Naïm, que son service avait reçu des rapports sur l’explosion de cette voiture et qu’elle visait à déstabiliser et à détourner l’attention générale. Geagea ne manque pas de relever cette contradiction importante et demandera au procureur de poursuivre Robert Abi Saab pour faux témoignage. Mais Addoum ne voit aucune contradiction dans ces propos car, selon lui, même si le service envoie une voiture piégée dans une région, il peut aussi recevoir des rapports ou en établir, sur l’événement, généralement destiné à déstabiliser la situation. Interrogé par l’inculpé Keitel Hayeck, il affirme ne rien savoir au sujet de la bombe lancée sur la tombe de Karamé à la veille de la cérémonie du quarantième de sa mort. Selon lui, le brigadier Khalil Matar entretenait de bonnes relations avec Ghassan Touma et Samir Geagea, et il avance pour preuve un voyage qu’il aurait effectué en compagnie de Geagea et de Rizk en Israël, à bord d’un avion civil qui avait décollé à partir de la base de Halate. Matar et ses avocats s’insurgent et le brigadier précise que les autorisations de ce genre étaient données par le commandement de l’armée. Reprenant la théorie développée par Me Edmond Naïm au cours de l’audience précédente, la défense essaie de montrer que le témoin est mû par la haine et par conséquent ses propos ne sont pas crédibles. Les avocats l’interrogent ainsi sur les circonstances de son départ des FL, à la suite de 20 jours d’emprisonnement, en 1991. Robert Abi Saab répond que le chef du service, Pierre Rizk, était parti en principe pour se marier, mais qu’en réalité, il n’était jamais retourné au Liban, ni au sein des Forces libanaises. Il avait emporté avec lui «ses relations et ses secrets». C’est pourquoi, Samir Geagea lui a demandé de dire tout ce qu’il savait sur le service à Ghassan Touma, qui devait désormais contrôler tous les départements de sécurité. Comme il s’agissait de questions délicates, la passation s’est faite en secret, pendant 17 jours, au cours desquels Abi Saab a été installé dans un bureau à proximité de celui de Geagea. «Ce n’était pas un emprisonnement, mais une sorte d’arrestation préventive». L’audience se termine dans une ambiance survoltée, la défense convaincue que le témoin s’est trop contredit pour être crédible, alors que le parquet et la partie civile se frottent les mains. Vendredi prochain, c’est un Karim Pakradouni menacé de poursuites qui sera entendu par la cour.
«C’est l’audience la plus intéressante depuis l’ouverture du procès Karamé». Le procureur Adnane Addoum ne cache pas sa satisfaction après l’audition durant près de cinq heures du principal témoin à charge, Robert Abi Saab, dont pourtant le témoignage est controversé. Pour une fois d’accord, le procureur et Samir Geagea brandissent tous deux la menace d’engager...